« Ça
sert à rien. Qu’à me faire du mal.
Ah,
ça, je suis bien de son avis.
Mais
dix fois par jour elle remet quand même ça sur le tapis.
‒ Quand
je pense à tout ce qu’ils ont vu. À tout ce que j’ai montré. J’ai honte. Non,
mais comment j’ai honte !
Et
elle veut savoir.
‒ J’ai
vraiment crié tant que ça ?
‒ Un
peu. Mais tout le monde crie quand c’est ça lui arrive. Personne peut
s’empêcher.
‒ Oui,
j’ai été en dessous de tout, quoi, en fait ! Absolument en dessous de
tout.
On
se récrie.
‒ Mais
non ! Mais pas du tout !
‒ Mais
si ! Et quand je pense qu’en plus j’ai pas eu le temps d’arriver à la
maison, que j’ai été incapable de me retenir, que j’ai pissé dans la rue et
qu’il y avait plein de monde.
‒ Ils
y ont pas fait attention, les gens, tu parles !
‒ Ben,
tiens ! Vous croyez que je les ai pas vues, les têtes ? Que je les ai
pas entendues, les réflexions ?
Quand
elle arrive enfin à penser à autre chose, c’est Iourievna qui en rajoute à son
tour une couche.
‒ C’est
vrai ce qu’elle raconte partout, Mylène ? Que, la veille, c’est elle qui
te l’a épilé, ton minou ?
‒ Ça
va pas, non ? Et puis quoi encore ? Non. Toute seule, je me le suis
fait.
Iourievna,
elle, elle trouve que c’est ça le pire, dans un sens, d’être obligée de l’avoir
tout dépouillé devant tous les types qui te le reluquent.
Elena
aussi. Peut-être pas que c’est le plus dur, non, mais que c’est très dur quand même,
ça, oui.
Et
ça repart pour un tour. Et elle ressasse. Tout. Bien en détail. Depuis sa toute
première altercation avec Aldison jusqu’au moment où elle est allée récupérer
sa culotte et son soutien-gorge chez la directrice. Et ça s’achève
systématiquement par une crise de larmes.
C’est
pour ça : quand j’ai vu le tour que ça prenait samedi, une fois de plus,
j’ai décidé de saisir le taureau par les cornes. On n’allait pas encore passer
toute la journée enfermées dans la chambre, à ruminer encore et encore.
‒ Bon,
les filles ! On se bouge ? On fait quelque chose ?
‒ Quoi ?
‒ Je
sais pas. Les magasins, par exemple.
Elles
ont fait la moue.
‒ Oh,
les magasins… C’est pas drôle. On n’a pas de thunes.
‒ Et
puis il y a les gilets jaunes.
Qu’est-ce
qu’on s’en fichait des gilets jaunes, tu parles !
‒ Ils
vivent leur vie. Et nous, la nôtre. »
Ekaterina
aussi est venue avec nous. Et on s’est retrouvées toutes les quatre au milieu
de toute une foule bigarrée qui arpentait les rues, qui chantait, qui jouait du
tambourin. C’était très bon enfant. Jusqu’au moment où, d’un seul coup, ça
s’est mis à courir, à crier. Il y a eu des explosions. De la fumée.
« Oh,
ça craint, là.
Et
on s’est réfugiées dans un café. D’où on a vu débouler tout un groupe vêtu de
noir, masqué avec des foulards, qui s’est mis à casser les vitrines à grands
coups de battes de baseball. Ou de gros pavés lancés à pleine volée. Et qui se
sont emparés de tout ce qui leur tombait sous la main. Ah, ça y allait !
Pour y aller, ça y allait ! Ça a rempli tant et plus les sacs à dos. Et ça
a disparu comme c’était venu.
Il
y en a encore eu d’autres derrière, quelques traînards, bien décidés à profiter
de l’aubaine et à ramasser tout ce que les autres avaient abandonné derrière
eux. Sauf que la femme de la parfumerie, furieuse que sa vitrine ait été
brisée, a brusquement surgi et, avec l’aide d’autres commerçants, s’en est
prise à un type qui n’a pas eu le temps de s’enfuir. Ils l’ont cloué au sol,
fouillé, et ils ont sorti de son sac un IPhone tout neuf et un flacon de parfum
Chanel n°5.
Iourievna
l’a brusquement reconnu.
‒ Mais
c’est Jonathan !
