Clotilde m’est tombée dessus, par derrière, à la cafeteria.
– Salut !
J’ai sursauté.
– Tu m’as fait peur.
– Faut croire que t’as pas la conscience bien
tranquille.
– Si, si ! Seulement…
– Faut pas trop se plaindre, allez ! Tu t’es pas si
mal comporté. Ça aurait pu être pire. À part une dizaine de minutes passées sur
ton smartphone pendant le cours de droit administratif et quelques bavardages
avec ta voisine pendant celui de droit civil, je j’ai pas grand-chose à te
reprocher. Il paraît même, d’après ce qu’on m’a rapporté, que tu t’es montré,
durant toute la journée d’hier, particulièrement attentif. Tu y as tout intérêt
d’ailleurs parce qu’au moindre faux pas, tu y auras droit. Une bonne
correction. Ne te fais pas d’illusions là-dessus. J’ai promis à ta mère. Je
tiendrai ma promesse.
Elle est allée se servir un café à la machine, est revenue
s’asseoir.
– D’ailleurs, pour être tout à fait sincère avec toi, le
jour où ça arrivera, et ça arrivera forcément, il y aura une invitée qui se
délectera à coup sûr du spectacle.
J’ai levé sur elle un regard interrogateur.
– Une invitée ? Qui ça ?
– T’as pas une petite idée ?
– Non. Ah, si ! Si ! Peut-être. La fille à qui
t’as demandé…
– De te surveiller. Voilà, oui. Toute peine mérite
salaire, non, tu crois pas ? Et si elle a finalement accepté de me rendre
ce petit service, c’est parce que je lui ai fait miroiter qu’en contrepartie
elle te verrait, à la moindre incartade, recevoir, les fesses à l’air, une
magistrale correction. Et je peux te dire qu’elle attend ça avec une
impatience !
– Oui, mais alors…
– De quoi t’as peur ? Qu’elle aille inventer des
trucs ? Histoire de t’en voir prendre une ? Je crois pas, non. Ça
m’étonnerait d’elle. Encore que… j’en mettrais pas ma main au feu non plus.
Même quand on est persuadé du contraire, on connaît jamais vraiment tout à fait
les gens. Et on est surpris des fois. Si, c’est vrai, hein ! C’est comme
Manu, le type que j’ai rencontré, là. Pour savoir ce qu’il a au juste dans la
tête. Parce que dans la queue, ça, il y a pas photo. Il en demande et il en
redemande. Ce qu’est pas pour me déplaire, loin de là. J’y trouve allègrement
mon compte. Mais après ? Si ça tombe dans quinze jours, il aura complètement
disparu de ma vie. C’est presque toujours comme ça que ça se passe avec les
mecs. Une fois qu’ils ont ru ce qu’ils voulaient. À moins qu’il y ait un truc
qui les retienne. Un truc qui sort de l’ordinaire. Et tu sais ce que je me
dis ? C’est que ce qui serait absolument génial, c’est qu’il soit
complètement accro à la fessée, celui-là. Qu’il adore ça, me voir t’en donner.
Ou mieux encore qu’il aime en flanquer. De préférence aux mecs. C’est possible
après tout, hein, pourquoi pas ? Et alors là ! Mais alors là !
Son portable a sonné.
– C’est lui ! Faut que j’y aille ! Mais oublie
pas ! Il y a quelqu’un qui t’a à l’œil quelque part.
Oui, ben ça, il y avait pas de risque que je l’oublie !
Quand je suis rentré, madame Dubreuil était en grande
conversation, dans la salle de séjour, avec une femme brune d’une cinquantaine
d’années.
– Tiens, ben le voilà justement ! Viens voir là,
Raphaël, s’il te plaît !
Je me suis avancé.
– Je te présente madame Lotti.
Qui m’a souri.
– Alors donc, c’est lui ! C’est ce grand garçon… Et
vous dites que…
– Qu’il faut le punir, oui. Et sévèrement. C’est
indispensable. Il y a pas moyen, sinon, d’en obtenir quoi que ce soit.
– Et vous entendez quoi, au juste, par sévèrement ?
– Il va vous montrer. Ça vaudra bien mieux que de longs
discours. Allons, toi, fais voir à madame Lotti. Allez !
