jeudi 14 mai 2020

Le journal d'Olga - chapitre 16

C’est toujours un moment très particulier, la rentrée de septembre. D’abord, parce qu’il y a des nouveaux. Qui sont dans leurs petits souliers. Si, en effet, on les a inscrits à Sainte-Croix, c’est qu’ils avaient besoin d’être repris en mains. C’est que leurs parents n’arrivaient plus à en venir à bout. Ou que leurs résultats scolaires étaient calamiteux. Alors ils ont la boule au ventre. Ils savent à quoi ils s’exposent, s’ils dérapent. Ils en ont suffisamment entendu parler : au moindre faux pas, à la moindre incartade, ils auront droit à une correction en règle. Et, dans la grande majorité des cas, tout nus. Devant tout le monde. Profs, élèves, personnel administratif et personnel de service réunis pour la circonstance. Vraiment pas de quoi pavoiser.
Et ils n’en mènent pas large. D’autant que nous, les anciens, on est là à les examiner tranquillement comme des bêtes curieuses.
Iourievna se passe la langue sur les lèvres.
« Oh, mais c’est qu’on est gâtées, cette année. Il y a trois ou quatre types, là-bas, contre le mur, dont je ferais bien mon quatre heures. Bon, mais faut pas se précipiter non plus. On a tout notre temps. Je vais attendre de voir comment ils sont faits au juste. Dans leur intégralité.
Mylène, elle, elle n’attend rien du tout. Elle repère une fille qui lui plaît et elle lui fond dessus comme la misère sur le monde.
‒ Ben oui, attendez, si je me mets pas tout de suite sur les rangs, je risque de me la faire souffler.
Quant à Margaux, elle se délecte d’aller leur brosser un tableau le plus apocalyptique possible de ce qui les attend, les filles comme les garçons, le jour où ce sera à leur tour d’assurer le spectacle.
‒ Et vous faites pas d’illusions, hein ! Personne y échappe. À un moment ou à un autre tout le monde finit par y passer.
Quand elle revient vers nous, elle a les yeux qui brillent.
‒ J’aime trop ça voir leurs têtes, quand je leur dis… »

Il n’y a pas que parmi les élèves qu’il y a des nouveaux. Parmi les profs aussi. Et, cette année, on en a trois : François F., le prof de philo, qui fera également office de prof principal, vu que celle d’avant, Aline F., est en congé maternité. À vue de nez, comme ça, il a pas l’air trop mal, mais bon, on n’en est qu’au tout début de l’année. C’est à l’usage qu’on se rend compte. Alain L., lui, c’est le français. Il est complètement dans les nuages. Pierrot lunaire. Et c’est dangereux un prof comme ça. Parce qu’en général, ils arrivent pas à tenir leur classe. C’est vite le bordel. Et qui dit bordel dit sanctions venues d’en haut. Auquel cas on n’est jamais à l’abri d’une balle perdue. Reste Yulia N., la prof de russe. C’est avec elle qu’on s’est tout de suite senties le plus à l’aise, Iourievna et moi. Parce qu’elle a à peine plus âgée que nous et que c’est pour ainsi dire une compatriote. Alors les cours de seconde langue avec elle, en petit comité, on va se régaler.

Sans doute avaient-ils reçu des directives d’en haut, ces nouveaux profs, parce qu’ils se sont crus obligés de nous faire la morale. Et tous les trois à peu près dans les mêmes termes. Tout manquement se paierait cash. Il ne fallait pas qu’on s’attende à ce qu’ils fassent preuve de la moindre mansuétude à notre égard. C’était hors de question. Et blablabla… Et blablabla… On connaît la chanson.
« D’ailleurs…
Et François F. a longuement laissé planer son regard sur la classe.
‒ D’ailleurs le premier sujet que vous allez avoir à traiter est « La fessée dans la société d’aujourd’hui. » Vous vous attacherez plus spécifiquement, puisque c’est ce qui vous concerne au premier chef, à la fessée dans le cadre scolaire. J’attends de vous que vous nous prépariez un exposé circonstancié sur la question, que vous affûtiez vos arguments et que vous soyez capables de soutenir votre point de vue lors du débat contradictoire qui s’ensuivra. »

