Iourievna ne tenait
pas en place.
« C’est demain
qu’on part ! Tu te rends compte ? C’est demain.
Elle faisait les
cent pas de la porte de la salle de bains à la baignoire, remettait en place
une serviette qui n’en avait nul besoin, déplaçait au hasard shampooings et
gels douche.
‒ En un an,
ils ont dû changer, mais pas trop, j’espère !
Ce qu’elle
redoutait surtout, c’était qu’ils ne soient plus célibataires.
‒ Non, parce
que, s’ils roucoulent, on les verra pas beaucoup. Et on les gênera plutôt
qu’autre chose.
Elle s’est
brusquement plantée devant moi.
‒ T’as
l’intention de le tromper, Théo ?
Je l’ai regardée,
interloquée.
‒ Quoi !
‒ Ben,
oui ! Tu dois bien avoir une idée derrière la tête, vu que t’es en train
de t’ébarber le parpaillou. Juste avant d’aller là-bas. Comme par hasard.
J’ai haussé les
épaules. Je n’ai pas répondu.
Je n’avais pas la
moindre intention de tromper Théo, non, mais celle de me rendre au Banya avec
mes cousines. Et d’y être présentable. Un minou, à mes yeux, ou bien ça se
laisse naturel, avec sa pelisse d’origine, ou bien ça se met tout lisse, mais
ça reste pas à mi-chemin en forêt de petits piquants disgracieux.
Elle a insisté.
‒ Oh, sûrement
que si que t’as une idée derrière la tête. »
C’est effectivement
là, au Banya, que, dès notre arrivée, nos cousines m’ont entraînée, moi toute
seule, Ekaterina et Iourievna préférant rester discuter avec oncle Sergey et
tante Galina, mais, à l’évidence, ce n’était qu’un prétexte : à mon avis,
elles appréhendaient les fustigations aux branches de boulot qui s’y
administrent, pour faire circuler le sang, entre bains de vapeur et douches
froides. Elles ont eu tort, parce que c’est tout à fait supportable et qu’on a
passé une excellente après-midi entre filles, que mes cousines m’ont fait faire
la connaissance de certaines de leurs amies, très agréables, et qu’après, en
buvant le thé, on a bavardé à cœur ouvert toutes les trois. Je leur ai parlé de
Théo et des espoirs que je fondais sur notre relation. Mariya, elle, était
amoureuse de son voisin Maxim.
« On sort
ensemble. Mais je sais pas trop ce que ça va donner parce que, d’après mes
copines, c’est un coureur. Et même… un collectionneur.
Quant à Liliya,
elle se remettait tout doucement d’une relation compliquée avec l’un de ses
camarades de classe.
‒ Et, pour le
moment, je préfère rester célibataire. Je verrai plus tard.
On a évidemment
fini par parler fessée. Ça n’a jamais été un sujet tabou entre nous.
Elles n’en
reçoivent plus.
‒ Pour
l’instant, en tout cas. Je touche du bois. La dernière, c’était il y a six
mois. Plus de six mois.
‒ Et je peux
te dire que celle-là, elle nous a servi de leçon. Parce que faut être honnêtes.
On l’avait pas volée.
Elles n’ont pas
précisé davantage. Et je n’ai pas posé de questions.
‒ Dimitriy,
lui, par contre, il y a encore eu droit pas plus tard que la semaine dernière.
‒ S’il buvait
pas tant aussi ! »
Ce que j’ai effectivement
eu l’occasion de constater par moi-même, dès le lendemain soir. Il avait été
décidé une sortie au restaurant entre jeunes. Eux trois, nous trois et leurs
trois voisins dont ils tenaient absolument à nous faire faire connaissance.
Mariya m’a glissé à
l’oreille.
« Tu verras
Maxim comme ça. Tu me diras ce que t’en penses.
Ça avait bien
débuté. Dans une atmosphère conviviale. La conversation roulait sur tout. Le
mode de vie russe. La cuisine française. La musique. La littérature. On s’est
longuement attardés à table. Personne n’avait vraiment envie que ça s’arrête.
Et les garçons ont commandé bouteille sur bouteille. Les verres se
remplissaient, se vidaient. Les yeux se faisaient de plus en plus brillants,
les joues de plus en plus rouges, les conversations de plus en plus bruyantes.
Les filles n’étaient pas en reste. Iourievna riait haut perché aux
plaisanteries de Maxim à qui elle plaisait manifestement beaucoup. Ekaterina se
taisait, mais n’oubliait pas de tendre son verre. Prises dans l’ambiance, Mariya
et Liliya se laissaient, elles aussi, progressivement aller.