J’ai dégrafé ma ceinture. Sans me retourner : je
n’allais pas me donner ce ridicule. J’ai déboutonné mon pantalon. Je l’ai
laissé tomber sur mes chevilles. Et je me suis arrêté.
– Eh bien, allez ! Qu’est-ce que t’attends ?
Oh là là, mais c’est pas possible, ça ! Elle en a vu d’autres, madame
Lotti, tu sais !
Et elle m’a résolument descendu mon boxer.
Elle en avait peut-être vu d’autres, cette femme, oui, mais
ça ne l’a pas empêchée de me jeter en bas un regard intéressé et quelque peu
insistant.
Madame Dubreuil m’a fait pivoter sur moi-même et l’autre a
émis, entre ses dents, un petit sifflement impressionné.
– Oh, oui, dites donc ! Oui !
Des doigts ont couru sur mes fesses, en ont redessiné les
contours, s’y sont attardés. Des ongles les ont, par endroits, agacés.
– Ça, c’est de la punition, on peut pas à dire. Et il
avait fait quoi, sans indiscrétion, pour mériter une telle correction ?
– Il s’est comporté d’une façon absolument inqualifiable
avec une amie de ma fille. À qui j’ai demandé, du coup, d’exécuter elle-même la
sentence. Que ça porte davantage. Que ça l’atteigne dans sa fierté de petit
mâle.
– Et vous avez eu mille fois raison. La façon dont les
garçons en usent avec les filles aujourd’hui est absolument scandaleuse et si
on n’y met pas rapidement bon ordre…
Madame Dubreuil a soupiré.
– Il y a ça, bien sûr. Mais il y a aussi tout le reste.
– C’est comme le mien. Tout ce qu’il m’en fait voir,
vous avez pas idée !
– Le laissez pas en prendre trop à son aise.
– Ben oui, mais c’est facile pour vous. Vous avez barre
sur lui. À cause de ce que vous m’avez dit qu’il s’est passé cet été. Il a pas
d’autre choix que de vous obéir. Tandis que le mien… Si je le menace d’une
fessée, mais il va me rire au nez, vous le connaissez pas.
– Il y a un moyen.
– Comment ça ?
– Il a bien des copains ? Des copines ?
– Oh, là ! Des quantités !
– Eh bien, vous lui mettez le marché en mains. Ou bien
il accepte de recevoir une fessée quand vous estimez qu’il l’a méritée ou bien,
s’il s’y refuse, vous le menacez d’aller chanter sur tous les toits que vous
lui en avez malgré tout flanqué une. Et une bonne. Et vous l’assurez que vous
ne serez pas avare de détails. Croyez-moi, la perspective d’être la risée de
tous ses copains, et surtout de ses copines, va le rendre extrêmement
conciliant. Il préférera cent mille fois mieux s’en prendre une « en
vrai » que de voir ses copains et copines persuadés qu’il se ramasse des
fessées qu’il n’aura en réalité jamais reçues.
– Et s’il croit que c’est de l’esbroufe de ma
part ? Que je ne le ferai pas ?
– À vous de vous montrer convaincante. Déterminée. Et il
pliera. Au pire, si ce n’est pas le cas, j’interviendrai. Je serai la première
personne à qui vous serez supposée avoir fait ce mensonge. Et vous pouvez être
certaine que je ferai en sorte qu’il n’ait pas la moindre envie qu’il y en ait
d’autres. Non, vous verrez. Je ne donne pas quinze jours avant que vous ne
l’ayez rendu tout à fait docile. Comme l’est mon fils. Ou, comme vous pouvez le
constater par vous-même, l’est son copain Raphaël. Bon, mais allez ! Tu
peux te reculotter, toi ! Et tu nous laisses. On a encore à parler toutes
les deux.
Amélie m’a stoppé dans mon élan.
– Tu vas où ?
On venait de débarrasser la table ensemble.
– Hein ? Tu vas où ?
– Ben, dans ma chambre.
– Ça te dirait pas un petit tour en boîte plutôt ?
– En boîte ? Si ! Oui, mais…
– Ma mère ? C’est pas un souci, ma mère, du moment
que je suis avec toi, elle y voit pas le moindre inconvénient. Alors ? Ça
te dit ou ça te dit pas ?
Si ça me disait !
– Eh ben alors ! Va te préparer ! Vite.
Elle m’a envoyé chercher une bouteille au bar.
A levé son verre.
