jeudi 15 octobre 2020

Le journal d'Olga - chapitre 31 scène 2

 Iourievna était surexcitée.

« Ça y est, la vidéo du cousin de Ruxandra. Ça y est ! On l’a. Tu viens voir ?

Une quarantaine de gendarmes, hommes et femmes, formaient deux haies, très rapprochées, entre lesquelles les dix condamnés menottés, tout nus, ont dû se frayer un chemin à la queue leu leu. En tête, il y avait la banquière, Jessica S., qui regardait tout le monde d’un air de défi, avec un petit sourire méprisant juché au coin des lèvres.

‒ Oh, alors elle, si elle le prend comme ça, elles vont pas la louper. Elle va tout déguster.

Juste derrière, c’était notre voisine, Lylia S. qui jetait tout autour d’elle des regards à la fois affolés et suppliants.

La troisième…

‒ Non, mais c’est pas vrai ! T’as vu qui c’est ?

Pas bien, non. Elle avait la tête baissée, mais sa silhouette ne m’était pas inconnue.

‒ C’est Mary P., la secrétaire de Sainte-Croix !

Mary P. ? Ah, oui ! Oui ! Maintenant qu’elle le disait…

‒ Mais qu’est-ce qu’elle fout là ?

‒ À ton avis ? Elle s’est fait ramasser sur la plage, tiens ! Comme les autres…

‒ Mary P. ! Non, mais j’y crois pas ! C’est complètement dingue, ça !

Juste après, c’était Victor S. Qui faisait nettement moins le malin que sa femme.

‒ Il est mort de trouille, oui, tu veux dire !

Iourievna a étouffé un petit rire.

‒ T’as vu son machin en plus ? Avec un truc pareil, comment tu veux que sa femme, elle sente quoi que ce soit ? Elle est en manque, forcément ! Alors après pas étonnant qu’elle se venge sur tout le monde.

Mario P., par contre, qui venait juste derrière…

‒ Alors là, mais alors là, lui ! Là, je dis rien. Il y a pas de mots. Juste à regarder. Et à en prendre plein les mirettes.

Augustin et Lisendro, eux, avaient l’air complètement absents. Comme si tout cela ne les concernait pas. Que ce n’était pas à eux que ça arrivait. Contrairement à Clément qui s’est littéralement décomposé quand il a levé les yeux et qu’il a vu qu’on était en train de le filmer.

‒ Et toi, mon coco, je peux te dire qu’il y en a du monde qui va te voir la recevoir, ta punition ! Je vais m’en occuper. Personnellement.

Quant aux deux derniers, il y en avait un, elle avait bien l’impression que c’était le père de Laura, Iourievna.

‒ Je suis pas sûre, mais bon, je crois bien quand même…

Et l’autre, un type d’une trentaine d’années, pas trop mal foutu de sa personne, on savait pas.

‒ Connais pas. Jamais vu.

‒ Moi non plus ! Ben ça va être l’occasion de faire plus ample connaissance. »

 

L’ordre a claqué.

« D’abord les femmes ! Allez !

Et les deux gendarmes chargées de l’exécution de la sentence, des femmes d’une cinquantaine d’années bien en chair, les ont tirées, traînées, poussées jusqu’à la poutre de punition. D’abord Lylia S., toute pâle, toute tremblante, qui s’est prosternée à leurs pieds en les suppliant de l’épargner.

‒ S’il vous plaît ! Je le ferai plus, je vous promets ! S’il vous plaît ! Ça fait trop mal, le fouet !

‒ Oui, ben justement c’est le but…

Et elles l’ont solidement attachée, jambes et bras écartés bien au large.

Après, ça a été au tour de Mary P., qui a silencieusement pleuré, sans rien dire, tout le temps qu’a duré l’opération. Jessica S., elle, par contre, s’est débattue. Elle a hurlé, griffé, mordu. Et il a fallu que trois autres gendarmes viennent à la rescousse de leurs collègues pour qu’elles parviennent enfin à l’immobiliser et à l’entraver. Comme les deux autres.

Iourievna a constaté, avec gourmandise.

‒ Comment on leur voit tout, là ! Tout, bien étalé. Ah, tu peux y aller que, pour se rincer l’œil, ils vont se rincer l’œil, les mecs ! Et il y a pas qu’eux.

C’était déjà le cas. Les gendarmes présents dans la cour, sur lesquels le cousin de Ruxandra a longuement promené sa caméra, fixaient les trois coupables avec une satisfaction évidente ! Leurs yeux brillaient. Leurs pommes d’Adam tressautaient à qui mieux mieux.