Iourievna tapait tant et plus sur son smartphone.
« Qu’est-ce tu fabriques ?
‒ Rien ! Enfin si ! Je réponds au bonhomme.
‒ Quel bonhomme ?
‒ Celui de la plage, là, tu sais bien, qui nous a donné ce qu’il a filmé quand ils se sont fait fouetter,  les trois autres.
‒ Le vieux ? Fais attention quand même !
‒ Oui, maman !
‒ Non, mais on sait jamais. Qu’est-ce qu’il te veut ?
‒ Oh, rien ! Que je lui raconte les fessées qui se donnent à Sainte-Croix. Je lui dois bien ça, qu’il dit, en échange du service qu’il nous a rendu.
‒ Mouais… Et il va finir par te demander des photos, c’est couru. Bon, mais à propos de fessée justement, t’as préparé quelque chose, là, pour l’exposé de philo ?
‒ S’il m’interroge, je dirai que je trouve ça génial quand c’est les autres qui s’en prennent et absolument scandaleux quand c’est moi.
‒ Non, mais sérieusement !
‒ Ben, c’est bien un peu ça, non ? Et pour tout le monde. Absolument tout le monde. Tu verras… Tu verras, je te parie que t’auras, d’un côté, ceux qui font passer la peur panique d’être eux-mêmes fessés avant le plaisir, qu’ils éprouvent pourtant, de voir les autres gigoter sous les claquées. Ceux-là, ils vont être contre. Forcément. Et ils vont t’habiller ça avec des grandes phrases. Que c’est barbare comme procédé. Que c’est trop la honte. Que ça peut provoquer des tas de séquelles. Et que, de toute façon, ça sert pas à grand-chose. C’est même contre-productif. Et puis, en face, de l’autre côté, t’auras les autres. Ceux pour qui ce qui compte avant tout, c’est l’intense satisfaction de voir leurs camarades le cul à l’air, surtout s’ils sont de l’autre sexe, de les regarder se débattre en vain, de les entendre crier et supplier. Bien sûr, ils savent que ça peut leur arriver à eux aussi. Ils espèrent que non. Ils feront tout pour que ce ne soit pas le cas. Mais il y a quand même un risque. Un risque qu’ils sont prêts à assumer : c’est tellement jubilatoire, pour eux, d’assister à une fessée. Alors ceux-là, évidemment, ils vont soutenir que c’est la seule méthode efficace pour remettre les coupables dans le droit chemin. Que la honte est bénéfique. Qu’après on n’a pas envie d’aller y remettre le nez. Que même pour les spectateurs c’est une bonne chose : plus la correction sera sévère et humiliante et moins ils auront envie de s’y trouver à leur tour confrontés. »

Elle n’avait pas complètement tort parce que la première à passer, ça a été Margaux.
« Oh, ben alors là, elle, la connaissant…
Et que Margaux, elle s’est bien évidemment lancée dans un éloge sans nuances de la fessée. Qui avait, à son avis, toutes les vertus. Il aurait même fallu, à son sens, la remettre au goût du jour, dans la société, comme alternative à la prison.
‒ Déjà, parce que les délinquants, quand ils sortent de prison, ils passent, aux yeux de leurs copains,  pour des héros. On leur fait des haies d’honneur. On les acclame. Si, en lieu et place, on les corrigeait publiquement, ils feraient moins les fiers. Parce que c’est pas vraiment gratifiant, une fessée. Surtout quand il faut que vous soyez tout nu pour la recevoir.
Par ailleurs, c’était redoutablement destructeur, la prison.
‒ Ça vous désocialise complètement. Vous perdez votre boulot, vos amis. Souvent votre femme vous quitte. Quand vous en sortez, vous n’avez plus rien. Si ! Les adresses d’autres délinquants vers lesquels vous vous tournez par la force des choses. Et qui vous entraînent dans des « coups » qui foirent lamentablement. Et qui vous ramènent en prison. C’est une spirale infernale.
François F. a fini par l’interrompre.
‒ C’est très intéressant ce que vous nous dites là, mais il faut aussi que les autres aient le temps de s’exprimer. »

