jeudi 6 février 2020

Le journal d'Olga - chapitre 6

À la perspective d’aller passer les fêtes de Noël en Russie, nous étions, Ekaterina, Iourievna et moi, tout excitées. Ce n’était pas si souvent qu’on avait l’occasion de voir nos cousines, Mariya et Lilya, mais surtout notre cousin Dimitriy dont nous avions toutes les trois été, à un moment ou à un autre, plus ou moins amoureuses.
Iourievna ne tenait pas en place.
« C’est demain qu’on part ! Tu te rends compte ? C’est demain.
Elle faisait les cent pas de la porte de la salle de bains à la baignoire, remettait en place une serviette qui n’en avait nul besoin, déplaçait au hasard shampooings et gels douche.
‒ En un an, ils ont dû changer, mais pas trop, j’espère !
Ce qu’elle redoutait surtout, c’était qu’ils ne soient plus célibataires.
‒ Non, parce que, s’ils roucoulent, on les verra pas beaucoup. Et on les gênera plutôt qu’autre chose.
Elle s’est brusquement plantée devant moi.
‒ T’as l’intention de le tromper, Théo ?
Je l’ai regardée, interloquée.
‒ Quoi !
‒ Ben, oui ! Tu dois bien avoir une idée derrière la tête, vu que t’es en train de t’ébarber le parpaillou. Juste avant d’aller là-bas. Comme par hasard.
J’ai haussé les épaules. Je n’ai pas répondu.
Je n’avais pas la moindre intention de tromper Théo, non, mais celle de me rendre au Banya avec mes cousines. Et d’y être présentable. Un minou, à mes yeux, ou bien ça se laisse naturel, avec sa pelisse d’origine, ou bien ça se met tout lisse, mais ça reste pas à mi-chemin en forêt de petits piquants disgracieux.
Elle a insisté.
‒ Oh, sûrement que si que t’as une idée derrière la tête. »

C’est effectivement là, au Banya, que, dès notre arrivée, nos cousines m’ont entraînée, moi toute seule, Ekaterina et Iourievna préférant rester discuter avec oncle Sergey et tante Galina, mais, à l’évidence, ce n’était qu’un prétexte : à mon avis, elles appréhendaient les fustigations aux branches de boulot qui s’y administrent, pour faire circuler le sang, entre bains de vapeur et douches froides. Elles ont eu tort, parce que c’est tout à fait supportable et qu’on a passé une excellente après-midi entre filles, que mes cousines m’ont fait faire la connaissance de certaines de leurs amies, très agréables, et qu’après, en buvant le thé, on a bavardé à cœur ouvert toutes les trois. Je leur ai parlé de Théo et des espoirs que je fondais sur notre relation. Mariya, elle, était amoureuse de son voisin Maxim.
« On sort ensemble. Mais je sais pas trop ce que ça va donner parce que, d’après mes copines, c’est un coureur. Et même… un collectionneur.
Quant à Liliya, elle se remettait tout doucement d’une relation compliquée avec l’un de ses camarades de classe.
‒ Et, pour le moment, je préfère rester célibataire. Je verrai plus tard.
On a évidemment fini par parler fessée. Ça n’a jamais été un sujet tabou entre nous.
Elles n’en reçoivent plus.
‒ Pour l’instant, en tout cas. Je touche du bois. La dernière, c’était il y a six mois. Plus de six mois.
‒ Et je peux te dire que celle-là, elle nous a servi de leçon. Parce que faut être honnêtes. On l’avait pas volée.
Elles n’ont pas précisé davantage. Et je n’ai pas posé de questions.
‒ Dimitriy, lui, par contre, il y a encore eu droit pas plus tard que la semaine dernière.
‒ S’il buvait pas tant aussi ! »

Ce que j’ai effectivement eu l’occasion de constater par moi-même, dès le lendemain soir. Il avait été décidé une sortie au restaurant entre jeunes. Eux trois, nous trois et leurs trois voisins dont ils tenaient absolument à nous faire faire connaissance.
Mariya m’a glissé à l’oreille.
« Tu verras Maxim comme ça. Tu me diras ce que t’en penses.
Ça avait bien débuté. Dans une atmosphère conviviale. La conversation roulait sur tout. Le mode de vie russe. La cuisine française. La musique. La littérature. On s’est longuement attardés à table. Personne n’avait vraiment envie que ça s’arrête. Et les garçons ont commandé bouteille sur bouteille. Les verres se remplissaient, se vidaient. Les yeux se faisaient de plus en plus brillants, les joues de plus en plus rouges, les conversations de plus en plus bruyantes. Les filles n’étaient pas en reste. Iourievna riait haut perché aux plaisanteries de Maxim à qui elle plaisait manifestement beaucoup. Ekaterina se taisait, mais n’oubliait pas de tendre son verre. Prises dans l’ambiance, Mariya et Liliya se laissaient, elles aussi, progressivement aller.

