« Quelle
journée ! » Jamais en m’inscrivant à Ste-Marie pour y obtenir mon bac
je n’aurais imaginé vivre de tels moments. J’étais ce qu’on nomme une petite
bourgeoise à la vie bien rangée. Femme de 36 ans, sans histoire, mariée, deux
enfants. Ma seule ambition, c’était de passer mon bac et de vouloir mettre tous
les atouts de mon côté pour la réussite de ce projet.
C’était tout naturellement donc
et parce que mes enfants y étaient scolarisés que je m’étais tournée vers
Ste-Marie et l’offre que m’y faisait sa directrice, Sœur Marie-Joseph. Je
savais bien lors de mon inscription que la discipline de cette école était
stricte mais je pensais innocemment que du haut de mes 36 ans je n’avais rien à
craindre ou si peu. En fait je pensais que je n’avais rien à craindre parce que
tout simplement une femme adulte comme moi est mûre et posée, tout l’inverse
d’une enfant ou d’une adolescente.
Grave erreur que je commettais là
en croyant tout cela et surtout en considérant comme acquis un pseudo statut
d’intouchable en faisant uniquement référence à mon âge. Pour des écarts de
conduite pourtant évitables, j’avais été réprimandée, punie et même fessée.
Fort heureusement et contrairement à Magali puis Nicolas, j’avais été fessée en
classe durant les cours de vacances à Ste-Marie et de fait en les seules
présences des Sœurs, la Préfète de discipline Sœur Marie-Hortense et ma
professeure de lettres Sœur Thérèse. C’était là un moindre mal plutôt que
d’avoir été fessée en public comme mes deux camarades.
Ensuite aux Galeries, où ma
belle-mère avait tenu à m’habiller, j’avais perdu patience face à la vendeuse.
Cela s’était soldé par quelques claques bien senties sur mes fesses dans la
cabine d’essayage au rideau ouvert. Les quelques clients du rayon qui avaient
pu être témoins de cette scène étaient restés si discrets que je ne les avais
pas remarqués. Du reste et heureusement pour moi c’était des personnes que je
ne connaissais pas, qui ne me connaissaient pas et que je ne reverrai ni ne
recroiserai jamais.
Enfin chez ma belle-mère, où
celle-ci avait tenu à ce que je passe la soirée et la nuit, j’avais subi ce qu’on
pourrait appeler le Service après-vente. Ma belle-mère y avait dressé le bilan
de mes actions de la journée écoulée. Forte de cela elle avait agi en
conséquence. J’avais reçu une bonne fessée terminée à la règle en réponse à
celle que m’avaient infligée les Sœurs. Ma belle-mère m’avait ensuite douchée
et, pour marquer le coup suite à mon insolence aux Galeries, elle m’avait punie
à l’aide du martinet.
C’était donc toutes ces pensées
qui se bousculaient dans ma tête de manière très désordonnée lorsque ma
belle-mère m’avait autoritairement mise au lit à 21h. Je pleurais encore mais
la fatigue fut la plus forte. Je m’endormis assez rapidement. Le sommeil a cela
de bon, on est déconnecté de tout et tout s’oublie et se dilue. J’avais
peut-être rêvé cette nuit-là, fait des cauchemars, mais je n’en eus aucun
souvenir.
Il était 6h le lendemain matin.
– Christine !
Christine ! Réveillez-vous !
C’était la voix tonitruante de ma
belle-mère qui me sortait des songes. Elle tira les rideaux, il faisait déjà
jour. Elle vint également tirer le drap léger qui me recouvrait, heureusement
j’étais en nuisette. Mais d’une main ma belle-mère me remonta la nuisette.
– Excusez-moi Christine,
dit-elle, mais c’est pour votre bien. Avec le petit accident que vous avez eu
hier, je veux m’assurer que vous ne vous êtes pas oubliée durant la nuit.
C’était prévenant de sa part mais
très intrusif comme idée. À 36 ans je n’avais pas besoin que ma belle-mère me
regarde le sexe pour savoir si j’avais fait pipi au lit. Et puis je n’étais pas
devenue incontinente comme ça, du jour au lendemain. Le petit oubli de la
veille auquel ma belle-mère faisait référence n’était que quelques gouttes
lâchées après avoir reçu la fessée. J’avais des circonstances atténuantes, ces
quelques gouttes s’étaient transformées en jet parce que ma belle-mère m’y
avait forcée.
