jeudi 20 août 2020

Le journal d'Olga - chapitre 26

 On paressait au lit, Iourievna et moi. On retardait encore et encore le moment de se lever : reprendre l’école après deux semaines de vacances, c’était pas franchement enthousiasmant.

Elle a voulu savoir.

« C’en est où le dessin qu’elle fait de toi, Mylène ?

‒ Elle a presque fini. Ce soir j’y vais pour la dernière fois. En principe.

‒ En principe, oui, comme tu dis. Parce qu’avec elle, il y a toujours une autre fois après la dernière fois.

‒ Je sais, oui. Elle aime prendre son temps.

‒ Et pour cause…

‒ T’avais raison, n’empêche ! Le regard d’une femme sur toi, son désir, c’est pas forcément désagréable. À condition qu’elle reste dans les clous.

‒ Ou pas.

‒ Ou pas ?

‒ Ben, moi, franchement, ça me tenterait bien un peu par moments. Histoire de pas mourir idiote. De savoir ce qu’on ressent avec une femme. Qui connaît forcément mieux ton corps qu’un mec puisqu’elle a le même.

‒ Et ce serait avec Mylène…

‒ Oh, Mylène ou une autre. Non, Mylène, ce qu’il y a, c’est que je la connais. Ce serait plus rassurant. N’importe comment, je dis ça, mais si ça tombe, ça se fera jamais. L’envie me passera comme elle m’est venue.

Elle a sauté du lit.

‒ Hou là ! T’as vu l’heure ? Faut qu’on se grouille, sinon… »

 

Tout de suite, à peine le portail de Sainte-Croix franchi, il y a tout un tas de monde qui nous est tombé dessus de partout.

« Vous y étiez, hein, toutes les deux, la nuit des poubelles !

On a protesté.

‒ Mais jamais de la vie !

Yohan a eu son petit rire moqueur.

‒ Évidemment qu’elles y étaient ! Évidemment ! Comme je vous vois, il les a vues, mon beau-frère. C’étaient elles. Aucun doute là-dessus.

Fabien a abondé dans son sens.

‒ Ma sœur aussi, elle les a reconnues. Et elle a pas pu se tromper : elle les connaît depuis le CP.

‒ En attendant, n’empêche qu’elles ont réussi à passer à travers les mailles du filet…

‒ Sauf qu’il faudrait pas que quelqu’un s’avise d’aller les dénoncer. Et témoigne contre elles. Parce que comment elles seraient mal !

‒ Ça pourrait être nous, hein, si on voulait.

‒ Heureusement qu’on n’est pas comme ça !

‒ On n’est pas comme ça, non ! Surtout si on a droit à quelque chose en échange.

‒ Oui, par exemple, elles pourraient nous montrer leurs fesses.

Hein ? Oui, ben alors là sûrement pas ! Et puis quoi encore ? Non, mais ils étaient pas bien, eux, dans leur tête !

‒ Oh, mais on l’a déjà vu n’importe comment, votre cul ! À chaque fois que vous y avez attrapé ! Alors un peu plus un peu moins !

C’était pas pareil. Ça n’avait rien à voir.

Aldison s’en est mêlé.

‒ Oh, si, faut qu’elles les montrent, leurs fesses, si ! Surtout qu’aujourd’hui elles doivent valoir le coup d’œil.

Tous les regards ont convergé vers lui.

‒ Comment ça ?

‒ Elles s’en sont pris une. Et c’est tout récent. Vous savez, les deux filles, là… Celles qui travaillent à la blanchisserie…

‒ Nayah et Evenye ?

‒ C’est ça, oui ! Eh bien même que c’est elles qui la leur ont flanquée.

Tout autour on s’est esclaffé.

Et Iourievna s’est empressée de s’indigner.

‒ N’importe quoi ! C’est vraiment du grand n’importe quoi !

Il s’est fait péremptoire.

‒ Ah, si ! Si ! De source sûre, je le sais. C’est Nayah qui me l’a dit.

Les garçons se sont pressés autour de lui. Des tas de filles aussi.

‒ Raconte ! Allez, vas-y ! Raconte !

Il s’est éclairci la voix.

‒ Chez elles, ça s’est passé. L’autre matin…

Mais heureusement, à ce moment-là, il y a Margaux qu’est arrivée en courant, tout excitée. Heureusement !

‒ Vous savez quoi ? Vous savez quoi ? Eh ben là-haut, dans le bâtiment administratif, il y a Marie P., la secrétaire de la directrice, qui se balade à poil dans les couloirs.