Le suivant, ça a été Paul qui, lui, s’est montré farouchement opposé à la fessée.
Iourievna m’a poussée du coude.
« C’est le contraire qu’aurait été étonnant. Vu ce qu’il s’était pris.
Il a bafouillé. Il s’est lamentablement emmêlé les pinceaux. Il s’est énervé. De plus en plus. Et François F. l’a renvoyé à sa place.
‒ Tu retravailleras tout ça !
Et il a appelé Aldison. Qui a pris tout son temps pour s’installer au bureau. Qui a étalé ses papiers. Qui s’est éclairci la gorge à trois ou quatre reprises. Qui s’est enfin lancé. Et qui a pris d’emblée Elena pour exemple.
‒ Parce que tout le monde a encore à l’esprit ce qui lui est tout récemment arrivé.
Hou là là ! Fallait redouter le pire, là !
Et le voilà d’expliquer doctement que la punition qu’elle avait reçue lui avait fait le plus grand bien. Qu’elle l’avait incontestablement calmée. Que c’était nécessaire.
‒ Parce qu’elle s’en prenait à tout le monde. C’était devenu insupportable.
Que cela avait d’ailleurs permis à notre petite camarade de renouer avec sa nature profonde. Qui était faite, en réalité, de docilité et de soumission.
Les yeux d’Elena lançaient des éclairs.
Et il a conclu en disant que la décision du conseil de discipline était on ne peut plus justifiée et la fessée qu’elle avait reçue, toute nue devant tout le monde, on ne peut plus méritée.
Pour elle, trop, c’était trop. Elle a bondi et elle s’est mise à hurler que c’était un véritable salaud, qu’il savait pertinemment que c’était lui le responsable de tout ça, qu’il avait tout fait pour qu’elle se mette dans son tort et qu’elle soit punie à sa place.
Et ça a été un grand brouhaha, tout le monde voulant donner son avis là-dessus en même temps.
François F. a imposé le silence. Et il s’est avancé vers elle, la mine sévère.
‒ Ainsi donc, tu contestes la décision du conseil de discipline ?
Elle a bredouillé qu’elle ne contestait pas vraiment, non…
‒ Mais n’empêche que c’était pas juste !
‒ Très bien !
Et il a envoyé Léa chercher la directrice. Qui s’est un long moment entretenue avec François F. à voix basse. Puis s’est tournée vers Elena.
‒ Les décisions du conseil de discipline sont prises en toute impartialité et ne sont pas susceptibles d’être remises en cause. Alors j’attends des excuses.
Elle s’y est résolue. D’une toute petite voix.
‒ Excusez-moi, Madame !
Mais elle s’est empressée d’ajouter.
‒ Il n’empêche… Il n’empêche… Le conseil s’est trompé.
La directrice s’est redressée de toute sa hauteur.
‒ Tu n’es qu’une petite insolente. On va voir si le conseil s’est trompé. Tu te déshabilles.
Elena est devenue toute pâle.
‒ Oh, non, Madame, s’il vous plaît ! Non !
‒ Ton jean !
Elle l’a retiré, le plus lentement possible, les larmes aux yeux.
‒ Là ! Ta culotte maintenant !
Elle a chuchoté quelque chose et la directrice a claironné.
‒ Et alors ! Je vois pas en quoi le fait d’avoir ses règles serait incompatible avec une fessée.
Les garçons ont pouffé.
Adilson, quant à lui, était manifestement ravi du sale tour qu’il lui jouait. Il jubilait.
‒ Penche-toi sur le bureau !
Elle l’a fait. En grimaçant.
Et la directrice a cinglé. À grands coups de martinet. Elle, elle a bien essayé de garder les cuisses toutes serrées, mais finalement, à force qu’elle gigote dans tous les sens quand la douleur s’est faite insupportable, ça a tout montré. Pour le plus grand plaisir des garçons. Et pas seulement eux parce que…
Iourievna m’a donné un petit coup de coude.
‒ Regarde ! Il bande, le prof.
C’était vrai. Il y avait une sacrée bosse dans son pantalon.
Elena, elle, elle mouillait. De peur. De douleur. D’humiliation.
‒ Oh, alors ça, comment c’est la honte !
D’un coup elle s’est relevée tellement elle en pouvait plus et elle s’est tournée, face à la classe, pour soustraire son derrière aux morsures du martinet. Mais la directrice n’avait pas du tout l’intention d’en rester là. Elle a demandé à François F. de la remettre en place et de venir lui tenir solidement les mains de l’autre côté du bureau. Et elle a visé les cuisses, malgré les hurlements déchirants et les supplications d’Elena.
Quand ça s’est enfin terminé, qu’il l’a lâchée, elle est tombée à genoux, en larmes, aux pieds de Fabienne D. en lui demandant pardon et en lui promettant de ne pas recommencer.
‒ Il vaudrait mieux que tu recommences pas. Parce que, cette fois, ce serait dans la cour. Devant toute l’école.
Elle l’a fait relever et lui a intimé l’ordre de rester toute la journée les fesses à l’air.
‒ Que tout le monde voie bien ce qu’il t’est arrivé… »
Et elle est partie.
Le reste du cours, Elena l’a passé debout à côté du bureau de François F. en tirant tant et plus sur sa chemise. Mais elle avait beau faire, elle était trop courte. Et les garçons ne se gênaient pas pour en profiter. Tant qu’ils pouvaient. Mylène aussi, évidemment.
Quand ça a sonné, Aldison s’est approché d’elle.
‒ Alors ? T’en as pensé quoi de mon exposé ? Tu as aimé ? Tu m’as pas dit.
Et il a éclaté d’un rire moqueur.

