jeudi 30 juillet 2020

Le journal d'Olga - chapitre 24

« Tu me manques, Théo ! Si tu savais comme tu me manques…
‒ Toi aussi, tu me manques.
Il était parti passer les fêtes de fin d’année avec ses parents dans la famille de sa mère, en Touraine.
Alors on s’appelait tous les jours. Plusieurs fois par jour. Le soir, quand tout le monde dormait, on reparlait de la fessée de Yohan et de Fabien. Et de ce qui s’était passé après, dans les sanitaires des filles. Il voulait toujours plus de détails. Qui il y avait au juste. Ce qu’avait fait celle-ci. Ce qu’avait dit celle-là. Qui c’est qu’avait joui la première. Et s’il y en avait qu’avaient carrément baissé leur culotte pour être plus à l’aise.
‒ Mais je sais pas, Théo ! J’ai pas fait attention à tout. J’étais dans mon truc à moi.
Et ça finissait toujours qu’à force d’en parler, on se donnait du plaisir en continuant à se raconter des choses et, des fois, en se disant tout un tas de mots cochons. C’était bien, oui. C’était mieux que rien. Mais c’était quand même pas pareil. Parce que j’avais pas ses yeux. Parce que j’avais pas ses lèvres. La chaleur de sa peau.
‒ Et que je te sens pas te déverser en moi. »

Elena était en Russie. Chez son oncle et sa tante de Kaluga. En compagnie de sa cousine Yulia et de son cousin Milan. Avec elle aussi je passais des heures et des heures au téléphone. Pour l’entendre me parler de là-bas.
« Quand je pense qu’on n’a pas pu y aller, nous, cette année ! »
À cause du travail de papa. Qui n’avait pas réussi à se libérer.
Alors elle me racontait. Pour que j’aie quand même un petit goût de Russie. Elle me racontait la fête du sapin roi. Les après-midi passées au banya. Avec les traditionnelles cinglées aux branches de bouleau. Les roulades toutes nues dans la neige. Les chaleureuses soirées entre amies. Les barbecues arrosés aux limites du raisonnable. Les spectacles en plein air. Ça n’en finissait pas. Je l’écoutais avec ravissement, mais avec, en même temps une pointe de jalousie. Tout ce que je manquais !

Iourievna, elle, au contraire, était ravie qu’on ne soit pas parties. À cause de Mbe. Elle avait enfin eu ce qu’elle voulait.
« Et puis alors bien ! Bien ! Génial ! Il assure, ce mec ! Je vais pas entrer dans les détails, mais j’ai eu le nez fin. C’est un sacré bon coup.
Elle passait le plus clair de ses journées avec lui. D’autant qu’il était très disponible : Clorinde C. avait fermé la blanchisserie pour toute la durée des fêtes de fin d’année. Alors ils en profitaient.
‒ Et je peux te dire qu’on passe pas notre temps à enfiler des perles. Non. Il se contente de s’occuper de la mienne, de perle. Et c’est tout ce que je lui demande.
Elle allait malgré tout poser chaque jour une heure chez Mylène…
‒ Ben oui, faut bien que je lui laisse le temps de recharger un peu les batteries, le pauvre !
Mylène qu’elle soupçonnait de multiplier les séances bien au-delà de ce qui était nécessaire.
‒ Je me demande s’il sera fini un jour, ce dessin… Elle trouve toujours quelque chose à reprendre. Mais bon ! Je suis pas tombée de la dernière pluie non plus. Le but de l’opération, c’est de me voir tant et plus à poil. Alors qu’elle se fasse plaisir ! Moi, ça me dérange pas. Et même, comme je te disais l’autre jour, ce serait plutôt agréable. Un regard de femme chargé de désir, ça a aussi son charme. Tu devrais essayer, tiens, d’ailleurs, tu me dirais ce que t’en penses.
‒ Oui, oh…
‒ En tout cas, elle, ça la tente bien, on peut pas dire, de te tirer le portrait. Sans arrêt elle revient là-dessus. « Faudrait aussi que je fasse ta sœur. Parce que vous êtes quasi-copies conformes toutes les deux, oui, bien sûr, mais il y a quand même des différences. Souvent infimes, mais il y a des différences. Et comment ça me brancherait de travailler dessus. »
‒ C’est un prétexte, non ?
‒ Peut-être. Et puis peut-être pas. Bon, mais à toi de voir, hein ! Moi, j’ai fait la commission. Maintenant je m’en lave les mains. »