‒ C’est pas vrai !

‒ Eh, si ! »

C’était quoi, cette histoire ?

Et tout le monde s’est éparpillé dans tous les sens. Pour aller où ? Pour faire quoi ? Ils n’en savaient sans doute seulement rien eux-mêmes.

 

Nous, c’est vers le petit bureau de déléguée de Léa qu’on a discrètement foncé. Elle, elle devait être au courant, sûrement. Et effectivement, elle a confirmé : elle n’avait pas halluciné, Margaux. C’était vrai. Elle avait bien vu. Mary P. errait toute nue dans les couloirs. Et ce n’était pas fini. Parce que c’est toute la journée qu’elle allait devoir rester comme ça. Et même qu’à midi elle allait avoir droit, en prime, à une fessée cul nu devant tout le monde.

« Devant tout le monde… Devant les élèves aussi ?

‒ Aussi, oui…

À son âge ? À quarante ans passés ? C’était complètement fou, ce truc ! Mais il y avait eu quoi alors ? Elle avait fait quoi ?

‒ Officiellement, elle a égaré un dossier. Quelque chose d’hyper important. Ils apprécient pas du tout au rectorat. Et la directrice en a pris plein la tête. Bon, mais ça, moi, j’y crois qu’à moitié. À mon avis, ça sert surtout de façade. Il y a des trucs bien pires derrière. Qui lui vaudraient la prison à Mary P. si ça éclatait au grand jour. Ce qui me fait dire ça, c’est que d’ici on entend tout ce qui se passe dans le bureau d’à côté. Et qu’il y a eu des tas d’allusions. Des phrases à double sens. De quoi il retourne exactement, j’ai pas encore réussi à savoir au juste. Mais il y a quelque chose, c’est sûr. De grave. De très grave. Et elle lui fait une fleur, la directrice, en mettant son mouchoir par-dessus. « Vous vous rendez bien compte, Mary, qu’au regard de ce que vous avez fait, une fessée, c’est moindre mal. Parce qu’un tribunal ne serait guère enclin à l’indulgence… » « Je sais bien, Madame la Directrice, je sais bien… Et je vous suis très reconnaissante de la façon dont vous en usez avec moi, mais une épreuve comme celle-là… Les élèves… Les professeurs… » « Tout doit se payer un jour ou l’autre, Mary. Tout. Absolument tout… Et vous vous en trouverez beaucoup mieux après, vous verrez. Plus apaisée. Plus sereine. »

Ce qu’elle trouvait irritant au possible, Iourievna, c’était de ne pas savoir ce qu’elle avait fait au juste, Mary P.

‒ T’as pas quand même une petite idée ?

‒ J’en ai plein ! Mais pour savoir quelle est la bonne…

Elle a mis un doigt sur ses lèvres.

‒ Chut ! Écoutez !

La voix de la directrice à côté. Sévère. Péremptoire.

‒ Le bordereau 723B4 ? Eh bien allez le chercher. Vous savez où le trouver, non ?

Léa nous a fait signe d’ouvrir la porte.

‒ Vite ! Dépêchez-vous !

On l’a fait. On s’est penchées. Elle arrivait. On s’est un peu avancées sur le seuil. Elle nous a vues, elle est devenue écarlate, elle a baissé la tête et elle a hâté le pas pour passer devant nous le plus vite possible. On l’a suivie des yeux et on a regardé ses fesses dodeliner jusqu’à ce qu’elles aient disparu tout au bout du couloir là-bas.

Iourievna a constaté.

‒ En tout cas, le minou est rasé de frais…

Ce qui a donné à Léa l’occasion de préciser.

‒ C’est l’œuvre de l’infirmière. D’à peine une demi-heure ça date. C’est son grand truc, ça, à la directrice, de te faire épiler quand tu vas y passer. Que tout le monde puisse en profiter bien à fond.

‒ Oui, ben en attendant comment il était rouge ! Elle a dû sacrément morfler.

‒ Ah, ça, c’est sûr ! Jusqu’ici je l’ai entendue brailler. Quand il y en a une qui lui tombe entre les pattes, Laetitia F., elle fait pas dans la dentelle… »

Ça a sonné. Et on a dévalé l’escalier.