– Non, non, ça va belle-maman,
lui répondis-je.
Ce disant je serrai les cuisses
et mettais instinctivement une main en protection devant mon pubis.
– Christine, pas de pudeur entre
nous. Laissez-moi voir !
J’ôtai ma main et me levai en
même temps.
– Vous voyez bien belle-maman, le
drap est sec…
– Christine, trancha ma
belle-mère, c’est pour votre bien que je vous demande cela. Si ça devait se
reproduire, je vous ferai voir par le médecin. Bon, je peux quand même vous
faire confiance. Je ne vais pas vous mettre sur le pot. Courez vite aux
toilettes, de ce temps je vous prépare votre petit déjeuner.
Au fond, tout n’était pas mauvais
chez ma belle-mère. À sa façon, elle aussi souhaitait mon bien et ma réussite.
Certes, elle y mettait un zèle parfois déroutant mais à bien y réfléchir, ses
maladresses provenaient d’une réelle sincérité. Je ne voulais donc pas la vexer
en niant ou dénigrant systématiquement ce qu’elle entreprenait pour moi. Depuis
la veille je l’avais froissée à quelques occasions et je ne voulais pas que
cela pût se reproduire à nouveau.
Ce matin ma belle-mère semblait
de bonne humeur et je devais tout faire pour maintenir cela. Après l’étape
obligée aux toilettes je la rejoignais à la cuisine. Une bonne odeur de café
fumant y remplissait l’atmosphère. Je m’apprêtais donc à m’en servir une tasse
lorsque ma belle-mère me stoppa net dans cet élan.
– Christine, non ! Pas de
café pour vous. Je vous ai préparé un bon petit déjeuner équilibré, tout ce
qu’il faut d’énergie à une écolière modèle.
Elle me montrait un bol de lait
où flottaient des céréales, un grand verre de jus d’orange et de belles
biscottes beurrées recouvertes de confiture.
– Mais belle-maman, le matin je
ne peux rien avaler de solide ! Je prends juste un café et ce n’est que
vers 10h que je m’accorde une barre de céréales chocolatée.
– Christine, enchaîna ma
belle-mère, vous allez me faire le plaisir de faire un petit effort ce matin.
Allons, allons, vous verrez, vous me remercierez.
Son discours bienveillant ne
souffrait d’aucune contestation. Il aurait même pu me toucher et m’émouvoir si
je n’avais pas eu 36 ans. Mais pour faire bonne mesure je décidai de prendre
sur moi et d’obtempérer. Après tout, ma belle-mère ne pouvait pas savoir que
boire du lait le matin m’écoeurait, et plus encore avec du jus d’orange. Seules
les biscottes avaient quelque grâce à mon appétit matinal.
Si l’occasion devait un jour se
représenter, je me promis de négocier un yaourt à la place du bol de lait et un
fruit à la place de ce jus d’orange. Mais aujourd’hui le bol de lait et le jus
d’orange étaient bien réels sur la table devant moi. Je me résolus à me faire
violence et prendre ce petit déjeuner tel que l’avait prévu ma belle-mère. Pour
caler, ça calait bien ; je sortis de table avec un poids sur l’estomac,
chose peu habituelle pour moi le matin.
– Ne tardez pas Christine, dit ma
belle-mère. Allez vite faire une petite toilette. Là aussi je vous fais
confiance, vous êtes grande pour ça.
– Oui je sais, belle-maman, lui
répondis-je sèchement. Je sais encore comment me laver…
Du temps que ma belle-mère levait
la table et rangeait la cuisine, je partis faire ma toilette dans la salle de
bain. Elle m’y rejoignit quelques minutes plus tard. Heureusement j’avais
terminé le plus gros et c’est avec une serviette nouée au-dessus de mes seins
que je la vis entrer sans même prendre la précaution de frapper ou de
s’annoncer.
– Christine, pas de maquillage
aujourd’hui. Vous verrez comme votre peau s’en ressentira, une sorte de jeûne
ne lui fera pas de mal. Et puis, à l’école vous n’avez pas besoin d’être
maquillée. Et ça vous entraînera pour la vraie rentrée.
J’allais lui répondre que pour
protéger ma peau il valait peut-être mieux y passer des produits de beauté qui
étaient avant tout des produits protecteurs spécialement conçus à cet effet.
