jeudi 18 février 2021

Le journal d'Olga - chapitre 40 - 1ère partie

 On s’était retrouvées à tout un groupe de filles, là, à discuter à une terrasse de café. Il y en avait de Sainte-Croix. Et d’autres non. Il y avait aussi deux ou trois vacancières dont on avait fait la connaissance, comme ça, au gré de nos allées et venues. Et la conversation avait fini par tourner autour de la question du port du soutien-gorge. Parce qu’il y avait beaucoup de femmes qui, avec le confinement, avaient pris l’habitude de ne plus en mettre quand elles étaient à la maison. Et même les rares fois où elles sortaient.

« On se sent tellement mieux sans !

On était toutes d’accord.

‒ Ah, oui, alors !

Sauf celles qui avaient des seins vraiment très proéminents.

‒ Quand ça arrête pas de ballotter dans tous les sens dès que tu marches un peu vite, c’est pas vraiment agréable.

Nous, Iourievna, Elena et moi, c’était bien fourni, oui, mais ça restait dans l’ordre du raisonnable.

‒ Ça se passe plutôt bien… On n’a pas à se plaindre.

‒ Oui. Ça frémit juste. Sauf quand on court. Mais ça, c’est autre chose.

Quant à Britanny, elle avait été un peu oubliée à la distribution. C’était vraiment le modèle réduit.  Et les mouvements ne risquaient pas de vraiment la gêner, la pauvre !

Elena a tranché.

‒ Oh, mais ils sont mignons comme tout quand même ! Moi, en tout cas, je les adore…

Et elle a déposé un petit baiser dessus à travers le tee-shirt.

Bon, mais en attendant, si on se sentait mieux comme ça, il y avait aucune espèce de raison pour qu’on s’oblige à les garder.

‒ On est bien libres, non ?

Sûrement qu’on était libres. Et, toutes autant qu’on était, on a envoyé promener nos soutiens-gorge par-dessus les moulins.

‒ Allez, hop ! On vire tout ça !

Sous les regards scandalisés, approbateurs ou amusés, selon les cas, des consommateurs des tables voisines. Et ceux, enthousiastes, du serveur.

‒ Oh, oui, les filles, oui ! V’là une idée qu’elle est bonne !

Et on est allées aussi sec faire un petit tour en ville. Où on a eu notre petit succès. Elena et l’une des Parisiennes surtout parce qu’elles avaient, l’une comme l’autre, des chemisiers en tissu léger qui laissaient entrevoir ce qu’il y avait dessous. À deux ou trois reprises, de vieilles rombières ont maugréé sur notre passage. On les a ignorées. Sauf une qui nous a carrément traitées de salopes. On l’a huée.

‒ Parle pour toi, la boomer !

Moi, je me sentais bien. Le tissu râpeux de mon tee-shirt me frottait sur les seins, n’a pas tardé à en faire dresser les pointes. Pour le plus grand bonheur des garçons que je croisais, dont les regards s’attardaient complaisamment dessus. Et pas que les garçons. Parce que Mylène s’est penchée à mon oreille.

‒ Tu sais que tu m’excites grave comme ça ?

‒ Ah !

Je n’ai rien trouvé d’autre à dire que ça. « Ah ! » Et j’ai rougi. Quelle idiote je faisais !

‒ T’as encore des marques ? De ta fessée de l’autre jour… T’as encore des marques ?

J’ai rougi un peu plus encore.

‒ Quelques-unes. Presque pas.

On a marché quelques instants côte à côte en silence. Et puis elle m’a désigné, du coin de l’œil, Elena et Britanny qui se tenaient par la main.

‒ Ça te donne pas envie ?

Je n’ai pas répondu. J’ai détourné le regard.

‒ Non, parce que c’est quand tu veux, hein !

Elle m’a effleuré la main.

‒ J’en crève d’envie, moi, avec toi. J’en ai toujours crevé d’envie. Si, c’est vrai, tu sais. »

 

On a continué les jours suivants. Pas de soutien-gorge. On n’était pas les seules. On en croisait de plus en plus des femmes, et de tous âges, qui n’en portaient pas. Et on s’attirait de plus en plus de réflexions. Pas tellement des hommes, non, parce qu’eux, à quelques rares exceptions près, ils étaient ravis, surtout les plus vieux, mais des mégères qui nous lançaient des regards furibonds et des… « Si c’est pas malheureux de voir ça ! », des… « Ah, elle est belle, la France d’aujourd’hui ! » ou des… « C’est une honte ! Mais que fait la police ? »

La police, justement, elle était sur les dents. Parce qu’il y avait des femmes qui avaient décidé de bronzer seins nus sur les plages textiles et que l’adjointe au maire, Anne-Sophie C. de V., avait décidé, contre l’avis de celle-ci, de sévir et avait demandé aux gendarmes de fesser les contrevenantes, cul nu, pour leur faire passer l’envie de s’exhiber comme ça en public. On ne voulait pas y croire, nous, au début, mais les Parisiennes nous ont assuré que si, qu’elles l’avaient vu. De leurs propres yeux vu.