Les lumières ont
fini par s’éteindre et on s’est retrouvés dehors où j’ai tout aussitôt proposé
qu’on rentre.
« Je suis un
peu fatiguée.
Dimitriy s’est
récrié.
‒ Oh, pas
déjà !
Les autres ont fait
chorus.
‒ Pour une
fois qu’on peut être ensemble !
Et on s’est
retrouvés dans un café bondé où il se jouait de la musique, où tout le monde
paraissait heureux et détendu, où on s’interpellait d’une table à l’autre, où
les rires fusaient de tous côtés.
Dimitriy m’a passé
un bras autour des épaules.
‒ Allez,
cousine, tu vas pas nous plomber l’ambiance ! Goûte-moi cette vodka, tu
m’en diras des nouvelles ! »
De la vodka, Maxim
s’efforçait, de son côté, d’en verser dans le corsage d’Iourievna qui se tortillait
et riait aux éclats. Quant aux deux cousines, elles semblaient, elles aussi, en
boire plus que de raison, à l’autre bout de la salle, en compagnie d’un autre
groupe de garçons et de filles.
Il a pourtant bien
fallu finir par se décider à rentrer et on s’est retrouvés sur le trottoir en
quête d’un taxi, petite troupe joyeuse et tapageuse. Maxim avait enlacé
Iourievna qui se pressait contre lui sous prétexte qu’elle avait froid. Mariya
s’accrochait à moi et clamait haut et fort qu’elle était cocue.
« Cocue,
oui ! Cocue jusqu’au blanc des yeux.
Dimitriy, lui,
s’était planté devant un immeuble dont, au quatrième étage, une fenêtre était
allumée.
‒ Je suis sûr
que c’est une femme là-haut. Une jeune qu’est toute seule et qui s’ennuie. Faut
que je monte lui rendre service.
Et il a entrepris
d’escalader la façade en s’accrochant à la gouttière. Sans succès.
On a fait tant et
si bien qu’on a fini par attirer l’attention d’une patrouille de police. Ils
ont voulu voir nos papiers.
‒ On les a
pas.
Et Iourievna a
éclaté de rire.
Tandis qu’Ekaterina
me chuchotait à l’oreille.
‒ T’as vu ces
drôles de chapeaux qu’ils ont ? »
Et elle aussi a
pouffé.
Résultat des
courses : on s’est tous fait embarquer, menotter, et placer pour la nuit
en cellule de dégrisement, après avoir dû nous soumettre à un test
d’alcoolémie.
Le lendemain matin,
c’est tante Galina qui est venue nous chercher au poste où on nous a encore
passé un savon avant de nous laisser partir.
Elle avait sa tête
des mauvais jours.
Iourievna s’est
pourtant efforcée de l’apitoyer.
« Tu diras
rien à nos parents, hein, Tatie ?
‒ Trop
tard ! C’est déjà fait. Et ils m’ont laissé tout loisir de vous punir
comme je l’entends. Et comme vous le méritez. »
J’avais peur de
comprendre ce que ça signifiait. Et j’ai jeté à Dimitriy, qui regardait défiler
le paysage avec infiniment d’attention, un regard noir. C’était sa faute tout
ça. S’il n’avait pas tant insisté pour poursuivre la soirée…
Et, à peine
rentrés, on y a eu droit.
L’ordre a claqué.
« Vous vous
déshabillez ! Et vous vous dépêchez !
Devant Dimitriy qui
ne nous avait jamais vues nues, en tout cas mes sœurs et moi, ce n’était pas
évident. Pour lui non plus d’ailleurs, seul garçon au milieu de toutes ces
filles. Tant et si bien qu’on a, lui comme nous, traînaillé tant qu’on a pu et
que tante Galina a dû intervenir et nous menacer.
‒ Le dernier à
être en tenue aura double ration.
C’est pour le coup
que tout a volé. À toute allure. Pantalons, robes, soutien-gorge et petites
culottes. Terrorisé à l’idée d’être celui-là, Dimitriy a même été le premier à
se retrouver tout nu.
‒ Bon, ben on
va commencer par toi alors !
Elle l’a fait
pencher en avant, à l’équerre, et elle a cinglé. Très vite, son derrière s’est
trouvé strié de longues balafres écarlates. Devant nous, il avait à cœur de ne
pas se donner en spectacle. On voyait bien qu’il faisait tout ce qu’il pouvait
pour ne pas gigoter et crier, mais tante Galina avait manifestement décidé, de
son côté, de l’y contraindre, pour que la leçon porte davantage. Elle a fait
durer du coup, elle a tapé plus vite, plus fort et il a bien été obligé de
finir par céder. Il s’est mis à sautiller sur place, en tournant sur lui-même,
ce qui nous montrait alternativement ses fesses rougies et sa queue qui s’était
toute rabougrie de peur et qui ballottait entre ses cuisses. Il était vraiment
ridicule et on n’a pas pu s’empêcher de rire. De bon cœur.