Mais je pris le parti de ne rien dire pensant que l’intelligence du
consentement me permettrait de contourner l’écueil que constituait la farouche
volonté de ma belle-mère à me faire « jeûner » la peau du visage. Ma
tranquillité valait bien cette concession.
Je ne voulais pas déclencher de
longs et interminables palabres sur la conception exacte que ma belle-mère se faisait
du maquillage. Je n’avais pas le même point de vue qu’elle. Visiblement elle
mélangeait allègrement soins du visage à l’aide de produits neutres et mise en
valeur des traits à l’aide de fard, poudre et autres fonds de teint ou rouges à
lèvres.
– Asseyez-vous Christine,
m’ordonna-t-elle. Je vais vous coiffer.
Cela partait d’un bon sentiment
pour ma belle-mère que de vouloir me coiffer. « Pourvu qu’elle ne me fasse
pas ces affreuses couettes comme hier » pensai-je instantanément. Là aussi
je pris sur moi de me mordre la langue et de ne point répondre. J’étais assez
grande pour m’ôter les deux élastiques le cas échéant et me rassembler ensuite
les cheveux. Heureusement ma belle-mère, après m’avoir brossée, me fit une
queue de cheval bien haute qu’elle fit tenir par une barrette.
– Venez Christine, il faut vous
habiller maintenant !
Je suivis ma belle-mère jusque
dans la chambre d’amis qu’elle avait mise à ma disposition pour la nuit. Autant
avouer tout de suite que je craignais le pire. Après les achats de la veille
aux Galeries je pensais qu’elle trouverait opportun de me faire porter dès
aujourd’hui l’uniforme de Ste-Marie, je me trompais. Ma belle-mère suivait les
recommandations de l’école pour la période des cours de vacances. Elle ne
voulait pas me forcer à mettre dès le deuxième jour la tenue de rigueur
d’ordinaire.
J’aperçus sur mon lit ma jupe
saharienne et ma chemise safari. Ma belle-mère avait profité de mon temps de
toilette à la salle de bain pour me préparer ma garde-robe de la journée. Mieux
encore, elle avait fait une machine la veille au soir après m’avoir mise au
lit. Mes vêtements étaient donc propres et frais. Je ne pouvais que l’en
remercier.
Seule entorse et différence par
rapport à ma parure de la veille, mes dessous. Ma belle-mère avait jugé
inopportunes ces dentelles fantaisies qui ornaient ma culotte et mon
soutien-gorge. En lieu et place de cette lingerie jugée subversive, elle
m’avait prêté un ensemble blanc avec culotte taille haute « Sloggi ».
Au moins il ne s’agissait pas de ces dessous en coton, j’avais bien le temps de
les porter à la vraie rentrée.
– Je vous fais confiance
Christine, dit ma belle-mère. Vous saurez vous habiller toute seule.
Enfin depuis la veille elle me
reconnaissait un semblant d’autonomie. Avec la toilette à la salle de bain
c’était la deuxième fois ce matin qu’elle ne m’assistait pas dans une tâche
pratique. J’agrafais mon soutien-gorge et remarquais qu’avec ma belle-mère nous
avions sensiblement la même poitrine tellement la parure m’allait ; idem pour
la culotte, nous faisons la même taille.
En me regardant dans le miroir
pour m’ajuster je me rendis compte combien ces sous-vêtements étaient pratiques
et confortables à porter. Mais horreur, je découvris en même temps l’état de
mes cuisses. De larges marques rosées et de plus fines en zébraient la peau du
bas de mes fesses jusqu’à mes genoux. C’était là les marques des deux fessées
reçues la veille.
La règle plate avait laissé des
traces larges concentrées plutôt sur le haut de mes cuisses. C’était presque
diffus et un regard peu expérimenté aurait pu les confondre avec les marques de
contact que laisse un siège lorsqu’on y reste trop assise. Mais les autres
sillons rosés ne trompaient pas. Ils étaient beaucoup plus persistants et leur
origine ne faisait aucun doute. Tout le monde pouvait comprendre que c’était là
les empreintes déposées par les lanières d’un martinet. Même en la tirant bien,
jamais ma jupe ne couvrirait mes cuisses aussi bas.