« Et plusieurs il y en avait, hein ! Peut-être sept ou huit. Ou neuf. On sait pas. On a pas compté.

« Oui. Et même qu’elles prétendent qu’elles étaient pas au courant que c’était interdit, qu’elles protestent et qu’elles se débattent comme des possédées, même que leurs maris les soutiennent de leur mieux, ils ont rien voulu savoir, les gendarmes. Ils les ont déculottées de force et ils leur ont flanqué vingt coups de martinet chacune. Les unes après les autres. Et évidemment, vu tout le raffut que ça faisait, il y a plein de gens qui s’étaient approchés pour voir ce qui se passait et pour en profiter. Ah, ça y allait, les téléphones portables pour filmer ! »

Non, mais alors là, on était pas d’accord. Pas du tout ! Parce que nous, les femmes, on devait avoir le droit de bronzer comme on l’entendait et si on voulait pas avoir de marques de maillot, eh bien c’est nous que ça regardait. Et personne d’autre.

 

Du coup, on a décidé de délaisser, pour le moment, notre plage naturiste et d’aller nous installer, sur une plage traditionnelle. Où, toutes ensemble, on a enlevé le haut malgré les protestations indignées de quelques couples de retraités qui criaient à l’indécence. Ce qui n’a nullement empêché les maris de lorgner discrètement dans notre direction.

L’une des Parisiennes a éclaté de rire.

‒ Regardez à droite, là. Il y en a un, il a carrément la langue qui pend en nous regardant. Comme dans les dessins animés.

C’était vrai.

‒ Mais bon, allez ! On s’en occupe plus de tous ces gens-là…

Et on s’est voluptueusement offertes aux rayons d’un délicieux soleil matinal. Bronzette. Baignade. Re bronzette. Re baignade. Jusqu’à ce qu’un grand brouhaha là-bas, au loin, sur la gauche, nous fasse relever la tête.

‒ Il y en a qui vont y attraper, on dirait…

On s’est couvertes et on a foncé voir ce qui pouvait bien se passer.

C’était une femme d’une cinquantaine d’années, bien en chair, en train de se faire fouetter, au martinet, par une jeune gendarme. Elle hurlait, elle se débattait, elle essayait d’échapper, mais il y en avait deux autres, des hommes ceux-là, qui la maintenaient solidement. Plus elle résistait, plus elle se démenait et plus celle qui la cinglait accentuait la force des coups. Les gens autour, ‒ il y en avait bien une bonne cinquantaine ‒ ils regardaient, ils rigolaient, ils filmaient. Il y en avait même qui encourageaient vigoureusement la fesseuse. « Allez, vas-y ! Plus fort ! Elle sent rien. » Un petit groupe de cinq ou six, garçons et filles, applaudissait à tout rompre. Quand ça s’est arrêté, elle avait tout le derrière recouvert de longues stries rouges. Ça avait même débordé devant, sur le bas-ventre et le minou à force qu’elle arrête pas de gigoter et de se tortiller dans tous les sens.

Les deux gendarmes qui la tenaient ne l’ont pas lâchée, mais ils l’ont emmenée vers la mer.

‒ Un bon bain, ça va calmer tes ardeurs, tu vas voir !

‒ Et puis le sel là-dessus comment c’est jouissif ! Sûr que tu vas apprécier.

Et ils l’ont poussée dans l’eau malgré ses cris et ses protestations.

J’ai fait signe aux filles.

‒ Venez, on se casse !

On est retournées jusqu’à nos affaires. En silence. Sans rien dire. On s’est rhabillées. On n’avait pas le cœur à rester. On n’était pas fières de nous. Ah, on avait été pleines de bonnes résolutions, ça c’est sûr, oui ! Mais n’empêche que, le moment venu, on s’était écrasées, qu’on n’avait pas eu le courage d’intervenir, qu’on avait laissé faire. Et puis… Et puis il y avait tout ce que j’avais essayé de m’empêcher de ressentir pendant qu’on la fouettait, mais que j’avais ressenti quand même en arrière-fond. Non, je n’étais vraiment pas fière de moi.

