« Parce
que se faire reluquer pendant des heures par de vieux pervers…
Ekaterina
éclatait de rire.
‒ Mais
c’est pas ça du tout !
Ce
que confirmait sa copine Lyana.
‒ Personne
s’occupe de toi.
Et
sa sœur Moana enfonçait le clou.
‒ Essayez !
Au moins une fois ! Faites-vous votre opinion par vous-mêmes. »
« Si
ça nous plaît pas n’importe comment, on pliera bagages aussi sec.
Et
on les a accompagnées à Leucate.
‒ Ça
fait un sacré bout de chemin, mais bon, c’est hyper sympa. Et puis pour une
toute première fois, là ce sera mieux.
On
y a effectivement passé une excellente après-midi.
À
bronzer.
‒ Au
moins comme ça t’as pas la marque du maillot.
À
se baigner.
‒ C’est
trop bien de sentir l’eau sur tout le corps sans rien.
Et
c’était vrai ce qu’elles avaient dit : personne nous embêtait. Ils
passaient les types, sans faire la moindre attention à nous. Alors que, sur une
plage normale, on en aurait eu sans arrêt à venir nous brancher. On avait la
paix. Une paix royale. C’était appréciable. Et on appréciait. Même si Iourievna
aurait bien aimé qu’on nous jette quand même de temps à autre un petit coup
d’œil.
‒ Non,
parce que tu finirais presque par croire que tu plais plus à personne. »
En
fin d’après-midi, il est arrivé des garçons que Lyana et Moana connaissaient.
Elles sont allées discuter un long moment avec et puis elles sont revenues nous
chercher.
« On
va faire un volley. Vous venez ?
Les
filles contre les garçons. Et c’était trop bizarre. Parce qu’autant, quand on
en voyait tout nus à se faire fouetter à Sainte-Croix, ça nous mettait dans
tous nos états, autant là ça nous faisait rien du tout. Même qu’ils sautent
tant et plus en jouant. Et que ça ballotte. Et c’était pareil dans l’autre
sens. On était là entièrement à poil devant eux et il y en avait pas un seul
qui bandait.
Elles
nous l’avaient dit, les filles. Elles nous l’avaient pas dit ?
‒ C’est
quelque chose de différent, le naturisme. Tout y va complètement de soi. »
On
y est retournées du coup. À Leucate, oui, mais pas seulement. On s’est mises
aussi à fréquenter une plage naturiste sur l’Argens. C’est beaucoup plus près
pour nous. Mais ça a quand même pas mal d’inconvénients. On n’a droit qu’à deux
cent cinquante mètres de littoral. Donc, on est plus entassés. Et puis celle
des textiles se trouve juste à côté. Alors il y en a toujours pour venir rôder
à la limite entre les deux. Et se rincer l’œil.
« On
s’en fout. C’est leur problème. Pas le nôtre. On va pas les laisser nous gâcher
la journée.
Ça
nous la gâchait bien un peu quand même. Parce que ça arrêtait pas de se
chamailler à la « frontière. » Des naturistes se plaignaient de ce
que des textiles prenaient des photos. Et des textiles de ce que les naturistes
se tenaient beaucoup trop près de leur plage à eux. Ça les dérangeait. Et il y
avait des enfants. En sorte que c’étaient des tensions en permanence. Que
Nicole C. et Jean-Charles L. s’efforçaient d’apaiser de leur mieux. Sans
toujours y parvenir.
Quelquefois
c’était au cœur même de l’espace réservé aux naturistes qu’il leur fallait
intervenir. Parce qu’il y avait des jeunes qui en prenaient complètement à leur
aise. Qui se poursuivaient entre les gens en envoyant du sable. Qui criaient.
Qui mettaient leur musique à fond. En général, ça finissait par s’arranger.
Mais pas ce samedi-là… Parce qu’il y en avait trois, deux filles et un garçon,
qu’étaient particulièrement énervés.
Elle
les connaissait, Moana.
« Mais
comme ça. Sans plus. Le garçon, c’est Lisendro. Et les filles Gloria et Lucia.
On se voit en boîte des fois. Ils sont pas méchants.
Ils
étaient peut-être pas méchants, mais bruyants, ça, oui. Et sans gêne.
Nicole
C. et Jean-Charles L. ont eu beau essayer de les calmer, de les raisonner, les
menacer, il n’y a rien eu à faire. Ils ne savaient que répéter que la plage
était à tout le monde. Qu’ils s’amusaient. Qu’ils s’arrêteraient pas et que
s’il y en avait à qui ça plaisait pas, ben ils avaient qu’à aller voir
ailleurs. Alors, évidemment, ça a dégénéré. Parce que les deux responsables
n’avaient pas du tout l’intention de laisser bafouer leur autorité. Il y en
avait qui leur donnaient raison…
‒ Aucun
respect pour rien, ces gamins !