C’était
lui, oui ! Jonathan. Qu’habite la même rue que nous. Et qui fréquente le
même club de sport.
Lui
aussi, il nous a vues. Et, pour se défendre, il s’est mis à nous charger.
‒ C’est
elles ! C’est elles qu’ont piqué. Moi, j’ai juste mis dans mon sac. Pour
leur rendre service.
On
a protesté, scandalisées.
‒ Non,
mais ça va pas ? Il est vraiment pas bien, lui, hein !
Et
le cafetier a volé à notre secours.
‒ Elles
étaient chez moi. Elles n’en ont pas bougé.
Ça
a un peu discuté. Pas longtemps. Ils étaient tous d’accord. Il fallait appeler
les gendarmes. Et la parfumeuse s’est empressée de composer le numéro.
Alors
lui, il s’est mis à supplier : il était fonctionnaire. Il allait perdre
son travail. Ses parents étaient âgés. Malades. Il ne pourrait plus subvenir à
leurs besoins.
Ekaterina
a murmuré entre ses dents.
‒ Tu
parles comme ils sont malades, ses parents ! Ils pètent la forme,
oui !
‒ Et
ils ont le compte en banque bien garni.
Mais
on n’a rien dit.
Il
y a eu un moment de flottement. Et puis l’esthéticienne a suggéré.
‒ Et
si on lui mettait une bonne fessée, plutôt ?
Tout
le monde a fait chorus. L’idée était excellente.
‒ Ça
lui servira de leçon.
Mais
il a encore fallu qu’il fasse tout un tas de jérémiades. Qu’il en avait jamais
eu de fessée. Que ça devait faire trop mal. Qu’à son âge, en public, ce serait
bien trop la honte.
Iourievna
m’a poussée du coude.
‒ Surtout
devant nous !
Ça
commençait à l’agacer prodigieusement, la parfumeuse, toutes ces
tergiversations.
‒ Tu
te décides. Et tu te dépêches. Ou la fessée ou les gendarmes. Je te signale en
outre, à toutes fins utiles, que mes caméras de surveillance sont en parfait
état de marche. Et qu’elles ont fonctionné. Alors…
Alors
il n’avait pas vraiment le choix. Et il a accepté la fessée. D’une toute petite
voix.
On
s’est approchées. Le plus près possible.
‒ Chouette !
On va se régaler. »
Et
Ekaterina a sorti son téléphone pour faire des photos.
Ils
n’ont pas perdu de temps. Ils se sont jetés à cinq dessus pour le déshabiller.
Trois femmes et deux hommes.
« Allez,
hop ! On enlève tout ça !
Il
ne s’est pas vraiment défendu. Il ne les a pas aidés non plus. Ça a tiré. Ça a
enlevé. Ça a arraché. Quand il a été tout nu, il a voulu se la cacher avec ses
mains. Ce qui les a bien fait rire, les femmes.
‒ Oui,
oh, il y a vraiment pas de quoi en faire tout un plat de ton truc.
Les
hommes lui ont ramené les bras en arrière et elles sont toutes venues se
pencher dessus. Exprès pour le mettre mal à l’aise. Et elles ont commenté.
‒ Elle
est longue.
‒ Oui,
mais pas bien épaisse.
‒ Et
puis alors ce gros bout globuleux, c’est inesthétique au possible.
‒ Ah,
oui, alors !
‒ Sans
compter que les couilles, c’est pas ça qu’est ça non plus. Non, mais comment
elles pendent, vous avez vu ça ?
‒ Il
va finir par les perdre, si elles continuent à dégringoler comme ça. »
Elles
ont éclaté de rire. Et lui, tout rouge, tête basse, il dansait d’un pied sur
l’autre.
Nous,
avec les filles, on n’était pas en reste. On regardait tant qu’on pouvait. Encore
et encore. C’est toujours instructif d’examiner comment un type, il est fait.
Et, faut bien reconnaître, faut pas être hypocrite, agréable. Très agréable.
Surtout quand c’est justement ce qu’il voudrait pas qu’on fasse. Et encore plus
quand c’est quelqu’un qu’on connaît. Qui sera obligé d’y repenser chaque fois
qu’on recroisera sa route.
« Bon,
mais c’est pas tout ça ! Si on passait aux choses sérieuses ? Vous
vous occupez de son petit derrière, mesdames ?
Elle
demandait pas mieux, l’esthéticienne. La parfumeuse non plus.
