– Qu’est-ce vous faites, les
garçons ?
– Rien. Rien de spécial.
Philibert était sur Internet et moi,
je me prenais la tête sur un Sudoku.
– Qu’est-ce tu veux ?
– Causer un peu.
Et elle s’est laissée tomber sur mon
lit. J’ai dû replier les jambes pour lui faire une petite place. Sans lever les
yeux de ma revue.
– Pourquoi tu me fais la
gueule ?
– Je te fais pas la gueule.
– Oh, si, tu me fais la gueule,
si ! Ça fait vingt-quatre heures que tu m’as pratiquement pas adressé la
parole.
– Il y a de quoi, non !
– C’est à cause d’hier ?
Oh, tu parles ! Tu vas pas pas en faire tout un plat non plus. Tu t’en
prendras d’autres, des fessées…
– Me planter, comme ça !
Je te faisais confiance, moi !
– Elle avait trop envie de t’en
voir ramasser une, Floriane ! Depuis le temps qu’elle en parlait. Alors
fallait bien qu’on s’arrange, d’une façon ou d’une autre, pour que tu la
mérites.
– Vu comme ça !
– En tout cas, je peux te dire
qu’elle a sacrément apprécié. Plus que quand c’est son copain Ugo qui la
reçoit, même…
Philibert a levé la tête de son
ordi.
– Ça lui fait une belle jambe à
Raphaël.
Elle a ignoré l’interruption.
– Si, c’est vrai, hein !
Elle adore ça comment tu brailles ! Faut dire que t’y vas de bon cœur
aussi ! La seule chose qu’elle a trouvée dommage, c’est que ma mère t’ait
bloqué les guibolles. Elle aurait bien aimé te voir battre l’air avec. Oh, mais
comme je lui ai dit, il y aura d’autres occasions, hein ! Pour le reste,
oh ben pour le reste, elle est du même avis que tout le monde. Que toutes les autres
filles. Elle a rien d’original, ta queue. D’un banal à pleurer.
Je me suis ostensiblement absorbé
dans ma grille de Sudoku. Intensément
– Oh, mais quoi ?
Qu’est-ce qu’il y a ? Vous êtes chiants à force ! Ben oui, on adore
ça, vous voir rougir le cul, oui. Ça vous fait les pieds. Ça vous rabaisse un
peu le caquet. Parce que, quand on sait comment vous, les mecs, vous vous
comportez avec les filles…
Philibert a haussé les épaules.
– Ça y est ! Voilà la
rengaine.
– C’est pas vrai
peut-être ? Pour des moins que rien vous les prenez. Juste bonnes à se
faire baiser. Et à se faire foutre de leur gueule en prime. Oh, tu peux
rigoler, Philibert, tu peux ! Parce que tu sais ce qu’il lui a fait celui
qu’elle avait avant Ugo, à Floriane ? Martin, il s’appelait. Tu le
sais ? Il lui a foutu la honte en plein bistro. Devant tous ses copains.
Et tous les clients. Qu’en perdaient pas une miette. Qu’au lit, c’était une
vraie planche à repasser. Et que pour bander, avec elle, il y avait pas d’autre
solution que de penser à une autre. Sans compter que ses seins, c’était déjà la
grande dégringolade. À son âge ! Alors qu’est-ce que ce serait à quarante
ans… Et tutti quanti. Tout y est passé. Tout. Et les autres qui se marraient
tout ce qu’ils savaient. Ils en pouvaient plus.
– Et on y est pour quoi, nous,
là-dedans ?
– Vous y êtes que… Vous êtes
des mecs. Et que vous auriez été là, vous auriez réagi pareil. Exactement
pareil.
– Ben, voyons !
– Bien sûr que si ! Et il
y a pas eu que ça. Il y a eu tout le reste. Qu’elle m’a raconté. Comment elle
en a bavé, Floriane ! Alors faut pas vous étonner qu’elle vous garde un
chien de sa chienne et qu’on se délecte de vous voir dans des situations où
vous n’êtes pas du tout à votre avantage. Comme, par exemple, le cul à l’air, à
vous le faire tambouriner.
– Floriane, admettons !
Mais toi ! Personne t’a rien fait à toi.
– Que tu crois !
– Quoi ? Qu’est-ce qu’on
t’a fait ?
– Des trucs !
– Mais quoi ? Dis
quoi !
– Ça vous regarde pas.
Et elle s’est dirigée lentement vers
la porte. D’un pas qu’elle a voulu majestueux.