Et
d’autres qui trouvaient qu’il y avait vraiment pas de quoi en faire toute une
histoire.
‒ Il
y a qu’à leur foutre la paix. Ils se calmeront bien tout seuls.
Ça
a duré, mais duré ! Personne voulait céder.
Et,
à un moment, on a vu arriver des officiels. Valentin R. Le permanent du poste
de secours. Et deux femmes. Celles-là aussi, elle les connaissait, Moana.
‒ C’est
deux adjointes de la mairie. Coraline P. Et Jocelyne M. Quelqu’un a dû les
appeler, sûrement !
Mais
ils n’ont pas réussi non plus à rétablir l’ordre. Au contraire, même. Ils se
sont braqués, les jeunes. Ils en ont fait une question d’amour-propre. Ils ne
céderaient pas. Hors de question. La pression est encore montée d’un cran. Et
ils se sont mis à insulter copieusement Jocelyne M. qui s’efforçait, une
nouvelle fois, de leur faire entendre raison.
‒ Ta
gueule, connasse !
Alors
là, elle est sortie de ses gonds et elle s’est mise à hurler qu’ils méritaient
une bonne fessée.
Une
fessée ? Oh, là, mais c’est que ça devenait intéressant, tout ça ! On
s’est approchées, mine de rien.
‒ Parfaitement,
une fessée ! Parfaitement !
Mais
eux, ça les a fait ricaner. Qu’elle essaye pour voir ! Non, mais qu’elle
essaye !
C’est
Valentin R. qui a pris les choses en mains.
‒ Cette
fois, ça suffit !
Il
est allé chercher de l’aide. Cinq ou six baigneurs. Parmi lesquels des
textiles. Qui les ont plaqués à plat ventre dans le sable. Qui les ont
solidement maintenus.
‒ Chose
promise, chose due.
Il
s’est tourné vers Jocelyne M. et Coraline P.
‒ Vous
vous en occupez ?
Oh,
elles demandaient pas mieux, elles ! Au contraire.
Il
y en a qui ont apporté des verges. Des espèces de balais de branchages. Qu’ils
avaient sortis d’on ne savait trop où.
‒ À
tout seigneur, tout honneur !
Et
elles ont commencé par Lisendro. Qui gigotait tout ce qu’il savait pour se
dégager. Sans succès. Ils le maintenaient solidement, les types. Et il
braillait qu’ils avaient pas le droit. Mais les deux femmes n’en ont tenu aucun
compte. Elles se sont mises à lui cingler énergiquement les fesses. Il s’était
rassemblé tout un tas de gens autour. Ça faisait un grand cercle. Des deux
plages, il y en avait. Ils regardaient. Et ils commentaient.
‒ N’empêche
qu’il l’a pas volé !
‒ On
lui en aurait donné plus souvent aussi…
Et
tout le monde riait, surtout les femmes, à le voir battre des jambes et se
contorsionner. De plus en plus au fur et à mesure que ça le brûlait et que ses
fesses rougissaient.
Lyana
a eu un petit rire méprisant.
‒ Aucune
tenue, ce mec !
Moana
était d’accord.
‒ Ça,
c’est sûr ! Il tient pas la route.
Encore
une dizaine de coups et elles se sont arrêtées. Ils l’ont lâché. Il s’est
relevé.
Une
femme a crié.
‒ Oh,
un bonhomme de sable !
Et
il y a eu un grand éclat de rire.
C’était
vrai. Il avait tellement transpiré pendant la fouettée que ça lui en avait
collé partout. Sur la figure. Dans les cheveux. Sur le ventre. Sur les cuisses.
Et même sur sa queue qui se dressait orgueilleusement toute droite.
Iourievna
a grimacé.
‒ Eh
ben dis donc ! Je me la voudrais pas dedans dans cet état-là, moi !
Comment ça doit te gratter…
On
a éclaté de rire.
‒ Mais
personne te demande une chose pareille !
Lui,
il ne prêtait aucune attention à ce qui se passait autour. Il se frottait tant
et plus les fesses pour essayer d’atténuer un peu la douleur.
Ça,
on savait ce que c’était ! On était bien placées pour.
Et
puis il y a eu une femme qui s’est détachée du groupe, qui est allée le prendre
par le bras.
Iourievna
a froncé les sourcils.