Alors
les deux commerçants qui le tenaient l’ont fait se pencher. Bien en avant. Et
elles ont tapé. À mains nues. Chacune une fesse. Du plus fort qu’elles
pouvaient. Au début, il a à peu près supporté. Il gigotait bien un peu. Il faisait
bien un peu des petits bruits, mais bon, c’était sans plus. Seulement, à force
que ça tombe, et sur les deux fesses simultanément ‒ des fesses qui
s’ornaient au fur et à mesure, d’un rouge cramoisi du plus bel effet ‒
c’est devenu beaucoup plus compliqué pour lui de faire semblant de pas sentir
grand-chose. Il a trépigné. Il s’est contorsionné dans tous les sens. Son truc
s’est mis à ballotter. À battre la mesure. Il a grogné. De plus en plus fort.
De plus en plus rauque. Ça approchait… Ça approchait… C’est le moment que je
préfère, moi, quand le garçon, il perd toute retenue, toute fierté, qu’il se
trémousse tant et plus, qu’il hurle, qu’il supplie, qu’il est prêt à tout et à
n’importe quoi pour que ça s’arrête.
Sauf
qu’elles commençaient à faiblir, les deux femmes.
‒ J’en
ai mal aux mains, moi, tiens !
Et
elles ont demandé s’il y avait pas quelqu’un qui voulait prendre le relais.
Ah,
si ! Si ! Nous !
Tu
parles si on voulait !
‒ Ben,
allez-y ! Faites-vous plaisir !
On
ne se l’est pas fait répéter deux fois.
On
y est allées. Toutes les quatre.
Ah,
il nous avait accusées. Ah, Il avait voulu nous faire punir à sa place !
Il allait nous payer ça ! Au centuple.
Et
on s’est déchaînées. Ensemble on a tapé. Il a pris cher. Très cher. C’est pour
le coup qu’il s’est tortillé, qu’il a hurlé, qu’il a supplié.
‒ Pitié !
Je le ferai plus ! Pitié !
Mais
pas question qu’on s’arrête en si bon chemin. Ah, non, alors ! J’ai même
profité d’un moment où, au gré de ses mouvements désordonnés, il écartait les
jambes pour lui lancer une grande claque sur son attirail. Ce qui lui a arraché
un hurlement déchirant. Parmi les commerçantes, il y en a qui ont ri. D’autres
qui ont applaudi. Du coup, Ekaterina, Iourievna et Elena se sont mises aussi à
le viser là.
‒ C’est
ça ! Braille ! Braille !
Et
on s’en est donné à cœur-joie. Derrière. Devant.
C’est
la parfumeuse qui nous a arrêtées.
‒ Ça
peut peut-être suffire, non ?
On
l’a lâché. Les deux commerçants qui le tenaient aussi. Il s’est longuement
frotté les fesses en pleurnichant.
‒ J’ai
mal. Que j’ai mal !
Ce
qui a beaucoup amusé l’esthéticienne.
‒ Ben
oui ! C’était le but de l’opération.
Il
s’est rhabillé avec mille précautions. En poussant tout un tas de petits cris.
Et
tout le monde s’est encore moqué de lui.
‒ Oh
là, là ! Qu’il est douillet !
La
parfumeuse l’a flanqué dehors. D’une grande claque sur les fesses.
‒ Allez,
file ! Et reviens plus jamais traîner par ici. »
Il
n’a pas demandé son reste.
Nous,
on est restées sur place. Ça s’agitait encore pas mal dehors et on n’avait pas
du tout l’intention de prendre quelque risque que ce soit. On s’est installées
à une table, un peu à l’écart, et le patron nous a offert un coup à boire.
« Vous
l’avez bien mérité.
Elles
m’ont toutes les trois fixée d’un air amusé.
‒ Eh
ben dis donc, Olga !
‒ Je
sais, oui !
‒ Toi,
si sage ! Si douce !
‒ Je
sais pas ce qui m’a pris. C’est comme s’il y avait un verrou qu’avait sauté
d’un coup.
‒ Ça,
on a vu ! Comment tu t’es acharnée dessus…
‒ Et
puis alors ça m’a mis dans un état, je vous dis même pas ! Je suis
trempée.
Elena
aussi. Mais elle, elle savait pourquoi.
‒ Je
me vengeais d’Aldison.
Quant
à Iourievna, elle s’était pas posé de questions.