Philibert a poussé un profond
soupir.
– Elle me gonfle quand elle est
comme ça, mais elle me gonfle !
– T’es pas le seul…
– C’est du flan, je suis sûr,
cette salade de Floriane au bistro avec son ex. Qu’est-ce tu paries qu’elles s’inventent
sans arrêt des tas de mythos où les mecs se comportent comme des
minables ? Histoire de pouvoir se régaler en toute bonne conscience quand
on s’en ramasse une. C’est bien le genre à ça, ma sœur. Elle est tordue d’une
force…
– Ça, j’ai vu.
– Oui. Et sûrement que t’as pas
encore tout vu. T’as intérêt à rester hyper sur tes gardes avec elle. Parce
qu’elle t’en tendra d’autres, des pièges. Elle est machiavélique quand elle
veut. Et je suis bien placé pour le savoir.
Madame Dubreuil m’a appelé. Du bas
de l’escalier.
– Raphaël ! T’es rentré de
la fac ?
J’étais rentré, oui.
– Tu pourrais prévenir. Je veux
que tu me préviennes quand tu rentres. C’est compris ? Bon, mais elle
vient travailler avec toi ce soir, ta copine Clotilde ?
– Je sais pas, mais sûrement,
oui !
– Tant mieux ! Elle
restera dîner avec nous alors ! Que je lui raconte tes dernières frasques.
Ce qu’elle n’a pas manqué de faire.
Dès le tout début du repas.
– Il a échappé à la
surveillance des filles. Ah, il avait bien préparé son coup, allez ! Et
tout ça pour aller rejoindre cette espèce de colombien dont personne ne sait
d’où il sort. Et ce qu’il fabrique au juste. Oh, mais je peux vous dire qu’il a
payé la note. Encore une fessée dont il se souviendra. Mais enfin, ce que je
finis par me demander, moi, c’est jusqu’à quel âge je vais être obligée de le punir
comme un gamin ? Quand est-ce qu’il va enfin se comporter en adulte ?
J’en arrive à désespérer. J’espère qu’à la fac au moins ça se passe bien ?
– À peu près, oui.
– Seulement à peu près ?
– C’est-à-dire que… c’est pas
de la mauvaise volonté de sa part, mais il est toujours un peu dans la lune,
Raphaël. Toujours un peu ailleurs. C’est souvent qu’il décroche pendant les
cours, qu’il part voguer dans ses pensées on ne sait pas trop où.
– Oh, mais il faut pas le
laisser faire, hein ! Il faut le ramener.
– C’est bien ce que je fais.
Dès que je m’en rends compte. Seulement je peux pas être sans arrêt derrière
lui non plus.
– Oh, mais faut que ça lui
passe, ça ! Faut absolument que ça lui passe. Vous avez carte blanche.
Absolue carte blanche. Je compte sur vous, hein !
– Je ferai au mieux.
Au resto U, elle a repoussé son
plateau, croisé les bras sur la table.
– On n’a cours qu’à trois
heures. On a du temps. Alors si t’en profitais pour me raconter ce qui s’est
passé au juste samedi.
– C’est elle, hein, je t’assure !
C’est elle qui m’a proposé d’aller le voir, Sylvain.
– Amélie ?
– Ben oui. Amélie, oui !
Soi-disant qu’elle devait m’attendre au café avec Floriane. Et quand je suis
revenu…
– Il y avait plus personne.
Pourquoi tu lui as pas dit à ta mère ?
– Elle m’aurait pas cru. Elle a
sacrément de l’aplomb, Amélie. Tu peux pas lutter. Et puis elles étaient deux.
– Oui, oh, de toute façon,
t’avais mérité quand même. Elle t’avait formellement interdit de le voir, ce
type. Alors Amélie ou pas Amélie, t’as désobéi.
Elle s’est absorbée un long moment
dans ses pensées.
– Tu me dois une fière
chandelle finalement…
– Comment ça ?
– T’imagines si je lui avais
raconté, hier soir, à ta mère…
– C’est pas ma mère.
– Oui, oh, tu vas pas
recommencer avec ça. C’est comme si. Ça revient au même. T’imagines si je lui
avais raconté que t’as voulu sécher les cours, l’autre jour, pour aller le
voir, ce Sylvain justement et que si je t’avais pas retenu… Sûr que là, tu t’en
prenais aussi sec une autre de fessée. Et carabinée. Devant tout le monde.
Elle m’a pris les yeux dans son
regard.