Au téléphone, Elena était volubile, tout excitée.
« Qu’est-ce t’as ?
‒ Rien. Enfin, si ! On est en train d’organiser une petite fête là, avec tout un tas de copains de Milan et de Yulia. Elle nous l’a interdit, ma tante. Parce que la dernière fois, ça s’était mal terminé. Il y en avait qu’étaient complètement bourrés. Mais on va le faire quand même. Elle a trop envie de présenter Sergey, son nouveau copain, à tout le monde. Ils le sauront pas n’importe comment. Ils partent je sais pas trop où. Hein ? Quoi ? Oui, j’arrive. On se rappelle, Olga. On a besoin de moi, là. Ça presse. On se rappelle. Bisous. »
Et elle a raccroché.

Nayah voulait me voir.
‒ C’est à cause de ta sœur. Elle en est amoureuse de Mbe ?
Hou là ! Terrain glissant, là. Très glissant.
Je n’en avais pas la moindre idée.
‒ Non, parce qu’Evenye, elle, si ! Et elle arrête pas de pleurer. Alors si ta sœur, elle y tient pas vraiment, si c’est juste pour s’amuser comme ça, il y en a des tas d’autres des types qui ne demanderaient pas mieux…
Je savais bien, oui. Seulement ma sœur, c’était ma sœur.
‒ Et elle me fait pas forcément ses confidences.
‒ Tu pourras quand même lui en toucher un mot ? S’il te plaît… C’est important pour Evenye. Très… »

Iourievna était en grande contemplation devant son dessin.
« Ça y est ! Il est enfin fini.
Elle a pris un peu de recul.
‒ Je suis quand même pas mal foutue, hein, avoue ! On est quand même pas mal foutues, toutes les deux. Je voudrais pas avoir l’air d’insister, mais tu devrais te le faire faire aussi. Parce qu’imagine qu’elle devienne célèbre, Mylène. Ce qu’est pas impossible, douée comme elle l’est. On aurait une vraie petite fortune entre les mains.
‒ J’ai vu Nayah.
‒ Ah, oui ! Et alors ? Elle va bien ?
‒ Elle m’a parlé de Mbe.
Elle a froncé les sourcils.
‒ Qu’est-ce qu’elle t’a dit ?
Je lui ai rapporté notre conversation et elle m’a écoutée avec la plus extrême attention.
‒ C’est tout ?
C’était tout, oui.
‒ Il couche avec ?
Ça, j’en savais rien du tout.
‒ Et t’as pas demandé ? Mais c’était la première chose à faire, Olga, enfin ! Oh, mais je le saurai. Je vais le savoir. Et alors là, s’il couche avec, il a pas fait le plus dur.
‒ Tu tiens à lui ?
‒ Qu’est-ce que j’en sais si je tiens à lui ? C’est pas ça la question. Il a pas à aller voir ailleurs quand je suis avec lui, un point c’est tout. Oh, mais j’y vais. Je veux tirer ça au clair. »
Et elle a dévalé l’escalier.