‒ T’as vu ? Il y en a plein qui bandent.

J’avais vu, oui. C’était vrai. Presque tous. Et les sept autres condamnés, qui attendaient leur tour, n’étaient pas en reste, eux non plus. On se rendait encore mieux compte, vu qu’ils étaient à poil. Et ça grimpait. Pour grimper, ça grimpait. Ça grimpait tant que ça pouvait. Malgré ce qui les attendait juste après.

‒ Ou bien à cause de ça justement.

Le cousin de Ruxandra s’est complaisamment attardé sur eux, et tout particulièrement sur Mario P. qui l’avait dressée toute droite.

‒ Impressionnant !

Et Iourievna s’est passé la langue sur les lèvres.

‒ Un délice, ce mec ! Un véritable délice ! Surtout comme ça !

Elle a fait pause.

‒ Je le soulagerais bien, moi, s’il voulait…

Elle s’est longuement absorbée dans sa contemplation.

Je me suis impatientée.

‒ Bon, allez, t’avances ! Qu’on voie la suite ! T’auras bien le temps d’y revenir après.  »

 

La suite, ça a d’abord été les coups de fouet infligés à Lylia S. Les deux gendarmes se sont placées à sa droite et à sa gauche et elles ont cinglé. Méthodiquement. L’une derrière, sur les fesses, le dos et le haut des cuisses et l’autre devant, sur les jambes, le ventre et les seins. Lilya S. se tortillait dans tous les sens. Elle tirait désespérément sur ses liens. Elle s’époumonait. Et elle continuait à supplier. Elle hurlait que ça suffisait. Qu’elle avait compris. Qu’elle recommencerait pas. Mais qu’elles arrêtent ! Par pitié, qu’elles arrêtent ! Mais elles se sont montrées inflexibles. Elles ont imperturbablement continué. Jusqu’aux quatre-vingts coups réglementaires. Et sont tout aussitôt après passées à Mary P. qui y est allée, pendant toute sa punition, d’une longue mélopée ininterrompue. Une mélopée que quatre ou cinq voix de femmes, dans l’assistance, se sont mises à imiter en chœur, dans de grands éclats de rire.

Et puis Jessica S.

‒ Alors là ! Là, ça va être une autre paire de manches !

Et effectivement ! Après lui avoir lancé quelques coups bien appuyés sur le dos, sur les fesses et sur le ventre, elles se sont tout particulièrement appliquées à cingler les endroits sensibles : les seins, le haut des cuisses, l’intérieur des cuisses, de plus en plus haut…

‒ Ah, là, c’est le minou qui y attrape.

Lui arrachant des hurlements désespérés.

‒ Si elle avait pas tant voulu faire sa maligne aussi !

Tout s’est arrêté d’un coup.

‒ Ben, qu’est-ce tu fous ? Mets la suite !

‒ Il y a pas de suite… Je suis à la fin.

‒ Hein ? Mais…

‒ C’est le coup vache ! Juste quand ça allait être les mecs. Attends, j’appelle Ruxandra.

Qui savait, oui.

‒ Il l’a fait exprès, mon cousin.

‒ Mais pourquoi ?

‒ Parce qu’il dit que c’est pas juste. Que c’est à sens unique, vu que ça fait plusieurs fois qu’il m’envoie des trucs et qu’il a jamais rien en échange. Mais bon, je vais nous arranger ça.

‒ Tu vas faire comment ?

‒ Ça, c’est mon problème.

‒ Mais tu les auras ?

‒ Je les aurai.

‒ Quand ?

‒ Bientôt. Je sais pas au juste, mais bientôt. »

 

En attendant, on s’est repassé ce qu’on avait. Une fois. Deux fois. Trois fois.

Iourievna s’est faite pensive.

« Qu’est-ce qu’elles doivent avoir honte qu’on leur fasse ça à leur âge, n’empêche ! Bien plus que nous quand ça nous arrive, finalement !

Encore plus pensive.

‒ Je dois être complètement tordue dans un sens… Parce que comment j’aime ça me dire qu’elles ont honte à cause de leur âge. Les regarder avoir honte. Comment ça me remue à l’intérieur !

Elle a soupiré.

‒ Mais, en même temps, ça me fiche une sacrée trouille. Parce que je me dis que peut-être un jour ce sera notre tour. Qu’à cinquante ans, si ça tombe, on y aura droit, nous aussi. Non, mais t’imagines ?

‒ Si on nous le fait, c’est qu’on l’aura mérité. Suffira de pas le mériter, c’est tout.

Elle a haussé les épaules. Esquissé une grimace.