– Je peux encore le dire si je
veux.
– Tu vas pas faire ça !
– Je sais pas. Peut-être. Faut
que je réfléchisse. Parce que j’ai plein de possibilités en fait. Aller lui
dire, oui, pour qu’elle t’en donne une. Ou bien le faire moi-même. Parce que tu
l’as entendue : elle me donne entièrement carte blanche. Oui, en tête à
tête, rien que nous deux, ça pourrait être pas mal non plus. Surtout que tu
serais obligé de te laisser faire. Parce que je suis bien tranquille qu’elle
n’apprécierait pas, mais alors là pas du tout, d’apprendre que t’as essayé de
me résister. Ou de te défiler. Ça te coûterait cher. Très très cher. Oui, faut
que je voie ça. Faut vraiment que je voie ça. Très sérieusement.
Il était tout brillant, son regard.
Et tout humide. Il était clair que…
– Elle a raison, Amélie.
– Ce qui veut dire ?
– Non, rien.
– Elle a très souvent raison,
Amélie. Nous, les filles, on a très souvent raison. Quasiment toujours. Pour
tout.
Elle s’est levée.
– Tu viens ? On y
va ?
À mon retour de la fac, je suis
monté, comme elle l’avait exigé, signaler à madame Dubreuil, qui était dans sa
chambre, que j’étais bien rentré.
– Fais-toi voir… Tu es tout
pâlichon. T’es pas malade au moins ?
Mais non ! Ça allait.
– Faut que tu prennes un peu
l’air aussi ! Tu passes toutes tes journées enfermé. Va marcher ! Va
faire un tour !
Que j’aille faire un tour ? Oh,
mais je demandais pas mieux, moi ! Au contraire. Me promener par les rues,
à ma guise, le nez au vent, sans personne à mes basques. Le rêve…
Et j’ai filé vers la porte.
– Où tu vas comme ça ?
– Ben…
– Non, mais tu t’imagines tout
de même pas que je vais te lâcher dans la nature comme ça sans
surveillance ? Pour que t’ailles encore m’inventer je ne sais quelle
idiotie ! Non ! Amélie va t’accompagner. Et tâche de ne pas lui jouer
encore un tour à ta façon. Parce que cette fois il t’en cuirait. Il t’en
cuirait vraiment.
On est passés devant la supérette.
Elle a pris à droite au feu, puis à gauche après le garage Ford.
– On va où ?
– Chez ma copine Floriane. Je
lui ai promis. Et il est hors de question que je change mes projets à cause de
toi.
– Oh, mais ça me va très bien.
– Ce dont je me fiche
éperdument.
Quand on est arrivés, il y avait des
éclats de voix en haut. Elle a froncé les sourcils, tendu l’oreille et monté
l’escalier quatre à quatre sans plus se préoccuper de moi. Qui l’ai suivie.
Aussi discrètement que possible. C’était Floriane. Avec la mère d’Ugo. Dont les
yeux lançaient littéralement des éclairs.
– Non, mais alors là, c’est la
meilleure ! Pourquoi t’as fait ça ? Tu peux me dire ?
Hein ? Pourquoi ?
Elle lui a brandi des feuilles sous
le nez.
– Ah, il va être content quand
il va apprendre ça, Ugo ! Il va être content.
– Lui dites pas !
– Je comprends pas. Non, j’arrive
pas à comprendre à quoi ça peut bien t’avancer d’avoir falsifié ces documents.
À croire que tu l’as fait exprès pour que ça lui retombe dessus, ma
parole ! Ce qui serait forcément arrivé si j’avais pas eu la bonne idée
d’aller fourrer mon nez là-dedans. Ah, non ! S’il y a quelqu’un qui la
mérite, la fessée, cette fois-ci, c’est toi. Et personne d’autre. Ah, ben
si ! Si ! Et je vais te la donner. Une bonne fessée. Dont tu te
souviendras longtemps. À moins que tu ne préfères qu’on s’explique tous les
trois, tout à l’heure, quand mon fils sera rentré ? Et alors là, je suis
bien curieuse de savoir comment tu vas pouvoir justifier tout ça. Apparemment
tu n’y tiens pas ? Évidemment, oui. Et pour cause. Alors tu n’as plus qu’à
bien gentiment te déculotter.
Floriane a soupiré, failli dire
quelque chose, a renoncé. Et elle est restée là, les bras ballants, les yeux
dans le vide.
Sa belle-mère s’est agacée.