‒ Là ! Et
maintenant tu vas te mettre à genoux là-bas, mains sur la tête. Comme ça,
oui ! Bon, mais à qui le tour ? Olga ? Allez, Olga ! »
J’ai bien essayé de
l’apitoyer, en m’excusant platement, en lui promettant et jurant que ça ne se
reproduirait pas, il n’y a rien eu à faire. Elle s’est montrée inflexible. Et
j’ai dû aller prendre à mon tour appui, des deux mains, sur le dossier du
canapé et me pencher en avant pour offrir mes fesses aux claquées. Placé comme
il l’était, mon cousin avait une vue imprenable sur mon anatomie. Comment il
devait se régaler ! Et je l’ai haï pour ça. Je l’ai d’autant plus détesté
que je considérais qu’il était le principal responsable de ce qui nous
arrivait. S’il n’avait pas tant insisté pour prolonger la soirée aussi !
Mais tante Galina ne s’encombrait pas de ces considérations. À ses yeux on
était tout autant coupables les uns que les autres. Et elle m’a flanqué une de
ces corrections ! J’ai crié, j’ai pleuré, je me suis protégée de mes mains
qu’elle m’a obligée à retirer en me flagellant les cuisses et elle m’a envoyé
m’agenouiller aux côtés de mon cousin que le spectacle auquel il venait
d’assister avait manifestement ravi : il bandait, cette fois. Il bandait
tout ce qu’il savait. Ce qui m’a mise en rage. Il allait me le payer. Et je me
suis ostensiblement mise à lorgner sur son attirail. Ce qui a eu pour effet
immédiat de le mettre mal à l’aise. Il avait honte. Comment il avait
honte ! Honte d’être nu devant des filles, d’avoir été fouetté devant
elles, de mon regard insistant sur sa queue déployée. Je pouvais la sentir
physiquement, sa honte. J’en ai éprouvé un plaisir intense. Et j’en ai rajouté
une couche. J’ai délibérément installé mon regard dessus. Je l’y ai accroché.
Il s’est agité, s’est mis à se balancer d’un genou sur l’autre. J’ai enfoncé le
clou. Un petit rire moqueur. Offensant. Un autre.
Je lui ai gâché son plaisir
de voir ses sœurs et ses cousines fouettées. Tout occupé de moi et de mes
réactions, il ne jetait plus qu’un regard inquiet et coupable sur les fesses de
ses sœurs et de ses cousines qui bondissaient et s’entrouvraient sous les
claquées. Tante Galina ne les ménageait pas. Elles avaient beau hurler,
supplier, tenter de se protéger comme elles pouvaient, il n’était pas question
qu’elles échappent à la punition exemplaire qu’elle estimait qu’elles avaient
méritée. Maryia, qui est passée la dernière et qui, parce qu’elle était la plus
âgée et devait donc être, en principe, la plus raisonnable, a bénéficié d’un
traitement de faveur. Si l’on peut dire. Sa correction a été beaucoup plus
longue et beaucoup plus appuyée que celles que nous, on avait reçue. Mais de
tout cela, Dimitriy, que je n’ai pratiquement pas quitté des yeux et dont la
queue était redevenue toute flasque, n’a pas vraiment profité. À cause de moi.
Ou plutôt, grâce à moi. Ce qui m’a comblée d’aise.
Le sauna familial,
dans lequel tante Galina a exigé que nous nous rendions tous les six, en fin
d’après-midi, nous a fait le plus grand bien. Tant de bien que Mariya, Liliya
et moi, nous avons décidé de nous y attarder, une fois les trois autres partis.
Elles ont éclaté de
rire.
« Comment il
était pressé de s’enfuir, Dimitriy, hein !
‒ Faut dire
que tout seul au milieu de cinq nanas…
‒ N’importe
comment, il est terriblement pudique, Dimitriy. Il l’a toujours été.
Elles s’étaient
parfaitement rendu compte de mon petit manège quand j’étais agenouillée à ses
côtés.
‒ Il aurait
fallu être aveugle…
‒ Oh, mais
t’as bien eu raison, hein ! Faut le remettre en place de ce côté-là de
temps en temps. C’est sans arrêt qu’il les laisse traîner sur les filles, ses
yeux, et d’une façon… Alors un peu à son tour.