Les lumières ont fini par s’éteindre et on s’est retrouvés dehors où j’ai tout aussitôt proposé qu’on rentre.
« Je suis un peu fatiguée.
Dimitriy s’est récrié.
‒ Oh, pas déjà !
Les autres ont fait chorus.
‒ Pour une fois qu’on peut être ensemble !
Et on s’est retrouvés dans un café bondé où il se jouait de la musique, où tout le monde paraissait heureux et détendu, où on s’interpellait d’une table à l’autre, où les rires fusaient de tous côtés.
Dimitriy m’a passé un bras autour des épaules.
‒ Allez, cousine, tu vas pas nous plomber l’ambiance ! Goûte-moi cette vodka, tu m’en diras des nouvelles ! »
De la vodka, Maxim s’efforçait, de son côté, d’en verser dans le corsage d’Iourievna qui se tortillait et riait aux éclats. Quant aux deux cousines, elles semblaient, elles aussi, en boire plus que de raison, à l’autre bout de la salle, en compagnie d’un autre groupe de garçons et de filles.

Il a pourtant bien fallu finir par se décider à rentrer et on s’est retrouvés sur le trottoir en quête d’un taxi, petite troupe joyeuse et tapageuse. Maxim avait enlacé Iourievna qui se pressait contre lui sous prétexte qu’elle avait froid. Mariya s’accrochait à moi et clamait haut et fort qu’elle était cocue.
« Cocue, oui ! Cocue jusqu’au blanc des yeux.
Dimitriy, lui, s’était planté devant un immeuble dont, au quatrième étage, une fenêtre était allumée.
‒ Je suis sûr que c’est une femme là-haut. Une jeune qu’est toute seule et qui s’ennuie. Faut que je monte lui rendre service.
Et il a entrepris d’escalader la façade en s’accrochant à la gouttière. Sans succès.
On a fait tant et si bien qu’on a fini par attirer l’attention d’une patrouille de police. Ils ont voulu voir nos papiers.
‒ On les a pas.
Et Iourievna a éclaté de rire.
Tandis qu’Ekaterina me chuchotait à l’oreille.
‒ T’as vu ces drôles de chapeaux qu’ils ont ? »
Et elle aussi a pouffé.
Résultat des courses : on s’est tous fait embarquer, menotter, et placer pour la nuit en cellule de dégrisement, après avoir dû nous soumettre à un test d’alcoolémie.

Le lendemain matin, c’est tante Galina qui est venue nous chercher au poste où on nous a encore passé un savon avant de nous laisser partir.
Elle avait sa tête des mauvais jours.
Iourievna s’est pourtant efforcée de l’apitoyer.
« Tu diras rien à nos parents, hein, Tatie ?
‒ Trop tard ! C’est déjà fait. Et ils m’ont laissé tout loisir de vous punir comme je l’entends. Et comme vous le méritez. »
J’avais peur de comprendre ce que ça signifiait. Et j’ai jeté à Dimitriy, qui regardait défiler le paysage avec infiniment d’attention, un regard noir. C’était sa faute tout ça. S’il n’avait pas tant insisté pour poursuivre la soirée…