 

On en a reparlé le lendemain. On avait été lamentables, oui. Toutes autant qu’on était. Mais c’était pas une raison pour baisser les bras. Au contraire. On devait apprendre de nos erreurs. Et, la prochaine fois, on n’hésiterait pas à intervenir. Ah, non, alors ! On s’en est fait la promesse. Et on est retournées sur la plage. Au même endroit. On s’est mis les seins à l’air. D’autres femmes ont suivi notre exemple. Il y a bien encore eu quelques réflexions. Qu’on a ignorées. On a laissé dire. Ils pensaient bien ce qu’ils voulaient tous ces pisse-froid. On n’en avait rien à battre.

« De toute façon, qu’est-ce que vous voulez qu’elles soient pas jalouses, ces bonnes femmes ? Vu comment tout ça, ça doit pendouiller à leur âge…

Non, nous ce qu’on attendait, c’était les gendarmes. Qu’ils y viennent pour voir ! Alors là, ils allaient pas être déçus du voyage…

Trois jours. Quatre jours. Ils ne se manifestaient pas.

‒ Peut-être qu’on n’est pas au bon endroit finalement ! »

Et on a décidé d’aller explorer ailleurs.

 

En attendant, Britanny, elle, n’allait pas tarder à rentrer en Angleterre.

« Tout a une fin.

Elle avait l’intention de faire quelques emplettes avant.

‒ Parce que si je leur ramène rien de France là-bas, ils vont me faire une de ces comédies…

Et on a pris la direction des rues piétonnes. Commerçantes. Brittany et Elena sont allées de leur côté et nous, Iourievna, Ekaterina, Théo et moi, du nôtre. On flânait tranquillement, le nez au vent, en jetant de temps à autre un coup d’œil aux vitrines quand il s’est mis à y avoir des cris.

‒ Mais c’est la voix d’Elena !

‒ Et celle de Britanny…

On s’est précipités.

Elles étaient les fesses à l’air au beau milieu de la rue et deux bonnes femmes, des commerçantes, étaient en train de leur flanquer une magistrale fessée.

« Bande de petites dégoûtantes ! Vous n’avez pas honte ?

‒ C’est un quartier convenable ici. On s’y promène pas sans soutien-gorge. Oh, mais on va vous en faire passer l’envie, nous, vous allez voir !

On leur avait carrément retiré leurs shorts et leurs culottes qui traînaient abandonnés par terre. Et elles avaient déjà le derrière tout rouge, surtout Britanny avec sa peau blanche. Elles essayaient bien d’échapper, mais elles étaient costaudes, ces bonnes femmes, et elles les maintenaient solidement. Nous, dès qu’on a vu ça, on s’est précipitées à leur secours, mais les gens qui s’étaient massés tout autour nous ont retenus, tirés en arrière et immobilisés.

‒ Vous en mêlez pas !

‒ Oui. Elles l’ont mérité ce qui leur arrive.

J’ai voulu résister, retourner les défendre, mais je me suis pris une gifle. Et ils se sont mis à trois pour me tenir.

‒ Tu restes là. Et t’arrêtes de vouloir faire ton intéressante si tu veux pas t’en ramasser une, toi aussi, de fessée.

Qu’est-ce que je pouvais faire ? À part rester là, impuissante, à assister à leur correction. Qui n’en finissait pas. Elena avait fini par abandonner toute pudeur  Pour le plus grand plaisir des spectateurs.

‒ Eh, mais c’est qu’on lui voit tout à la petite !

‒ Et c’est pas mal ! Pas mal du tout !

Elle pleurait à chaudes larmes.

Quant à Britanny, elle s’était lancée dans tout un tas de récriminations en anglais. Ce qui amusait follement les types qui me tenaient. Qui se sont mis à la singer.

‒ Oh, yes ! My God !

Les deux fesseuses se sont arrêtées d’un coup. Elles les ont lâchées. Et Britanny s’est empressée de se jeter sur sa culotte et sur son short qu’elle a maladroitement entrepris d’enfiler tandis que s’élevait un concert de protestations. De la part surtout des autres commerçantes.

‒ Vous n’allez quand même pas vous en tenir là ?

‒ Oui. Parce qu’elles vont recommencer, ça, c’est sûr…

‒ Elles vont polluer le quartier. Elles ont le vice dans la peau, ces gamines.

Les hommes renchérissaient, l’œil allumé.

‒ Oui, c’est du laxisme.

‒ Faut leur en remettre une couche. Elles vont pas comprendre sinon…

Et ce sont deux autres commerçantes qui ont pris le relais. Il y en a une qui a arraché short et culotte des mains de Britanny, jetés derrière elle.