Je repensais aux propos de ma
belle-mère la veille au soir. C’était juste avant qu’elle ne me châtiât pour la
seconde fois. Elle disait vouloir marquer le coup. En fait, elle m’avait bien
marquée, cuisses et arrière des genoux à l’aide du martinet. Elle savait ce
qu’elle faisait en descendant aussi bas, elle se doutait bien des suites que la
morsure des lanières allaient laisser sur ma peau ; surtout en été
lorsqu’on ne porte ni bas ni collants.
J’avais bien une parade en tête,
mettre une couche de fond de teint qui diluerait ces traces d’inflammation.
J’avais beau chercher dans mes affaires, pas moyen de mettre la main sur ma
trousse de beauté. Ma belle-mère fit irruption dans la chambre.
– Alors Christine, qu’est-ce que
vous êtes longue… Nous allons nous mettre en retard.
– Mais belle-maman, répondis-je,
je cherche ma trousse de beauté. Regardez l’état de mes cuisses, je ne peux pas
sortir comme ça. Je vais y passer une rapide couche de fond de teint…
– Christine ! m’interrompit
ma belle-mère, nous ne sommes ni au cirque ni au cinéma. On ne se maquille pas
pour si peu, surtout les cuisses… Et puis, qui voulez-vous que ça intéresse,
ces marques ? À Ste-Marie les Sœurs n’en ont rien à faire de tout ça.
Je me sentais perdue, presque
comme si mes cuisses avaient été violées et qu’en plus il me fallait les
exposer. J’eus une montée subite de larmes. Mais il nous fallait partir et je
dus me reprendre rapidement. Le temps de vérifier si toutes mes affaires
étaient dans le cartable et je sautais dans la voiture de ma belle-mère,
direction Ste-Marie.
Ma belle-mère tenait absolument à
m’accompagner jusqu’à la porte de l’établissement. Dans un sens, ce n’était pas
une si mauvaise idée car elle pourrait me servir de rempart si nous croisions
du monde. Les rues alentour étaient certes désertes mais quelqu’un pouvait surgir
de nulle part. Il me suffirait le cas échéant d’accélérer le pas et de me
placer légèrement devant ma belle-mère tout en tenant négligemment mon cartable
dans le dos, ainsi on ne pourrait remarquer l’état de mes cuisses. J’avais
quand même une dignité à préserver.
Tout comme la veille, je
rencontrai Magali mais ce matin nos situations respectives étaient inversées.
C’était elle qui était seule et moi qui étais accompagnée. Elle fumait et dès
qu’elle m’aperçut, elle écrasa sa cigarette. À la réflexion, c’est plutôt dès
qu’elle vit ma belle-mère qu’elle se débarrassa précipitamment de son mégot.
Nous nous saluâmes et nous fîmes la bise. Ma belle-mère, qui l’avait croisée
chez le docteur Wagner, la reconnut et elles se saluèrent.
Magali était toujours aussi nature
et spontanée. Immanquablement elle vit mes cuisses et mit aussitôt les pieds
dans le plat, se gardant bien de toute discrétion.
– Oh ! Tu as vu tes
cuisses ! C’est pire qu’hier !
– Et oui ma petite, lui répondit
ma belle-mère. Voilà ce qui arrive aux vilaines filles insolentes et
capricieuses. Vous semblez être bien camarades toutes les deux, Christine te
racontera… ça la fera réfléchir.
Je ne savais plus où me mettre.
Si jusque-là je représentais une femme mûre, mariée et mère de famille aux yeux
de Magali, un peu comme une référence ; d’un coup d’un seul j’étais
dévalorisée par ma belle-mère. J’avais pu m’esquiver la veille en répondant à
ma camarade, constatant des traces sur mes cuisses, que les Sœurs avaient
souhaité plus marquer le coup que me punir. Mais là, ma belle-mère venait
d’anéantir la superbe que je pouvais encore représenter. Magali n’était pas
dupe, mais de là à tout lui déballer… d’autant qu’elle ne me questionnait même
pas, elle faisait juste une remarque.
– Allez les filles ! dit ma
belle-mère. Je vous souhaite une bonne matinée à toutes les deux, soyez sages.
Christine, j’espère ne pas avoir à vous récupérer à la sortie aujourd’hui. Je
peux vous faire confiance…
– Oui, lui répondis-je, ne vous
faites pas d’inquiétude pour moi.