‒ Mouais… Mouais…

Il y a eu du bruit dehors. Elle s’est précipitée à la fenêtre.

‒ Peut-être qu’ils ramènent Lylia S.

Ce n’était pas le cas.

‒ Mais ça devrait plus trop tarder maintenant. »

 

Il y avait Mylène au bout du fil.

« Écoutez ! Écoutez ! Vous entendez la bronca ?

Des sifflets. Des huées.

‒ Qu’est-ce que c’est ?

‒ La banquière, Jessica S., qu’on ramène chez elle, tiens, pardi ! Elle passe devant chez moi. Vous voulez voir ?

Un peu qu’on voulait voir !

Elle approchait, toute nue entre deux femmes gendarmes qui lui ramenaient les bras sur les côtés chaque fois qu’elle essayait de se cacher. Avec le confinement, tous les locataires des immeubles d’en face étaient sur leurs balcons et ça y allait les rires, les moqueries et les réflexions…

‒ Chacun son tour d’être à découvert, hein !

‒ C’est toi qu’es dans le rouge ce coup-ci ! Et pas qu’un peu !

Et il y en a qui se sont esclaffés.

Elle, elle ne regardait personne. Elle avançait, tête basse. De temps à autre, elle s’efforçait d’accélérer l’allure, pour en finir, le plus vite possible, mais, chaque fois, les femmes gendarmes la retenaient, l’obligeaient à ralentir. À marcher à tout petits pas. À un moment, ils l’ont même forcée à s’arrêter. Complètement. Pour la plus grande joie de tous les gens, là-haut, à leurs balcons. Qui ont applaudi. Qui ont scandé son prénom, sur l’air des lampions.

‒ Jessica ! Jessica ! Jessica !

Qui ont exigé…

‒ Sa tronche ! On veut voir sa tronche !

L’une des deux gardiennes lui a dit quelque chose à l’oreille. Elle a fait signe que non. Non. Encore quelque chose. L’autre aussi. Alors elle a relevé la tête. À contre-cœur. Et il y a eu un grand « Ah… » de satisfaction. Des applaudissements encore plus nourris. Et elle a fondu en larmes.

Elles se sont remises en marche. Elles sont passées juste en dessous. Ses fesses, marquées de longues stries rougeâtres, ont lentement dodeliné tout au long de l’avenue.

Le pas de maman s’est fait entendre dans l’escalier. On a précipitamment éteint.

‒ Vous m’accompagnez, les filles ?

‒ Où ça ?

‒ À côté. Chez Lylia S. Lui remonter un peu le moral.

Ah, elle était revenue ? Tout occupées qu’on était à regarder la banquière déambuler dans les rues, on ne s’était rendu compte de rien.

‒ Elle est rentrée, oui. Allez, venez ! »

 

Elle tournait en rond, toute nue, dans sa salle de séjour.

« Ça fait trop mal ! Non, mais comment ça fait mal ! C’est pas possible d’avoir mal comme ça !

Maman s’est enduit les doigts d’une large couche de crème.

‒ J’ai apporté ce qu’il faut. Ne bougez pas !

Elle a commencé par le dos. Le haut du dos.

‒ Ah, vous êtes bien arrangée, on peut pas dire…

Délicatement. En petits mouvements circulaires. Sans trop appuyer.

‒ Ça va ?

Elle s’est crispée.

‒ À peu près, oui.

Elle est descendue, plus bas, au creux des reins, là où les lanières s’étaient faites tout particulièrement insistantes. A hoché la tête.

‒ Ce que je me demande quand même… Vous ne fumez pas. Vous ne buvez pas. Alors qu’est-ce que vous êtes allée fiche sur cette plage ?

‒ Il y avait des sacs. Et puis du parfum. Mon parfum préféré.

‒ Que vous avez tout à fait les moyens de vous payer. Vous gagnez bien votre vie.

‒ Ben oui, mais…

Les fesses. Qu’elle lui a docilement abandonnées.

‒ Mais quoi ?

‒ C’était l’occasion.

‒ Elle vous a coûté cher, l’occasion.

‒ Oui, oh, mais alors là, cette fois, je peux vous dire que je suis vaccinée. Je suis pas près d’aller y remettre le nez.

Maman a eu, derrière son dos, une petite moue dubitative.

‒ Vous croyez ?

‒ Ah, oui ! Oui ! Je crois pas. Je suis sûre.

‒ Jusqu’à ce que… Tournez-vous ! Jusqu’à ce que…

Les seins. Qu’elle a copieusement enduits de crème. Dont les pointes se sont dressées.