– Tu me fais perdre mon temps.
J’ai horreur de ça. Et tu sais ce qui arrive à Ugo quand il renâcle à se prêter
de bonne grâce à une fessée qu’il a méritée ?
Elle savait, oui. Elle devait
savoir. Parce que sa réaction a été immédiate. Elle a déboutonné son jean et
elle en a résolument descendu la fermeture Éclair.
Amélie m’a ordonné.
– Toi, tu descends. Tu vas
m’attendre en bas.
D’un ton qui ne souffrait pas la
moindre réplique.
J’ai fait mine d’obéir, mais je me
suis arrêté sur le pas de la porte, la main sur la poignée. Voir. Au moins un
peu. Juste un peu.
Floriane nous a tourné le dos et est
sortie de son jean, une jambe après l’autre. Le string, un string à petites
fleurs mauves et vertes a glissé le long des hanches. J’ai retenu mon souffle.
Pourvu qu’Amélie ne s’aperçoive pas de ma présence. Pourvu ! Mais non,
elle ne semblait pas me prêter la moindre attention. Juste le temps de me
concentrer, un court instant, le cœur battant, sur les fesses de Floriane,
d’adorables petites fesses pommelées à souhait et sa belle-mère l’a fait
basculer sur son genou tendu en avant. Elle l’a solidement maintenue, le bras
droit passé autour de son torse et, de la main gauche, elle lui a aussitôt énergiquement
claqué le derrière. C’est tombé. En pluie. En grêle. En avalanche. À plein
régime, d’emblée. Et à pleines fesses. Ça y laissait la marque de ses doigts
incrustées en rosé sur tout le pourtour. Au milieu, au contraire, c’était rouge
ardent. Flamboyant. De plus en plus flamboyant. Floriane ponctuait chaque
claquée d’un petit grognement de fond de gorge et d’un tressautement de la
jambe gauche dont elle martelait le sol. La fessée a encore gagné en intensité.
Les grognements se sont faits plaintes, puis résolument cris. Cris déchirants.
La jambe s’est levée plus haut, de plus en plus haut, laissant à découvert, à
plusieurs reprises, de délicats petits replis nacrés que j’ai dévorés des yeux
avec ravissement.
Ça s’est brusquement arrêté et… et
Amélie s’est retournée.
– Qu’est-ce tu fous là,
toi ? Je te l’avais interdit. Et il bande en plus ! Non, mais alors
là, c’est la meilleure ! Dégage ! Fous-moi le camp !
Elle était furieuse. Je n’ai pas
demandé mon reste. J’ai dévalé l’escalier et je l’ai attendue en bas près du
petit portillon. Cinq minutes à peine et elle m’y a rejoint.
– Tiens ! Tu les auras pas
volées, celles-là !
Deux gifles. Lancées à pleine
puissance.
– Et ne te tiens pas quitte
pour autant. Tu vas me le payer. Alors là, je peux te dire que tu vas me le
payer.
Pour les distraits qui auraient loupé le début
Tout a commencé comme ça : chapitre 1
Et la semaine dernière, le chapitre 8
Et tous les autres chapitres sur la page "les auteurs invités"
Et tous les autres chapitres sur la page "les auteurs invités"
Et la suite ?
Ce sera le chapitre 10
Les commentaires sont les bienvenus
François Fabien doit-il continuer dans cette direction ? Doit-il écrire un prochain épisode ?
Bonjour,
RépondreSupprimerOn s'immerge vite dans un récit abondamment nourri de dialogues, que l'utilisation du franc parlé rend très vivant. Les conversations sont naturelles comme les fessées qui jalonnent ce petit univers criant de vérité.
Mais il n'y a pas que la vérité de criante, les punis aussi poussent la chansonnette sous les vigoureuses claquées. Belle maman sait y faire pour mâter les vilaines falsificatrices... ça laisse de belles cicatrices sur le derrière.
Amusant de voir comment la punie, bien dressée, se déculotte elle même pour aller chercher sa fessée...
Cordialement
Ramina
Bonjour François,
RépondreSupprimerVoilà un texte pleins de rebondissements. La falsification de documents est en effet un motif de sévérité pour la fessée. Les filles aussi peuvent être responsables de bêtises, pour ne pas dire de fautes lourdes. Mais je pense qu'elles vont se venger pour avoir été vues en fâcheuse posture. Mais je pense que c'est un juste retour des choses, après qu'elles aient été les spectatrices des tannées des garçons...
Amitiés.
Elena.