‒ Par ici, ma petite ! Je vais m’occuper de ton cas, moi !

Une autre a résolument courbé Elena sur son genou.

‒ Oh, non !

‒ Eh, si !

Et c’est reparti de plus belle. Elena ne pleurait plus, ne gigotait plus. Elle s’abandonnait. Passive. Vaincue. Britanny, elle, suppliait entre deux sanglots.

‒ Assez ! Assez ! Je le ferai plus. Je vous promets. Je le mettrai, le soutien-gorge.

Tout autour, il y avait de plus en plus de monde. Ça faisait tout un cercle, sur trois rangs, qui regardait par-dessus la tête les uns des autres. Qui commentait. Qui riait. Qui applaudissait.

Quand elles les ont enfin lâchées, elles avaient le derrière dans un état, mais dans un état ! Toutes les deux. Elles ont aussitôt voulu se rhabiller, mais… shorts et culottes avaient disparu. Elles ont cherché désespérément autour d’elles et quelqu’un, dans la foule, a crié.

‒ Faut bien qu’on garde un petit souvenir de ce délicieux moment, mes chéries !

Pour cacher leur nudité, elles se sont engouffrées, tout affolées, dans la première boutique venue, un magasin de chaussures. On les y a suivies, Ekaterina, Iourievna, Théo et moi. Le patron a refermé la porte derrière nous. Des gens se sont agglutinés contre la vitrine et contre la porte, les mains en visière, pour essayer de voir à l’intérieur. Elena et Britanny ont filé, toutes piteuses, vers le fond du magasin et se sont efforcées de se dissimuler tant bien que mal derrière un pilier de soutènement.

‒ Alors ? Vous êtes fières de vous ?

Et, en même temps, il leur laissait traîner les yeux dessus tant qu’il pouvait, le patron. Tandis que sa femme nous jetait à Iourievna, Ekaterina et moi, des regards soupçonneux.

‒ Et vous trois, là ?

Nous ? Quoi, nous ?

‒ Vous n’avez pas de soutiens-gorge non plus, à ce qu’on dirait. Faites voir !

Ah, non ! Non ! Alors là, il n’en était pas question.

‒ Vous préférez une fessée ? Devant tous ces gens qui attendent dehors, là ?

Non, non, c’était bon. Non. Et on a soulevé nos tee-shirts. On a montré nos seins. Dont son mari s’est goulûment repu.

Elle nous a fait rabattre.

‒ Bon, mais allez ! Ça a assez duré tout ça. Alors ce grand garçon…

Elle a regardé Théo.

‒ Ce grand garçon va aller chercher, chez elles, des soutiens-gorge pour ces demoiselles.

‒ Mais je…

‒ Oui, ben tu demanderas à leurs mamans. Elles sauront, elles… Et, pour ces deux-là, en prime, une petite culotte et un pantalon.

Elle lui a ouvert une petite porte, dans la réserve, qui donnait sur une rue derrière.

‒ Allez, file ! »



Et Iourievna ? On la connait

Je veux ! Elena nous l'a longuement présentée mais si vous êtes passés à côté,  voici le premier épisode de la série : le chapitre 1

Il y a un début à cette série

Le chapitre 1
et l'épisode précédent : chapitre 39
Mais si vous voulez lire ce récit d'un autre point de vue : les rebelles chapitre 40

Et la suite ?

François nous la prépare pour la semaine prochaine

N'hésitez pas pour les commentaires

Tout le monde les attend : que pensez-vous de cette série croisant l'imaginaire d'Elena et celui de François ?

2 commentaires:

  1. Bonjour François,
    Sujet très d'actualité... Pour nous les femmes, le SG est tout d'abord un vêtement sociétal. On en porte parce que tout le monde en porte. Durant le confinement, à la maison, certaines jeunes femmes ont fait comme elles font le weekend, lorsqu'elles sont décontractées.
    Après, dehors, le regard des autres fait toute la différence sur le physique. Nous sommes souvent cataloguées comme "garces" lorsque le dress code n'est pas celui que tout le monde souhaite ( SG, mini jupe, etc. ).
    J'ai bien aimé écrire cette aventure, car ça ressemble bien à ce que je pense des préjugés sociétaux.
    Amitiés.
    Elena.

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    Réponses
    1. Bonjour, Elena. Et bonjour à tous.
      Confidence pour confidence, j'ai bien aimé, moi aussi, "travailler" sur cette histoire. Qui porte la signature de son époque. Dans les années 70 où les seins avaient tendance à se sentir et à être libres, que ce soit sur la plage ou ailleurs elle aurait été inconcevable.
      Amicalement.
      François

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