Et, à peine rentrés, on y a eu droit.
L’ordre a claqué.
« Vous vous déshabillez ! Et vous vous dépêchez !
Devant Dimitriy qui ne nous avait jamais vues nues, en tout cas mes sœurs et moi, ce n’était pas évident. Pour lui non plus d’ailleurs, seul garçon au milieu de toutes ces filles. Tant et si bien qu’on a, lui comme nous, traînaillé tant qu’on a pu et que tante Galina a dû intervenir et nous menacer.
‒ Le dernier à être en tenue aura double ration.
C’est pour le coup que tout a volé. À toute allure. Pantalons, robes, soutien-gorge et petites culottes. Terrorisé à l’idée d’être celui-là, Dimitriy a même été le premier à se retrouver tout nu.
‒ Bon, ben on va commencer par toi alors !
Elle l’a fait pencher en avant, à l’équerre, et elle a cinglé. Très vite, son derrière s’est trouvé strié de longues balafres écarlates. Devant nous, il avait à cœur de ne pas se donner en spectacle. On voyait bien qu’il faisait tout ce qu’il pouvait pour ne pas gigoter et crier, mais tante Galina avait manifestement décidé, de son côté, de l’y contraindre, pour que la leçon porte davantage. Elle a fait durer du coup, elle a tapé plus vite, plus fort et il a bien été obligé de finir par céder. Il s’est mis à sautiller sur place, en tournant sur lui-même, ce qui nous montrait alternativement ses fesses rougies et sa queue qui s’était toute rabougrie de peur et qui ballottait entre ses cuisses. Il était vraiment ridicule et on n’a pas pu s’empêcher de rire. De bon cœur.
‒ Là ! Et maintenant tu vas te mettre à genoux là-bas, mains sur la tête. Comme ça, oui ! Bon, mais à qui le tour ? Olga ? Allez, Olga ! »
J’ai bien essayé de l’apitoyer, en m’excusant platement, en lui promettant et jurant que ça ne se reproduirait pas, il n’y a rien eu à faire. Elle s’est montrée inflexible. Et j’ai dû aller prendre à mon tour appui, des deux mains, sur le dossier du canapé et me pencher en avant pour offrir mes fesses aux claquées. Placé comme il l’était, mon cousin avait une vue imprenable sur mon anatomie. Comment il devait se régaler ! Et je l’ai haï pour ça. Je l’ai d’autant plus détesté que je considérais qu’il était le principal responsable de ce qui nous arrivait. S’il n’avait pas tant insisté pour prolonger la soirée aussi ! Mais tante Galina ne s’encombrait pas de ces considérations. À ses yeux on était tout autant coupables les uns que les autres. Et elle m’a flanqué une de ces corrections ! J’ai crié, j’ai pleuré, je me suis protégée de mes mains qu’elle m’a obligée à retirer en me flagellant les cuisses et elle m’a envoyé m’agenouiller aux côtés de mon cousin que le spectacle auquel il venait d’assister avait manifestement ravi : il bandait, cette fois. Il bandait tout ce qu’il savait. Ce qui m’a mise en rage. Il allait me le payer. Et je me suis ostensiblement mise à lorgner sur son attirail. Ce qui a eu pour effet immédiat de le mettre mal à l’aise. Il avait honte. Comment il avait honte ! Honte d’être nu devant des filles, d’avoir été fouetté devant elles, de mon regard insistant sur sa queue déployée. Je pouvais la sentir physiquement, sa honte. J’en ai éprouvé un plaisir intense. Et j’en ai rajouté une couche. J’ai délibérément installé mon regard dessus. Je l’y ai accroché. Il s’est agité, s’est mis à se balancer d’un genou sur l’autre. J’ai enfoncé le clou. Un petit rire moqueur. Offensant. Un autre.
Je lui ai gâché son plaisir de voir ses sœurs et ses cousines fouettées. Tout occupé de moi et de mes réactions, il ne jetait plus qu’un regard inquiet et coupable sur les fesses de ses sœurs et de ses cousines qui bondissaient et s’entrouvraient sous les claquées. Tante Galina ne les ménageait pas. Elles avaient beau hurler, supplier, tenter de se protéger comme elles pouvaient, il n’était pas question qu’elles échappent à la punition exemplaire qu’elle estimait qu’elles avaient méritée. Maryia, qui est passée la dernière et qui, parce qu’elle était la plus âgée et devait donc être, en principe, la plus raisonnable, a bénéficié d’un traitement de faveur. Si l’on peut dire. Sa correction a été beaucoup plus longue et beaucoup plus appuyée que celles que nous, on avait reçue. Mais de tout cela, Dimitriy, que je n’ai pratiquement pas quitté des yeux et dont la queue était redevenue toute flasque, n’a pas vraiment profité. À cause de moi. Ou plutôt, grâce à moi. Ce qui m’a comblée d’aise.