Léa a absolument tenu à l’emmener à l’infirmerie.
« Qu’elle vérifie ! On sait jamais.
‒ Oui, mais l’infirmière…
‒ A les mains baladeuses, oui, je sais ! Mais tant pis ! Faudrait pas que tu sois blessée. Et que ça s’infecte.
Je les ai accompagnées.
Il a d’abord impérativement fallu qu’elle s’arrête aux sanitaires.
‒ J’ai trop envie, les filles ! J’ai vraiment trop envie…
Toutes les cabines étaient prises. En provenaient des râles, des gémissements étouffés. À l’évidence, il y avait là-dedans tout un tas de filles qui se donnaient allègrement du plaisir.
‒ Ben, tiens ! Il y a de quoi, attends !
C’était Margaux, surgie derrière nous d’on ne savait trop où. Margaux qui a enfoncé le clou.
‒ T’as assuré ! Si, c’est vrai, hein ! Comment t’as piaulé ! J’adore ça, moi. Et comment t’as bien tout fait voir. C’était trop génial. Parce qu’on se rendait compte que tu faisais tout pour essayer de t’en empêcher, mais que tu y arrivais pas.
Léa a pris Elena par le bras.
‒ Viens ! Il y a des toilettes à l’infirmerie.
Mais elle n’a pas eu le temps d’arriver jusque-là.
‒ J’en peux plus ! J’en peux plus !
Et elle s’est accroupie au pied d’un arbre. Le jet a fusé entre ses cuisses. Ça a ruisselé. Ça s’est élargi en flaque, provoquant les rires et les quolibets des élèves d’une autre classe qui sortaient de cours.
‒ Non, mais comment elle est dégoûtante, cette fille !
Son portable a sonné.
‒ Regarde ce que c’est, toi, Olga.
C’était sa mère. Qui venait d’être mise au courant par la directrice de la fessée qu’elle avait reçue. Qui lui reprochait son comportement. Et qui lui annonçait qu’il fallait qu’elle s’attende à en recevoir une autre en rentrant.
Elle a soupiré.
‒ Je m’y attendais. Ça, je m’y attendais.


Et Iourievna ? On la connait

Je veux ! Elena nous l'a longuement présentée mais si vous êtes passés à côté,  voici le premier épisode de la série : le chapitre 1

Il y a un début à cette série

Le chapitre 1
et l'épisode précédent : chapitre 15
Mais si vous voulez lire ce récit d'un autre point de vue : les rebelles chapitre 16

Et la suite ?

François nous a écrit le chapitre 17

N'hésitez pas pour les commentaires

Tout le monde les attend : que pensez-vous de cette série croisant l'imaginaire d'Elena et celui de François ?

8 commentaires:

  1. Bonjour cher associé,
    Tiens ! de nouveaux personnages pour cette rentrée scolaire à Ste CROIX, dont un qui me rappelle quelqu'un, mais je n'arrive pas à dire qui... Une idée, peu-être... ?
    Il est vrai qu'il a dû prendre du plaisir en me voyant me faire fesser, devant tout le classe... comme la majorité des garçons, d'ailleurs, et surement des filles.
    Bravo pour ce texte.
    Amitiés.
    Elena.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour, Elena. Et bonjour tout le monde.

      Moi aussi, il y en a un dans cette histoire qui me rappelle quelqu'un, mais j'arrive pas non plus à me rappeler qui. ;) Mais quand même! Cette pauvre Elena! Son incapacité à se maîtriser lui joue bien des tours. Et Aldison sait très exactement où il faut qu'il appuie pour la faire mettre dans son tort.
      Amicalement.
      François

      Supprimer
    2. Et une faute d'orthographe, une !?!?
      "Une idée, peuT-être... ?"
      Désolée
      Elena

      Supprimer
    3. Bonjour Elena,
      Je ne trouve as cette faute. Où est-elle ?
      Au plaisir e vous lire,
      JLG.

      Supprimer
    4. Bonjour JLG,
      La faute se trouve dans mon premier commentaire ( 14 Mai à 14:29 ), mais vous ne pouvez pas le modifier, c'est la raison pour laquelle j'ai apporté moi-même la correction dans un complément de commentaire.
      Amitiés.
      Elena.

      Supprimer
    5. Bonjour Elena oui la fessée toute nue et au coin après hi hi hi

      Supprimer
  2. Réponses
    1. Bonjour Caroline,

      Merci de votre lecture et de votre commentaire. Ravi que ce texte, inspiré de celui d'Elena, vous plaise.
      Amicalement.
      François

      Supprimer

Un commentaire, une réaction, une proposition ? C'est ici. Une fois validé, le commentaire sera visible par tous les lecteurs du blog.
Si vous le souhaitez et pour des raisons de confidentialité, nous pouvons échanger par courriel. Seuls Huguette et moi verrons le message. Il vous suffit de cliquer dans le champ "pour nous contacter" en haut à droite de cette page.