‒ Qui
c’est, celle-là ?
On
n’en savait rien.
Elle
l’a emmené vers la mer. Elle l’a fait entrer dans l’eau.
Iourievna
a bougonné.
‒ Il
y en a certaines, tous les prétextes leur sont bons, hein ! »
Et
puis ça a été au tour de Gloria. Qu’ils avaient laissée se relever pendant la
fouettée de Lisendro. Qu’ils ont eu à mal fou à remettre à plat ventre. Elle
hurlait, terrorisée. Elle se débattait tant qu’elle pouvait. Elle suppliait.
« Pardon !
Pardon ! Mais me tapez pas ! Je le ferai plus, je vous promets.
Jocelyne
M. n’a rien voulu entendre.
‒ Il
est bien temps maintenant !
Et
elle a fait durer exprès. Tout un tas de discours et de sermons. Que c’était
une petite mal élevée. Qu’elle allait lui apprendre à insulter les gens. Que,
n’importe comment, il y avait aucune espèce de raison pour que son petit camarade
ait été puni et qu’elle, elle le soit pas, vu qu’elle s’était comportée pire
que lui encore. Et que, du coup, elle allait être encore plus punie que lui.
‒ C’est
normal, non, tu crois pas ?
Gloria
n’a pas répondu. Elle a poussé des cris épouvantés.
On
sentait bien qu’elle adorait ça, Jocelyne M., l’avoir comme ça complètement à
sa merci. Et tout faire pour l’effrayer un peu plus encore.
Ekaterina
a murmuré.
‒ Je
suis sûre qu’elle mouille. Et pas qu’un peu…
Elle
a quand même fini par se mettre à taper. Avec Coraline P. Toutes les deux
ensemble. Et elles s’en sont donné à cœur-joie. À pleines fesses. La pauvre
Gloria avait beau se débattre, gigoter dans tous les sens, pas moyen
d’échapper. Et ses contorsions offraient une vue imprenable sur ses replis les
plus intimes. Elle n’en avait cure. Elle avait abandonné toute pudeur, tant la
douleur était intense. Les spectateurs, eux, ne boudaient pas leur plaisir. Il
y en a qui se sont mis, surtout des textiles autour de la cinquantaine, à y
aller de leurs commentaires.
‒ Oh,
mais c’est mignon comme tout, tout ça !
‒ Oui,
surtout rasé de frais.
Et
de leurs encouragements.
‒ Encore !
Encore ! Tu peux faire mieux.
‒ Oui,
t’arrête pas en si bon chemin ! Montre ! Montre !
Il
y en avait même qui profitaient de ce que personne faisait attention à eux pour
filmer à-tout-va.
Ekaterina
a soupiré.
‒ Si
j’avais su…
Ils
étaient restés là-bas, nos portables, un peu plus loin, avec toutes nos
affaires.
‒ Ça
nous aurait fait un souvenir. »
Ça
a duré un peu plus longtemps encore que pour Lisendro. Il a fallu l’aider à se
relever. Deux copines à elle qui l’ont, elle aussi, emmenée jusqu’à la mer.
« Allez,
à toi !
Lucia.
La plus jeune. Et la plus courageuse. Elle n’a pas cherché à se dérober. Elle a
fait front. Bravement. Elle a même jeté aux deux femmes un long regard de défi.
C’est
Coraline P. qui, cette fois, a réagi.
‒ Tu
nous cherches ? Oh, alors là, toi, ma petite, tu vas nous trouver.
Elles
ne l’ont effectivement pas ménagée. Sans parvenir à lui arracher un cri. Ni
même un gémissement. Elle restait les fesses bien serrées, contractées, les
poings fermés. Au grand désappointement des assistants qui espéraient la voir
se contorsionner dans tous les sens, comme l’avait fait Gloria. Et laisser tout
voir.
Il
y en a, derrière moi, qui a murmuré.
‒ Mais
tu vas ouvrir, bon sang ! Tu vas ouvrir !
Jocelyne
M. et Coraline P. se sont concertées du regard. Se sont fait un petit signe de
la tête. Et elles ont tapé plus haut. Là où c’était encore vierge de coups. Sur
les reins. Sur le dos. Et jusque sur les épaules. Elle a réussi à tenir encore
un peu. Et puis elle a craqué. Elle a crié. Fort. De plus en plus fort.
Le
type, derrière, a eu un petit rire satisfait.
‒ Ah,
ça y est ! Enfin ça y est !
Ça
y était, oui. Elle s’est soulevée. Elle a bondi du derrière. Elle a lancé les
jambes. En l’air. Sur les côtés. Dans tous les sens. Comme les autres.