‒ Un
mec, quand t’as l’occasion de taper dessus, t’hésites pas, tu fonces. Ils nous
en font assez baver. C’est pour toutes les fois où ils nous prennent pour des
moins que rien.
‒ Et
toi, Ekaterina ?
‒ J’ai
pas aimé qu’il nous accuse. Mais je regrette. J’aurais dû y aller beaucoup plus
franc.
Moi
aussi, je regrettais.
‒ Toi,
Olga ? Ah, ben pourtant ! Comment tu y allais !
‒ Oui,
mais ce qui me tentait à un moment, c’était de lui déchapeauter son truc. Je
l’ai pas fait. J’ai pas osé.
Ekaterina
a hoché la tête en souriant.
‒ Oh,
alors ça, c’est sacrément humiliant pour un mec. Surtout dans ces conditions-là.
Et
Iourievna a claironné.
‒ C’est
justement ça qu’est bien. Comme la fois où elle l’a fait à Ian, la fille du
château, là.
Elena
a froncé les sourcils.
‒ C’est
quoi, cette histoire ?
‒ Oh,
on t’a pas raconté ? C’était un grand moment. Elle est redoutable, cette
fille !
Et
elle s’est lancée dans un long récit circonstancié. Le vol de la tablette. La
corde à sauter. La première fessée sur la terrasse. Et puis le week-end
suivant. Le décapuchonnage de sa queue. Encore la fessée.
‒ Et
puis alors celle-là comment elle l’a fait chanter ! Et danser.
Elle
s’est passé la langue sur les lèvres d’un air gourmand.
‒ Oh,
non, c’était trop bien !
On
a éclaté de rire.
‒ C’est
vrai qu’il y avait du spectacle.
Elle
a poursuivi.
‒ Vous
savez quoi, les filles ? Eh bien moi, je crois que nous, on manque
d’audace avec les types. Plein de choses, on pourrait leur faire si on voulait.
Et leur faire faire. Par exemple, lui, là, le Jonathan, je vois vraiment pas
pourquoi on s’arrêterait en si bon chemin avec. D’autant qu’il a voulu nous la
faire à l’envers tout à l’heure. Alors bon ! On sait où le trouver. On
peut lui tomber dessus au club de sport, si on veut. Quand on veut.« Viens
voir là, mon petit Jonathan. Viens voir ! On a quelque chose à te
montrer. » On l’entraîne à l’écart et on lui met sous le nez les
photos qu’Ekaterina a faites pendant qu’elles le fessaient, les deux femmes. Il
devient tout pâle. Il se met à trembler. « Ils rigoleraient bien, tes
copains, s’ils voyaient ça, non ? » Il se fait suppliant. « Vous
allez pas… » « Ah, ça, ça dépend de toi ! Uniquement de
toi ! » Et il y a plus qu’à… Le faire se déculotter pour lui en
coller une autre. Lui mettre à découvert son bout, si ça nous chante. Ou plein
d’autres choses. Tout ce qui nous passe par la tête. Suffit de demander. Et on
aura…
Et Iourievna ? On la connait
Je veux ! Elena nous l'a longuement présentée mais si vous êtes passés à côté, voici le premier épisode de la série : le chapitre 1
Il y a un début à cette série
Mais si vous voulez lire ce récit d'un autre point de vue : les rebelles chapitre 14
Et la suite ?
François nous a écrit le chapitre 15
N'hésitez pas pour les commentaires
Tout le monde les attend : que pensez-vous de cette série croisant l'imaginaire d'Elena et celui de François ?
Bonjour François,
RépondreSupprimerTrès bon enchaînement entre l'épisode précédent et celui-ci, voire de celui d'avant. Les aventures ou mes aventures / mésaventures continent... Les histoires s'enchaînent si bien, que ça pourrait faire un livre complet.
Merci de ce complément à mes récits.
Amitiés.
Elena.
Bonjour Elena. Et bonjour à tous.
RépondreSupprimerIl y a une cohérence dans la succession de vos récits. Et donc, par la force des choses, également dans les miens. En outre, j'ai adopté le point de vue d'Olga, mais on pourrait tout aussi bien adopter celui d'Iourievna ou de Lea ou d'Aldison de n'importe quel autre de vos personnages, on se trouverait encore devant une infinité de développements possibles en fonction de la personnalité de chacun d'entre eux.
Amicalement.
François