– À la tienne !
M’a souri.
– T’y as repensé à ce qu’on a dit l’autre jour ?
J’y avais repensé, oui. Bien sûr que j’y avais repensé…
– Moi aussi ! J’en ai même parlé à ma mère. Qu’a
trouvé que c’était pas mal du tout comme idée. Sauf qu’elle, elle pense qu’il
faudrait qu’il se fasse progressivement le transfert d’elle à moi. « Que
tu aies le temps de bien asseoir ton autorité dessus. Et puis c’est quelqu’un
de difficile, Raphaël, qu’il faut recadrer en permanence. Ça nécessite une
attention de tous les instants. Si tu le prends en mains, ce ne pourra être
qu’à temps plein. Pas question de te relâcher, ne fût-ce qu’un seul instant. »
Mais ça, là-dessus, elle n’a rien à craindre. Si je m’occupe de toi, je m’en
occuperai vraiment. Parce que je t’aime bien, moi aussi, même si c’est pas de
la même façon que toi pour moi. Je le crois du moins. Bon, mais allez, tu me
fais danser ?
Sur la piste, elle m’a posé les mains sur les fesses. Et elle
a constaté.
– Même à travers le tissu on sent qu’elles sont chaudes.
Faut dire aussi que ça date encore que d’hier…
Elle a jeté un long regard circulaire sur les couples autour
de nous.
– C’est trop marrant de se dire que personne se doute.
Que personne n’irait imaginer un truc pareil. Non, tu trouves pas ?
D’ailleurs je me demande… Je me demande comment ils réagiraient, les gens,
s’ils savaient dans quel état il est, ton cul, si on leur disait. Pas
toi ? Les deux, là, par exemple. Qui vont pas du tout ensemble d’ailleurs,
soit dit en passant. Hein ? À ton avis ?
– Je sais pas.
– On fait le test ?
Elle a éclaté de rire.
– Oh, ta tête ! Non, mais ta tête !
M’a remmené me rasseoir.
– Tu me ressers à boire ? Ça arrivera, hein,
n’empêche ! Te fais pas d’illusions. Ça arrivera que je le dise à des gens
que je t’ai fessé. Des gens qu’on connaît ou même qu’on connaît pas. Ça fera
partie de ta punition. Dans ton intérêt. Parce que t’auras poussé le bouchon
vraiment trop loin. Ou parce que t’arrêteras pas de recommettre encore et
encore les mêmes erreurs. Ça arrivera, oui. Et il y aura même des fois où ce
sera toi qui devras le dire. Ou le montrer. Pour que ça te vexe bien à fond. Il
y a que comme ça que c’est vraiment efficace, une fessée. Si, c’est vrai,
hein !
Elle a reposé son verre, froncé les sourcils.
– Attends ! Je crois bien qu’il y a quelqu’un que
je connais là-bas. Mais oui ! C’est Hadrien. Bouge pas ! Je reviens.
Elle a foncé droit sur lui. Ils se sont fait la bise, ont
échangé quelques mots et puis il l’a, presque aussitôt, entraînée sur la piste.
Ils ont ri, très complices. Elle s’est pressée contre lui. Elle a mis sa tête
dans son cou. Il lui a caressé les cheveux, le bas du dos. Elle lui a tendu ses
lèvres. Pour un long baiser langoureux.
Ils ont fendu la foule des danseurs et ils ont disparu par
une petite porte à droite.
Elle est revenue. Toute seule et tout sourire. Elle s’est
rassise, étirée.
– Ah, comment ça fait du bien, une bonne baise !
Surtout qu’Hadrien, c’est le genre de mec – et il y en a pas
beaucoup –, rien qu’à le voir, ça te donne tout de suite envie. Et comme,
en plus, il sait s’y prendre. Ah, pour ça, il est toujours très efficace, on
peut pas dire. Il sait faire exactement ce qu’il faut au moment où il faut.
Avec lui Une fille, elle est sûre de prendre son pied.
Elle s’est encore étirée, a bâillé.
– Bon, allez, tu finis ton verre. On y va.
Elle n’a pas démarré tout de suite.
– T’es content de toi ?
J’ai levé les yeux sur elle, interloqué.
– Hein ? Mais…
– Tu te rends compte de ce que t’as fait ?