Exactement comme les deux autres.
Le
bonhomme était ravi.
‒ À
cœur on la voit… À cœur. »
Elle
s’est dirigée vers la mer. Toute seule. Entre deux haies de spectateurs qui ne
s’écartaient, sur son passage, qu’au tout dernier moment.
On
a regagné nos places. Tout agitées par ce qu’on venait de voir. Et on a
discuté, à perte de vue, pour savoir si la punition était méritée ou pas.
Iourievna et Moana trouvaient que oui. Ekaterina et Lyana que non. Elena et
moi, on était partagées. Moana a fini par hausser les épaules.
« On
s’en fiche un peu que ce soit mérité ou pas. L’essentiel, c’est qu’on en a bien
profité.
Là-dessus,
on était toutes d’accord. Et on n’avait qu’un regret : on n’avait pas de
photos. Pas de vidéos. Rien.
‒ Faut
bien être idiotes quand même ! Il y en a pas une qui y a pensé.
Iourievna
a pris son petit air entendu.
‒ Oh,
mais ça peut peut-être s’arranger…
On
voyait vraiment pas comment.
Elle
n’a rien dit. On s’est rhabillées. Et on est rentrées. En passant par la plage
des textiles. C’était plus court.
Iourievna
nous a brusquement plantées là.
‒ Attendez-moi !
Je reviens.
‒ Où
elle va ?
Elle
a foncé droit sur un type.
‒ Mais
qu’est-ce qu’elle fout ? Elle donne dans les vieux maintenant ?
Avec
lequel elle est entrée en grande discussion. Elle s’est même assise à ses
côtés.
‒ De
mieux en mieux !
Ils
ont tripatouillé leurs portables. Ça a duré une bonne dizaine de minutes.
Et
puis elle est revenue.
‒ Voilà !
J’ai ce qu’il nous faut. J’avais repéré qu’il filmait, lui ! Il y a tout.
Depuis le début. Je vous les enverrai.
Ekaterina
lui a fait remarquer.
‒ Oui,
mais maintenant il a ton numéro.
Elle
a haussé les épaules.
‒ C’est
pas un problème, ça ! Je vais gérer.
On
s’est remises en marche. Une centaine de mètres. Elle s’est brusquement encore
une fois immobilisée.
‒ Lui
aussi, là-bas, il a filmé.
‒ T’as
déjà ce qu’il faut.
‒ Oui,
mais lui, c’est un jeune. Alors on sait jamais. Peut y avoir mèche. J’y vais…
On
l’a regardée s’éloigner.
Lyana
a hoché la tête.
‒ Elle
est vraiment infernale, votre sœur, hein !
Et Iourievna ? On la connait
Je veux ! Elena nous l'a longuement présentée mais si vous êtes passés à côté, voici le premier épisode de la série : le chapitre 1
Il y a un début à cette série
Mais si vous voulez lire ce récit d'un autre point de vue : les rebelles chapitre 14
Et la suite ?
François nous a écrit le chapitre 16
N'hésitez pas pour les commentaires
Tout le monde les attend : que pensez-vous de cette série croisant l'imaginaire d'Elena et celui de François ?
Bonjour à tous,
RépondreSupprimerLa cohabitation de deux styles de bronzette est souvent incompatible et certaines plages doivent être parcellées pour que ces deux modes de vie ne soient pas trop proches.
Dans ce récit, c'est toute l’ambiguïté lorsque sur un bout de plage, naturistes et textiles se côtoient. Souvent ça sent la poudre avec des arguments très recevables des deux côtés. L'esprit naturiste bon enfant d'un côté et de l'autre le volonté de ne choquer personne. En fait, tout les oppose.
Une parole malheureuse et hop, ça part en vrille ! C'est le thème de ce récit.
Bravo François pour cette adaptation. C'est très réussit, comme d'hab...
Amitiés.
Elena.
Bonjour Elena. Et bonjour à tous.
RépondreSupprimerIl peut assurément y avoir des tensions entre les uns et les autres, les attentes étant différentes. Dans les années 80, il y avait toutefois, sur le littoral atlantique, des plages mixtes où chacun acceptait la tenue de l'autre quelle qu'elle soit sans que cela pose problème. C'est, je crois, difficilement envisageable aujourd'hui.
Toujours est-il que les thèmes que vous abordez, les situations dans lesquelles vous placez vos personnages (et où je les place ensuite par la force des choses) sont variées à l'infini tant et si bien qu'on ne se lasse jamais.
Amicalement.
François