‒ Jusqu’à ce que vous trouviez encore le moyen d’aller vous fourrer, une fois de plus, dans une situation invraisemblable. Comme cette fois où vous aviez fait des vôtres avec votre voiture.

Elle s’est animée.

‒ Ça n’a rien à voir, ça ! Rien du tout.

‒ Bien sûr que si que ça a à voir, si ! Ça a à voir que vous ne supportez pas l’autorité, sous quelque forme qu’elle se présente. Ça a à voir qu’être dans l’illégalité vous donne l’illusion d’avoir de la personnalité, de ne pas vous en laisser conter.

Elle est descendue. Le ventre. Le tour du nombril. Plus bas.

‒ Sauf que, je vous le dis comme je le pense, c’est un comportement de gamine, ça ! Qui vous expose, c’est logique, à être punie comme une gamine. La preuve !

Lylia S. a fondu en larmes.

‒ Oh, mais je le sais tout ça ! Je le sais… Mais je peux pas m’empêcher…

‒ Alors ça recommencera. Ça recommencera forcément.

Elle a redoublé de sanglots.

‒ Mais je veux pas ! Je veux pas !

‒ Il ne tient qu’à vous.

‒ J’y arriverai pas… J’y arriverai jamais…

‒ Mais si, vous y arriverez. On est là. On va vous aider.

‒ Oh, oui, hein !

‒ Je vais vous prendre personnellement en mains. Promis.

Elle a levé sur maman un regard plein de reconnaissance.

‒ Merci ! Oh, merci ! »

 

Le soir, quand on s’est retrouvées seules dans la chambre, Iourievna a voulu rappeler Ruxandra.

« Qu’on sache s’il y a du nouveau pour la vidéo…

Il y avait pas.

‒ Pas encore. Mais ça devrait pas tarder. Par contre…

‒ Par contre, quoi ?

On savait pour Mary P., la secrétaire ?

‒ Non. Qu’est-ce qu’il y a eu ?

Il y avait eu que les gendarmes ne l’avaient pas ramenée directement chez elle, qu’ils lui avaient fait faire un petit détour par Sainte-Croix où la directrice, furieuse, lui avait passé un sacré savon. Qu’elle était totalement irresponsable. Qu’elle déshonorait l’école. Et que ça n’allait pas en rester là. Ah, non, alors ! Pas question. Plus d’une heure ça a duré. Avec le prof de philo, François F., qu’était là aussi et qu’arrêtait pas d’en rajouter une couche. Et de lui laisser traîner tant et plus les yeux dessus à Mary P., vous le connaissez !

‒ Ah, ben ça !

‒ Et, pour finir, elle lui en a promis une deuxième de fessée, dès qu’il sera fini le confinement, dès que les cours reprendront. Devant tout le monde. Profs et élèves.

Iourievna a jubilé.

‒ Ça donnerait presque envie de voir les cours reprendre tout de suite, ça ! »



Et Iourievna ? On la connait

Je veux ! Elena nous l'a longuement présentée mais si vous êtes passés à côté,  voici le premier épisode de la série : le chapitre 1

Il y a un début à cette série

Le chapitre 1
et l'épisode précédent : chapitre 31 scène 1
Mais si vous voulez lire ce récit d'un autre point de vue : les rebelles chapitre 29

Et la suite ?

François nous la prépare pour la semaine prochaine

N'hésitez pas pour les commentaires

Tout le monde les attend : que pensez-vous de cette série croisant l'imaginaire d'Elena et celui de François ?

2 commentaires:

  1. Bonjour François,
    Dans cet épisode, des receleurs se font prendre la main dans le sac et sont déférés à la gendarmerie. Pour ce qu'ils ont fait, ils vont être sacrément punis, en public, meilleure façon de les humilier et qu'ils rentrent dans le rang.
    Après leur correction, un petit défilé, nus, sous les yeux de leurs voisins pour qu'ils sont bien reconnus et qu'ils portent une étiquettes de délinquant. Ca devrait les calmer pour un bon moment, car ils devront vivre avec leur réputation qui les suivra. Assez lourd à porter, ça...
    Les filles, de leur côté, se rincent l'oeil en visionnant le film pris lors des punitions, ce quoi se satisfaire et se soulager...
    Amitiés.
    Elena.

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    Réponses
    1. Bonjour, Elena. Et bonjour à tous.
      Et ce sont très certainement les "adultes" d'autant que, pour la plupart d'entre eux, ils ont une situation en vue qui seront le plus affectés. C'est constamment qu'on va les renvoyer à ce qui leur est arrivé et ce d'autant plus que les films et photos qui ont été pris de "l'événement" n'ont certainement pas fini de circuler.
      Amicalement.
      François

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