Durant les quelques pas qui nous
séparaient de l’entrée de Ste-Marie, Magali me questionna, intriguée qu’elle
était par la situation dont elle venait d’être témoin.
– Je ne comprends pas ? me
demanda-t-elle. Ta maman te tutoie et toi tu la vouvoies…
J’étais bien embarrassée de lui
répondre alors que la vérité ne souffrait d’aucun mystère ni d’aucune honte.
Magali m’avait vue pour la première fois accompagnée lors de la visite médicale
chez la doctoresse, elle pensait tout simplement qu’il s’agissait de ma mère.
– En fait ce n’est pas ma maman,
lui répondis-je, c’est ma belle-mère.
– Ta belle-mère ? La
nouvelle femme de ton père ?
– Non, ajoutai-je, ma belle-mère,
la mère de mon mari.
– Oui… bon, mais c’est pareil,
continua Magali. Tu te laisses commander par cette femme, Elle n’a aucune
légitimité sur toi.
– Magali, n’en rajoute pas s’il
te plaît… C’est déjà assez compliqué comme ça… Tu sais bien qu’ici il nous faut
un adulte référent… Et comme mon mari est en vacances avec les enfants, c’est
elle qui prend le relais…
– Ah, je vois ! dit soudain
Magali. Je comprends mieux… pour tes cuisses aussi… Tu t’es laissée
faire ? Et à la visite aussi, elle t’a vue quand la doctoresse a regardé
dans ta culotte… En fait elle te surveille comme une daronne à la place de ton
mari…
– Magali, s’il te plaît…
Heureusement nous arrivions
devant la porte de la loge de la Sœur portière, ce qui mit fin à notre échange
qui prenait pour moi une tournure bien désagréable. Magali venait de saisir la
teneur des rapports qui nous unissaient ma belle-mère et moi. J’étais loin d’en
être fière du fait de mon âge et ne souhaitais pas en faire plus étalage.
– Bonjour ma Sœur.
– Bonjour mesdemoiselles, nous
répondit la Sœur portière. Donnez-moi vos cartes de correspondance, que je les
vérifie. Et n’oubliez pas de laisser dans vos casiers les affaires que vous
récupèrerez en sortant, téléphone, bijoux…
Prudente, ce matin-là, je n’avais
pas commis une deuxième fois l’erreur de la veille au sujet de mon port de
bijoux. Je les avais glissés dans un petit sac que je m’apprêtais à confier aux
bons soins de la Sœur portière, idem pour mes trousses de beauté et toilette.
Je ne portais qu’une barrette
tenant mes cheveux en queue de cheval, mon alliance et une croix autour du cou.
Pour l’alliance, les Sœurs ne pourraient rien me reprocher. C’est en effet
devant Dieu, après être passée par la République, que j’avais scellé l’union
avec mon mari ; l’alliance que je portais à l’annulaire de ma main gauche
en était le témoin hautement symbolique. De même, pour la petite croix que je
portais suspendue à une chaîne autour du cou, il s’agissait là certes d’un
signe ostentatoire, mais forcément admis à Ste-Marie.
La Sœur portière avait l’œil sur
tout. En même temps qu’elle prenait connaissance de nos cartes de
correspondance respectives, elle nous observait, Magali et moi, mettre le l’ordre dans nos affaires et les
ranger dans nos casiers.
– Hep là ! Jeune fille, s’il
vous plaît ! dit la Sœur portière en s’adressant à Magali. Je peux voir ce
que vous venez de mettre dans votre casier…
– Ce sont mes affaires
personnelles, ma Sœur, répondit Magali. Mon téléphone, mon sac…
– Mais encore ?
l’interrompit la Sœur portière.
– Rien d’autre, ma Sœur, continua
Magali qui se sentit moins à l’aise. Ah oui ! un paquet de cigarettes
aussi. Mais…
– Mais c’est très bien, jeune
fille, coupa la Sœur portière, de les ranger dans votre casier. Cependant, ce
qui n’est pas admis c’est de négliger votre hygiène. Chaque fois que vous
ouvrez la bouche pour parler, vous parfumez cette pièce d’une odeur de tabac
malodorante…
– Mais, osa Magali.
– Il n’y a pas de mais jeune
fille, trancha la Sœur portière. À Ste-Marie une élève doit se présenter
propre, à l’extérieur comme à l’intérieur… et la bouche fait partie de
l’intérieur.