Elena avait une drôle de voix au téléphone.
« Ça va pas ?
‒ Si ! À peu près. Je suis rentrée.
‒ Déjà !
‒ Oui. On peut se voir ?
Bien sûr qu’on pouvait. Bien sûr !
Et je me suis précipitée chez elle.
‒ Alors ? Ces vacances ? Cette fête ?
Elle a levé les yeux au ciel.
‒ M’en parle pas !
‒ Ça s’est mal passé ?
Elle a voulu changer de position. A étouffé un gémissement.
‒ C’est pas que ça s’est mal passé en soi. C’est que ses parents ont débarqué.
‒ Aïe !
‒ Comme tu dis, oui. On leur avait pourtant dit aux gars de pas mettre la musique si fort. D’autant qu’on avait beau fermer la fenêtre, ils arrêtaient pas de la rouvrir sous prétexte qu’il faisait trop chaud. Si bien qu’il y a un voisin qu’a fini par appeler tante Darya. Et elle évidemment, elle s’est doutée qu’on avait désobéi. Et c’est vraiment pas le genre de choses qu’elle est prête à laisser passer. Alors elle a sauté dans la voiture avec tonton et elle a rappliqué.
‒ Ça a dû jeter un sacré froid !
‒ Tu parles si ça a jeté un froid. T’aurais entendu ce silence ! On s’est pris une baffe chacune pour commencer. Et une de ces soufflées ! Qu’on était des petites morveuses qui se croyaient tout permis. Qu’elle allait nous coûter cher, notre désobéissance. Parce qu’on allait goûter de la podrouga puisqu’on voulait pas comprendre.
‒ La podrouga !
‒ La podrouga, oui ! T’imagines… On en croyait pas nos oreilles. Elle allait pas faire ça ! Eh ben si ! Si ! On a eu beau demander pardon à genoux, supplier, jurer qu’on ne recommencerait plus, plus jamais, elle s’est montrée inflexible : on avait besoin d’une bonne leçon. En voyant comment c’était en train de tourner, les invités ont commencé à vouloir partir. Mais elle les a retenus. « Restez ! Restez ! Pour elles, la leçon n’en sera que plus profitable. Et elle nous a ordonné de nous déshabiller. »
‒ Devant tout le monde ?
‒ Ben oui ! Devant tout le monde, oui ! On était horrifiées. On n’a pas voulu. Yulia surtout, parce que son petit copain était là et que devant lui… Mais oncle Gennadi s’est énervé. Que ça commençait à bien faire, cette petite comédie et que, si on continuait à vouloir faire nos intéressantes comme ça, c’est lui qui allait prendre les choses en mains et on allait voir ce qu’on allait voir. Du coup, moi, j’ai commencé à retirer mes vêtements parce que c’était clair qu’il était vraiment très en colère. Et ma cousine aussi, quand elle a vu que je le faisais. Il y avait plus personne qui bougeait. Il y avait plus personne qui parlait. Et on se doutait bien que les garçons, ils en perdaient pas une miette. C’est pour ça que, quand on a été en sous-vêtements, on s’est arrêtées. En se disant que sûrement ça allait suffire. Mais quand tante Darya est revenue avec la podrouga, elle s’est agacée. « Vous êtes pas encore déshabillées ? Qu’est-ce que vous attendez ? » On s’est regardées. Et puis Yulia a jeté un coup d’œil dans la direction de Sergey et elle a dit à sa mère que pour une fessée on était bien assez déshabillées comme ça. Qu’elle pouvait faire avec. Ce qui a eu le don de faire sortir tante Darya de ses gonds. « Tu me parles sur un autre ton, s’il te plaît ! Et quand je dis toutes nues, c’est toute nues. Et vous avez intérêt à vous dépêcher parce que c’est à coups de fouet que je vais vous y faire mettre, moi, toutes nues, vous allez voir ! » C’était pas le moment de discuter. Alors j’ai tout enlevé. Culotte et soutien-gorge. En rougissant. Comment j’étais mal ! Et je me suis cachée. Du mieux que j’ai pu. Avec mes bras. Avec mes mains. Ce qui en a fait rigoler deux tout fort, des garçons. D’autres aussi, mais plus discrètement.
‒ Ils étaient nombreux ? Ils étaient combien ?
‒ Une trentaine. De garçons et de filles. Quelque chose comme ça.
‒ Ah, quand même ! Devant tout ce monde comment t’as dû avoir honte !
‒ Surtout qu’après on a eu droit à une de ces corrections ! D’abord, elle a obligé Yulia, qui voulait toujours pas, à retirer sa culotte. À grands coups sur les cuisses. Et puis après il a exigé qu’on lui présente nos derrières. Et alors là, mais alors là ! Je te dis même pas comment ça fait mal, la podrouga. J’ai crié, j’ai sauté, j’ai hurlé, je me suis tournée, mais ça l’a pas arrêtée. Elle a continué. Elle m’a tapé devant. Sur les seins. Sur le ventre. Sur les cuisses. Je me suis encore tournée. Et encore. Et encore. Une vraie toupie. Qu’elle continuait à cingler. N’importe où. Comme ça se trouvait. J’ai fini par m’écrouler par terre, toute recroquevillée. Je l’ai entendue dire que c’était fini. Comme dans un brouillard. J’ai entendu les invités partir. Ça a parlé fort dehors. Ça a ri. Il y en a qui a crié qu’il regrettait pas d’être venu. « Ah, non, alors ! Un spectacle comme ça, c’est pas tous les jours » Il y a une fille qui a gloussé. Une autre. Il y a eu le bruit des moteurs. Des voitures qui s’éloignaient. Je me suis efforcée de me relever. Tant bien que mal. Et puis il y a eu la voix de mon cousin Milan. Qui venait de rentrer d’une soirée de son côté avec des copains. « Oh, mais c’est qu’on dirait que j’ai raté quelque chose. Apparemment on s’est bien amusé ici. » Il s’est approché, s’est penché sur moi. « Oh, mais c’est que je te découvre sous un jour complètement nouveau, ma cousine. Et pas désagréable du tout. J’ai encore essayé de me relever. Une fois. Deux fois. Mais j’avais plus de forces. Je retombais à chaque fois. Et lui, évidemment, il m’aidait pas. Bien trop content de pouvoir en profiter. Et de commenter. « Je t’imaginais bien un peu comme ça, mais les seins moins mafflus quand même. Si, c’est vrai, ils se posent un peu trop là. Non, franchement, je préfère ceux de ma sœur. Nettement. Bon, mais question de goût, hein ! Par contre, foufoune est pas mal. Surtout bien dégagée comme ça. Pour les fesses, tourne-toi, s’il te plaît, que je les voie ! Que je puisse te dire. Allez, quoi ! Un bon mouvement ! » Sans se préoccuper de lui et de ce qu’il pouvait raconter, tante Darya est venue m’aider à me remettre sur mes jambes. Il a continué « Ah, ben voilà ! Voilà ! Tu sais qu’elles sont pas mal du tout ? J’aime bien. Surtout avec toutes ces zébrures, là, dans tous les sens. Ça leur donne un charme fou. Je me suis dirigée, tant bien que mal, vers mes vêtements, ai maladroitement entrepris de renfiler ma robe. Tante Darya me l’a arrachée des mains. « Qu’est-ce tu fais ? C’est une très mauvaise idée. Parce que le contact du tissu par là-dessus, tu vas comprendre ta douleur. Et de toute façon vous allez rester toutes nues, toutes les deux, pendant vingt-quatre heures. Que ça rentre bien ! » Milan a suggéré. « Ou quarante-huit. Ce serait encore mieux quarante-huit. » Elle a fait celle qui n’avait pas entendu. Elle s’est éloignée. Lui, il est venu se planter devant nous, s’est passé voluptueusement la langue sur les lèvres. « Je vais me régaler. »
‒ C’est bien les garçons, ça !
‒ Oui, oh, on est bien pareilles, nous ! Quand c’est eux qui y attrapent, on boude pas notre plaisir. C’est de bonne guerre.