‒ D’autant que
c’est à cause de lui que c’est arrivé, tout ça.
Elles étaient bien
d’accord. Et pas seulement parce qu’il avait insisté pour prolonger la soirée,
mais aussi parce qu’il arrêtait pas de remplir les verres.
‒ Oui, je
sais. Elles étaient bien entamées, mes sœurs, du coup.
‒ Et si elles
ne s’étaient pas ouvertement fichues de la tête des policiers qui nous
contrôlaient…
Maryia était à la
fois d’accord et pas d’accord.
‒ Parce qu’on
leur a pas mis dans le gosier non plus…
N’importe comment
elle avait une dent contre Iourievna.
‒ À cause de
Maxim ?
‒ À cause de
Maxim, oui. Non, mais t’as vu ce rentre-dedans qu’elle lui faisait ? Et
que je te me colle contre lui. Et que je te lui exhibe mes nibards sous le nez.
Une vraie chatte en chaleur.
J’ai essayé de la
défendre.
‒ Elle avait
peut-être pas capté que t’étais avec.
‒ Tu
parles ! Elle le savait pertinemment. Et quand bien même… Quand t’arrives
quelque part, tu te jettes pas comme ça, comme une meurt-de-faim, à la tête
d’un type que t’as jamais vu sans savoir au juste où tu mets les pieds. Et sans
te soucier le moins du monde des dégâts que tu peux occasionner autour de toi.
Non, je suis pas méchante, tu sais, Olga, mais si un jour, à mon tour, je peux
lui en faire une, je peux t’assurer que j’hésiterai pas une seule seconde.
Quant à Maxim, au moins maintenant les choses sont claires. On m’avait mise en
garde. On avait raison. La moindre nana qui passe à portée de bite, il peut pas
s’empêcher de tenter sa chance. Toutes ses belles déclarations d’amour, c’est
rien que du vent. Oh, mais lui aussi ! Lui aussi… Et vous savez ce que
j’aimerais ? C’est qu’un jour il se prenne une bonne fessée, cul nu,
devant moi. D’ailleurs… D’ailleurs ça pourrait bien arriver. Parce que j’ai ma
petite idée.
‒ Qui
est ?
‒ Je dis rien
encore. Faut que ça mûrisse.
Et Iourievna ? On la connait
Je crois, Elena nous l'a longuement présentée mais si vous êtes passés à côté, voici le premier épisode de la série : le chapitre 1
Il y a un début à cette série
Mais si vous voulez lire ce récit d'un autre point de vue : les rebelles chapitre 6
Et la suite ?
François nous la prépare pour la semaine prochaine
N'hésitez pas pour les commentaires
Tout le monde les attend : que pensez-vous de cette série croisant l'imaginaire d'Elena et celui de François.
Passionnant ! On imagine bien la scène, fort emoustillante et bien amenée.
RépondreSupprimerUne question, quel est l'instrument employé pour cette correction collective ?
Bonjour,
SupprimerEffectivement, j'ai omis de le préciser. Comme on est en Russie, on ne peut pas ne pas penser à l'une des différentes variantes du knout.
Merci en tout cas de votre lecture et de votre commentaire.
François
Bonjour François,
RépondreSupprimerLes textes sont assez explicites, vivants et très dynamiques, tout comme la scène d'origine. Merci pour ces compléments !
Amitiés.
Elena.
Bonjour Elena. Et bonjour à tous.
SupprimerSi les scènes d'origine ne l'étaient pas, les compléments ne pourraient pas l'être non plus.
En tout cas, je prends toujours autant de plaisir à mettre mes pas dans vos pas.
Amicalement.
François
Là, je rougis . . .
SupprimerBonsoir Elena,
RépondreSupprimerToujours réalistes, ces recadrages ! Ah les punitions en famille !!! Quelle émotion ! Quel trouble aussi !!
Jamais facile de faire la part des choses. La vengeance est un plat qui se mange froid, dit-on. Chacun ses goûts. Bien sûr.
Amicalement. Peter.
(En lisant les premières lignes, ça m'a fait pensé que le magazine Géo de Février 2020 présente la ville de Saint-Pétersbourg dans son dossier central. Bonne lecture. Rires.)
Bonjour Peter Pan. Et bonjour à tous.
SupprimerJe rêve depuis toujours d'aller faire connaissance, en juin, des nuits blanches de Saint-Pétersbourg. Peut-être cette année, qui sait?
Mais diable! Que les récits d'Elena sont inspirants.
Amicalement.
François