 

François F. avait inscrit une phrase d’Emmanuel Kant au tableau : « L’intelligence d’un individu est inversement proportionnelle au nombre de certitudes qu’il a. »

Il voulait savoir ce qu’on en pensait. Rien. On s’en fichait. On avait autre chose en tête. Parce que, d’après ce qu’elle nous avait dit Léa, Mary P. allait venir dans chaque classe, l’une après l’autre, demander à chaque professeur les documents nécessaires à la reconstitution du dossier qui était soi-disant perdu. Alors nous, on attendait. Chaque fois qu’il y avait un pas dans le couloir, on levait la tête, on se disait que cette fois, c’était peut-être la bonne.

Ça a fini par l’être. Tout à la fin du cours.

Elle a timidement frappé. Si timidement que François F. ne l’a pas entendue.

‒ M’sieur, il y a quelqu’un…

‒ Oui. Entrez !

Il s’est fait un grand silence. Tous les regards se sont emparés d’elle. Qui a filé vers le bureau, les yeux fixés droit devant elle. Un garçon a murmuré.

‒ Wouah ! Ce cul !

Pas trop fort, mais assez quand même pour qu’elle l’entende.

Elle a demandé quelque chose à François F. Qui n’a pas compris. Ou qui a fait semblant. Qui l’a obligée à répéter. En lui laissant traîner un peu les yeux dessus. Ce qui a fait rire Laura tout bas.

‒ Il bande ! »

C’était vrai. Le bureau n’était pas assez haut pour le cacher. Il a farfouillé un long moment dans son cartable. Il en a sorti un papier. Elle lui a fait signe que non. Non, c’était pas celui-là. Il a repris les fouilles. Et, pendant ce temps-là, tout le monde se rinçait allègrement l’œil. Surtout les garçons, évidemment. Il l’a enfin trouvé le papier, mais il lui en a fallu un deuxième. Et puis encore un autre.  Il se régalait manifestement à l’avoir là, les fesses à l’air, à côté de lui. Il était pas le seul. Elle a enfin eu tout ce qu’il lui fallait. Il l’a regardée partir à regret. Et suivie des yeux jusqu’à ce que la porte se soit refermée.

 

Dans la cour, après, ça y est allé bon train, les commentaires. Ils avaient les yeux qui brillaient, les garçons.

« Comment elle est bien foutue, n’empêche ! Ah, vous pouvez vous accrocher, vous, hein, les filles !

‒ Merci, c’est sympa.

Ils se sont enfoncés.

‒ Mais non, mais elle, c’est pas pareil. C’est une vraie femme.

Paul a essayé de se raccrocher tant bien que mal aux branches.

‒ Oh, mais vous non plus, c’est pas mal. Ça vaut quand même le coup d’œil des fois. Pas toujours.

Théo m’a touché l’épaule.

‒ Viens ! Laisse-les dire.

On s’est éloignés.

J’ai soupiré.

‒ Non, mais qu’est-ce qu’ils peuvent être lourds quand ils s’y mettent !

‒ Ah, ça !

On a un peu marché dans la cour. Et parlé.

Nous aussi, on avait bien apprécié. Fallait pas être hypocrites. Ni se mentir. Parce que c’était le genre de truc que jamais on serait allés imaginer qu’il puisse arriver. À cause de son âge. Et puis parce qu’elle était du côté du manche, Mary P. Qu’elle nous rappelait à l’ordre quand on courait ou qu’on criait dans les couloirs. D’autres choses aussi. Et maintenant… ça ! Comment elle devait avoir honte ! C’était ce qui lui plaisait surtout à Théo. De voir qu’elle avait honte. Que la honte lui transpirait de partout. Et de se dire que c’était un peu à cause de lui. Parce qu’il était là et qu’il la regardait.

Je lui ai déposé un petit baiser dans le cou.

‒ Ce qu’il y a de bien, nous deux, c’est qu’on peut tout se dire. Vraiment tout. »

 

Quand ça a été l’heure de la punition, tout le monde s’est précipité dans le hall Ça a fait un grand remue-ménage et il y en a qui ont commencé à se disputer pour être le plus devant possible. Ce qui a agacé François F.

« S’il y en a qui préfèrent qu’on les envoie en permanence…

Personne avait envie, non. Et ça s’est tout de suite calmé.

On a attendu longtemps, presque une demi-heure, et puis on a vu surgir les deux religieuses, Mère Jolanta O. et Sœur Weronika S. venues vérifier que tout était bien en place pour la punition. Les barres et les cordes. On les a acclamées et il y en a qui leur ont crié de taper fort. Le plus fort possible.

‒ Que ça la fasse bien gigoter !

Elles sont reparties comme elles étaient venues et il a encore fallu attendre.

‒ Bon, alors ! Qu’est-ce qu’elles foutent !