Hein ? Tu te rends compte ? Non. Apparemment, non. Vu l’air abruti
que tu prends. Bon, alors je vais te rafraîchir la mémoire. C’était dû à quoi,
ton comportement, cet été, avec Philibert quand vous avez cambriolé la villa de
madame Lançon ?
– On avait un peu bu.
– Un peu ? Vous étiez complètement bourrés, oui, tu
veux dire ! Et dans quel état elle t’a trouvé, ma mère, quand elle est
allée te chercher chez ton ancien colocataire ? Hein ? Dans quel
état ? T’étais raide comme un passe-lacets. Et qu’est-ce qu’elle t’avait
dit ? Eh bien, réponds !
– Que je devais plus toucher à l’alcool.
– Plus la moindre goutte, oui ! Et t’as passé la
soirée à picoler. Tu vas quand même pas avoir le culot de prétendre le
contraire. J’étais là. Je t’ai vu.
– Mais c’est toi qui…
– C’est moi qui quoi ? Non, mais alors celle-là,
c’est la meilleure ! Ça va être de ma faute. C’est moi qui te l’ai mis
dans le gosier ? Qui t’ai forcé à avaler ? Tu es assez grand pour
savoir ce que t’as à faire. Pour prendre tes responsabilités. En principe.
Parce que la preuve que non. Faut encore, une fois de plus, être derrière toi.
Bon, mais tu sais ce qui t’attend, je suppose ?
Et elle a démarré en trombe. A parcouru une dizaine de
kilomètres sur les chapeaux de roues. S’est brusquement arrêtée à l’entrée d’un
chemin creux désert.
– Descends ! Descends et déshabille-toi !
Elle a voulu que ce soit dans la lumière des phares.
– Tout ! T’enlèves tout.
Elle m’a regardé faire.
– Là ! Ta ceinture ! Maintenant tu me donnes
ta ceinture.
Et il a fallu que j’aille m’agenouiller dans l’herbe à côté
de la voiture, que je me penche à l’équerre sur le siège passager.
Elle m’a fait courir la ceinture, en longue caresse sinueuse,
tout au long du dos depuis la nuque jusqu’au bas de la raie des fesses.
– Tu frissonnes. T’as froid ?
Dans un grand éclat de rire.
– Une chose est sûre en tout cas. Ça va pas être une
partie de plaisir pour toi. Parce que par-dessus l’autre qu’est encore toute
neuve… Mais bon ! Quand on a mérité, on a mérité, hein !
Il y a eu du silence. Qui a duré un temps qui m’a paru
interminable.
Et puis ça a cinglé. Un coup à toute volée. Qui m’a arraché
un hurlement à fendre l’âme.
– Oh, je t’ai à peine touché…
Une douzaine d’autres. Très rapprochés. Toujours au même
endroit. Latéralement. Sur les deux fesses simultanément. Ça brûlait. Ça
mordait. C’était insupportable. J’ai enfoncé mes ongles, de toutes mes forces,
dans le cuir du siège et j’ai hurlé. J’ai hurlé tout ce que je savais.
Ça s’est arrêté.
– Allez, monte ! On rentre.
Elle a jeté mes vêtements et ma ceinture dans le coffre.
– Pas la peine que tu les remettes. Pour te
redéshabiller aussitôt après…
Elle a rentré la voiture dans la cour.
– Viens !
Dans la cuisine.
– Fais-toi voir ! Maintenant qu’on est en pleine
lumière. Que je contemple mon œuvre. Ah, oui, dis donc, oui ! Mais c’est
que c’est pas mal du tout. Surtout pour une première fois. Je suis fière de
moi. Bon, mais faut fêter ça !
Elle a sorti une bouteille de champagne du frigo, des coupes
du buffet.
– Allez ! Tu la débouches. Et tu nous sers.
Pour les distraits qui auraient loupé ce qui s'est passé précédemment
Tout a commencé comme ça : chapitre 1
Et la semaine dernière, le chapitre 10
Et aussi la suite : chapitre 12
Et tous les autres chapitres sur la page "les auteurs invités"
Et aussi la suite : chapitre 12
Et tous les autres chapitres sur la page "les auteurs invités"
Et la suite ?
Ce sera la semaine prochaine, comme d'habitude.
Les commentaires sont les bienvenus
François Fabien doit-il continuer dans cette direction ? Doit-il écrire un prochain épisode ?
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