– Excusez-moi, répondit Magali.
Je ne le ferai plus…
– Excusez-moi qui ? demanda
la Sœur portière.
– Excusez-moi ma Sœur, enchaîna
timidement Magali.
– On peut dire que vous les
accumulez de bon matin… Vous fumez avant d’arriver à l’école et vous nous
faites profiter de votre haleine que vous répandez en ouvrant la bouche…De
surcroît, vous vous croyez intelligente pensant masquer vos effluves à l’aide
d’un chewing-gum… Or, les chewing-gums sont formellement interdits à Ste-Marie…
Et en plus, vous ouvrez la bouche pour manquer de courtoisie.
Prise en défaut, Magali essayait
de se justifier bien maladroitement. Au lieu de simplement s’excuser, elle
tentait de se trouver des circonstances atténuantes et elle ne se rendait pas
compte que plus elle en rajoutait, plus elle s’enfonçait.
– Cela suffit maintenant !
coupa la Sœur portière. Je n’aime pas du tout votre attitude. Nous ne sommes
pas ici en cours d’éloquence. Je ferai valider par Sœur Marie-Hortense des
heures de retenue samedi prochain pour vous. Au moins, le temps que vous
passerez ici, vous ne le passerez pas à fumer. En attendant, vous m’avez manqué
de respect… relevez votre jupe !
Magali, un peu surprise et
décontenancée, s’exécuta néanmoins sans sourciller. Elle ne voulait pas heurter
plus encore la Sœur portière. Elle releva sa jupe dont elle roula les bords
pour la faire tenir. Comme la veille, elle portait une culotte en nylon mais
rose. Personnellement pour des dessous je n’ai jamais apprécié le nylon car
j’ai toujours trouvé que c’est un textile qui ne respire pas, mais Magali, ou
peut-être sa maman, pensaient sans doute le contraire. L’abondante toison brune
de Magali se devinait à travers ce tissu synthétique. Cela donnait à ma
camarade un aspect de poupée entre deux âges, le sombre de sa pilosité
contrastant au travers du nylon rose.
La Sœur portière la laissa dans
cette position et dans son jus, ne dévoilant pas immédiatement ses intentions.
– Et vous ? Ma grande, dit
la Sœur portière en se tournant vers moi.
Prise de court, je rougis
instantanément.
– Oui ? Ma Sœur,
balbutiai-je.
Je n’avais, à ma connaissance,
rien commis de répréhensible ; pas de cigarettes ou d’odeur persistante de
tabac, pas de chewing-gum… Que pouvait bien me vouloir la Sœur portière ?
En fait je compris très vite qu’elle ne me questionnait pas, elle souhaitait
simplement argumenter sur ce qu’elle venait de découvrir en lisant ma carte de
correspondance.
– Jeune fille, je viens
d’apprendre qu’il nous faut surveiller votre santé. Votre tutrice nous informe
que vous avez eu des soucis d’incontinence.
Alors là, je m’attendais à tout
sauf à ça. Ma belle-mère, à distance, agissait encore. Elle avait profité de
mon temps passé à la salle de bain pour y faire ma toilette pour subtiliser ma
carte de correspondance dans mon cartable et y noter ce qui, à mes yeux,
n’étaient que des broutilles sans importance ni gravité. Il est vrai que la
veille, après avoir été fessée par ma belle-mère et avoir passé de trop longues
minutes au coin, ma vessie s’était un peu oubliée. Mais de là à en faire toute
une histoire…
Je me voyais mal expliquer cela à
la Sœur portière et surtout en présence de Magali. Cela aurait été avouer
publiquement comment ma belle-mère m’avait traitée, ce qui ne regardait
personne, ni à Ste-Marie, ni ailleurs. Autant donc avouer ce petit pépin
urinaire mais ne surtout pas en expliquer les véritables circonstances, plutôt
laisser croire à une faiblesse organique passagère ; après tout, nous
autres les femmes, y sommes parfois sujettes.
– Oui, ma Sœur, hasardai-je.
C’est sans doute lié au stress de ma journée d’hier.
– C’est certainement sans
gravité, je vous l’accorde, me répondit la Sœur portière, mais votre tutrice
demande que nous y portions toute notre attention.