Presque un quart d’heure.

C’est par la porte du fond qu’elles sont arrivées. Mary P. devant, avec la directrice qui la poussait et les deux religieuses derrière qui faisaient claquer leurs cannes de jonc en l’air. Elles ont avancé au milieu des élèves et ça a pris un temps fou parce qu’il y en avait qui faisaient exprès de ne s’écarter qu’au dernier moment pour l’obliger à ralentir ou même à s’arrêter. Et ils en profitaient pour lui faire tout un tas de réflexions. Que c’était trop bien qu’elle soit à poil, mais que ça allait être encore mieux tout à l’heure quand elle serait attachée les jambes bien écartées et qu’on pourrait tout lui reluquer bien comme il faut. Elle, elle faisait tout ce qu’elle pouvait pour ne regarder personne, mais elle arrivait pas à s’empêcher tout le temps. C’était plus fort qu’elle. À un moment, c’est dans notre direction qu’elle a levé la tête. Et Théo s’est pressé contre moi.

‒ J’ai eu ses yeux ! C’est pas vrai que j’ai eu ses yeux !

Des yeux tout gorgés de honte.

Quand elle est enfin arrivée sur l’estrade où elle allait être corrigée, la directrice a annoncé qu’elle  recevrait cinquante coups de canne sur les fesses et sur les cuisses et les religieuses l’ont attachée bien solidement de façon à ce qu’elle soit obligée de subir sa punition sans pouvoir bouger. Il y a un garçon qui a crié.

‒ Comment on te voit bien tout ! C’est super.

La directrice a froncé les sourcils, mais elle n’a rien dit.

Mère Jolanka O. et Sœur Weronika S. ont encore fait siffler leurs cannes en l’air. En s’approchant d’elle. De plus en plus près. Elle s’est mise à hurler, épouvantée, à supplier, à demander pardon, mais la directrice n’a rien voulu entendre. Elle leur a fait signe.

‒ Allez !

Et c’est tombé. Elles tapaient bien en rythme, à tour de rôle, à pleines fesses. Mary P., elle, c’est à pleins poumons qu’elle criait en se contorsionnant et en tirant sans succès sur ses liens. Elle hurlait. Elle hurlait sans discontinuer. Les coups s’inscrivaient, sur son derrière, en longues balafres horizontales rougeoyantes. Derrière nous, il y en avait qui se caressaient frénétiquement. Des garçons comme des filles. Ça respirait fort. Ça haletait. Et il y en a une, Anaïs, je crois, qui a gémi.

‒ Oh, la vache ! Que c’est bon ! Non, mais que c’est bon !

Et les garçons se le sont fait plus vite. Moi aussi.

Là-bas, sur l’estrade, ça s’est arrêté. Elles l’ont détachée. Et tout le monde s’est précipité vers les sanitaires.



Et Iourievna ? On la connait

Je veux ! Elena nous l'a longuement présentée mais si vous êtes passés à côté,  voici le premier épisode de la série : le chapitre 1

Il y a un début à cette série

Le chapitre 1
et l'épisode précédent : chapitre 25 scène 2
Mais si vous voulez lire ce récit d'un autre point de vue : les rebelles chapitre 26

Et la suite ?

François nous a écrit le chapitre 27

N'hésitez pas pour les commentaires

Tout le monde les attend : que pensez-vous de cette série croisant l'imaginaire d'Elena et celui de François ?

2 commentaires:

  1. Bonjour François,
    Là, on assiste à une scène insolite, enfin presque, car dans le Lycée Ste CROIX, que l'on voit des punis déambuler nus, c'est monnaie presque courante. N'empêche que dans cet épisode, voir dans les couloirs la pourtant douce et sympa secrétaire Marie P. toute nue, là, c'est de l’inédit. Jusqu'ici, le corps enseignant était presque épargné.
    La scène de la fessée a déchaîné les passions, car peu de monde a réussi à se tenir, à priori. Mais dans pareille situation, qui aurait pu ?
    Amitiés.
    Elena.

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    Réponses
    1. Bonjour, Elena. Et bonjour à tous.

      Ce qui fait le charme et l'intérêt de vos récits, c'est qu'ils sont très diversifiés. Qu'il y a une multitude de personnages et de situations possibles. On sait que, chaque fois, on va tomber sur de l'inattendu. Et comme je me laisse porter par ce que vous avez imaginé, que je mets mes pas dans les vôtres, ça rend les choses toutes simples.
      Amicalement.
      François

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