Le sauna familial, dans lequel tante Galina a exigé que nous nous rendions tous les six, en fin d’après-midi, nous a fait le plus grand bien. Tant de bien que Mariya, Liliya et moi, nous avons décidé de nous y attarder, une fois les trois autres partis.
Elles ont éclaté de rire.
« Comment il était pressé de s’enfuir, Dimitriy, hein !
‒ Faut dire que tout seul au milieu de cinq nanas…
‒ N’importe comment, il est terriblement pudique, Dimitriy. Il l’a toujours été.
Elles s’étaient parfaitement rendu compte de mon petit manège quand j’étais agenouillée à ses côtés.
‒ Il aurait fallu être aveugle…
‒ Oh, mais t’as bien eu raison, hein ! Faut le remettre en place de ce côté-là de temps en temps. C’est sans arrêt qu’il les laisse traîner sur les filles, ses yeux, et d’une façon… Alors un peu à son tour.
‒ D’autant que c’est à cause de lui que c’est arrivé, tout ça.
Elles étaient bien d’accord. Et pas seulement parce qu’il avait insisté pour prolonger la soirée, mais aussi parce qu’il arrêtait pas de remplir les verres.
‒ Oui, je sais. Elles étaient bien entamées, mes sœurs, du coup.
‒ Et si elles ne s’étaient pas ouvertement fichues de la tête des policiers qui nous contrôlaient…
Maryia était à la fois d’accord et pas d’accord.
‒ Parce qu’on leur a pas mis dans le gosier non plus…
N’importe comment elle avait une dent contre Iourievna.
‒ À cause de Maxim ?
‒ À cause de Maxim, oui. Non, mais t’as vu ce rentre-dedans qu’elle lui faisait ? Et que je te me colle contre lui. Et que je te lui exhibe mes nibards sous le nez. Une vraie chatte en chaleur.
J’ai essayé de la défendre.
‒ Elle avait peut-être pas capté que t’étais avec.
‒ Tu parles ! Elle le savait pertinemment. Et quand bien même… Quand t’arrives quelque part, tu te jettes pas comme ça, comme une meurt-de-faim, à la tête d’un type que t’as jamais vu sans savoir au juste où tu mets les pieds. Et sans te soucier le moins du monde des dégâts que tu peux occasionner autour de toi. Non, je suis pas méchante, tu sais, Olga, mais si un jour, à mon tour, je peux lui en faire une, je peux t’assurer que j’hésiterai pas une seule seconde. Quant à Maxim, au moins maintenant les choses sont claires. On m’avait mise en garde. On avait raison. La moindre nana qui passe à portée de bite, il peut pas s’empêcher de tenter sa chance. Toutes ses belles déclarations d’amour, c’est rien que du vent. Oh, mais lui aussi ! Lui aussi… Et vous savez ce que j’aimerais ? C’est qu’un jour il se prenne une bonne fessée, cul nu, devant moi. D’ailleurs… D’ailleurs ça pourrait bien arriver. Parce que j’ai ma petite idée.
‒ Qui est ?
‒ Je dis rien encore. Faut que ça mûrisse.


Et Iourievna ? On la connait

Je crois, Elena nous l'a longuement présentée mais si vous êtes passés à côté,  voici le premier épisode de la série : le chapitre 1

Il y a un début à cette série

Le chapitre 1
et l'épisode précedent : chapitre 5
Mais si vous voulez lire ce récit d'un autre point de vue : les rebelles chapitre 6

Et la suite ?

François nous la prépare pour la semaine prochaine

N'hésitez pas pour les commentaires

Tout le monde les attend : que pensez-vous de cette série croisant l'imaginaire d'Elena et celui de François.

7 commentaires:

  1. Passionnant ! On imagine bien la scène, fort emoustillante et bien amenée.
    Une question, quel est l'instrument employé pour cette correction collective ?

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    1. Bonjour,

      Effectivement, j'ai omis de le préciser. Comme on est en Russie, on ne peut pas ne pas penser à l'une des différentes variantes du knout.
      Merci en tout cas de votre lecture et de votre commentaire.
      François

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  2. Bonjour François,
    Les textes sont assez explicites, vivants et très dynamiques, tout comme la scène d'origine. Merci pour ces compléments !
    Amitiés.
    Elena.

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    1. Bonjour Elena. Et bonjour à tous.

      Si les scènes d'origine ne l'étaient pas, les compléments ne pourraient pas l'être non plus.
      En tout cas, je prends toujours autant de plaisir à mettre mes pas dans vos pas.
      Amicalement.
      François

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  3. Bonsoir Elena,

    Toujours réalistes, ces recadrages ! Ah les punitions en famille !!! Quelle émotion ! Quel trouble aussi !!
    Jamais facile de faire la part des choses. La vengeance est un plat qui se mange froid, dit-on. Chacun ses goûts. Bien sûr.
    Amicalement. Peter.
    (En lisant les premières lignes, ça m'a fait pensé que le magazine Géo de Février 2020 présente la ville de Saint-Pétersbourg dans son dossier central. Bonne lecture. Rires.)

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    1. Bonjour Peter Pan. Et bonjour à tous.

      Je rêve depuis toujours d'aller faire connaissance, en juin, des nuits blanches de Saint-Pétersbourg. Peut-être cette année, qui sait?
      Mais diable! Que les récits d'Elena sont inspirants.
      Amicalement.
      François

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