« Qu’est-ce que pouvait bien
échafauder la Sœur portière ? ». Tout de même, à 36 ans, je n’étais
plus une gamine. Je savais encore me retenir et contrôler ma vessie.
– Jeune fille, me dit-elle,
durant les cours de vacances personne n’assure la permanence à l’infirmerie.
C’est donc ici, dans ma loge, que vous viendrez aux récréations afin que je
vous contrôle moi-même.
En fait de contrôle, la Sœur
portière voulait s’assurer que ma vessie ne présentait aucune fuite et surtout
souhaitait prendre les devants.
– Relevez votre jupe s’il vous
plaît !
Je crus un instant qu’elle
voulait me punir tout comme ma camarade Magali qui était dans la même posture
juste à côté. Mais je compris rapidement que ce qu’elle me réservait était
d’une toute autre nature qu’une fessée.
Sans le moindre mot
d’avertissement la Sœur portière me glissa son index droit dans l’échancrure
gauche de ma culotte et en balaya la fente de mon sexe à la recherche
d’éventuelles traces d’humidité. Je trouvai le procédé pour le moins cavalier
et poussai un soupir de stupeur tant cette intrusion dans mon intimité était
désagréable.
– Toussez, je vous prie, jeune
fille, ordonna la Sœur portière.
Elle maintint son index, attendit
que j’eusse toussé puis le ressortit. C’est là que je m’aperçus que Magali
assistait incrédule à cette scène surréaliste et me regardait telle une petite
fille dont on inspecte l’intérieur de son lange.
– Bien, c’est sec, ça va, dit la
Sœur portière. J’imagine que votre tutrice vous a fait faire pipi avant de
partir. Vous reviendrez donc me voir à la récréation de 10h, et n’hésitez pas à
demander à vos professeures en cours si vous avez envie.
– Oui ma Sœur, merci, lui
répondis-je.
La Sœur portière se tourna vers
Magali qui se tenait toujours debout avec sa jupe relevée sur sa culotte. C’est
volontairement que la religieuse en charge des entrées et sorties à Ste-Marie
avait laissé mariner ma camarade de classe. Elle avait rapidement évalué son
caractère un peu désinvolte et souhaitait la faire réfléchir sur le sort
qu’elle allait lui réserver.
– À vous maintenant, jeune fille…
J’ai failli vous oublier… Approchez s’il vous plaît !
La Sœur portière, d’un geste,
saisit la culotte de Magali par l’élastique et la lui baissa jusqu’aux genoux.
Pratiquement dans le même mouvement, elle la bascula sous son bras gauche et
aussitôt sa main droite s’abattit sur les fesses de ma camarade.
– Voilà ce que je fais aux jeunes
filles qui s’égarent du bon chemin ! dit la Sœur portière.
La fessée fut brève mais intense.
Je compris ce jour-là qu’à Ste-Marie les sanctions pouvaient parfois être d’une
rare simplicité. Il n’était alors pas dans le dessein des religieuses de punir
exagérément mais de corriger de manière juste.
Magali accusa le coup mais resta
digne. Je vis des larmes perler aux coins de ses yeux, toutefois elle put retenir
ses sanglots. Spontanément je l’aidai à remonter sa culotte comme je l’aurais
fait pour ma fille et je l’embrassai sur les deux joues. Je sentis à ce
moment-là combien cette jeune fille était à bout, d’autant que dès le matin
alors qu’elle ne s’attendait pas à pareille mésaventure.
Je l’entendis me glisser à
l’oreille comme une plainte : « Je l’ai pas fait exprès… Je sais plus
comment faire… Et je me prends encore une fessée… »
La Sœur portière mit un terme à
ces atermoiements.
– Allons mes grandes,
filez !
C’est en gagnant la cour avec
Magali que j’appris combien elle démarrait mal sa journée et surtout pas de la
manière dont elle l’avait escomptée. Depuis la veille qu’elle avait vu Nicolas
pour la première fois, elle s’était mise en tête de lui plaire voire de le
séduire.
Avec la fessée qu’elle venait de
recevoir par la Sœur portière, sitôt entrée à Ste-Marie, on ne peut pas
affirmer qu’elle mettait tous les atouts de son côté.
Quant à moi, je m’interrogeais
sur le sort qu’allait me réserver cette même Sœur portière à la prochaine
récréation, convoquée que j’y étais pour mes prétendus problèmes urinaires.
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