Et Iourievna ? On la connait

Je veux ! Elena nous l'a longuement présentée mais si vous êtes passés à côté,  voici le premier épisode de la série : le chapitre 1

Il y a un début à cette série

Le chapitre 1
et l'épisode précédent : chapitre 23 acte 3
Mais si vous voulez lire ce récit d'un autre point de vue : les rebelles chapitre 24

Et la suite ?

François nous a écrit le chapitre 25

N'hésitez pas pour les commentaires

Tout le monde les attend : que pensez-vous de cette série croisant l'imaginaire d'Elena et celui de François ?

3 commentaires:

  1. Bonjour François,
    Dans cet épisode typiquement russe, la podrouga est un fouet assez court, initialement fait pour dresser les cheveux. Dans certaines familles et dans certaines régions de Russie, il est utilisé pour "dresser" les jeunes rebelles, même encore de nos jours. Quelques séances avec cet instrument de discipline et le jeune comprend vite qu'il n'est pas en accord avec les règles énoncées.
    Elena ne peut s'empêcher de commenter à ses meilleures amies russophones ses aventures dans sa famille, lors de son voyage.
    Le petit flash back avec les employés de la blanchisserie vient mettre une touche d'érotisme sur le tout.
    Amitiés.
    Elena.

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    Réponses
    1. Bonjour Elena. Et bonjour à tous.

      Parfois nos appareils nous font dire autre chose que ce que l'on voudrait. C'est pourquoi je me permets de rectifier un peu votre message ci-dessus. Ce ne sont pas les cheveux, mais les chevaux que la podrouga servait à dresser. Encore que l'image de cheveux dressés (sur la tête à la podrouga puisse être savoureuse. Cela étant, il est certain que cet instrument doit être particulièrement douloureux et qu'on ne doit pas avoir envie de revenir y goûter lorsqu'on en a tâté.
      Cela étant, j'ai bien aimé m'insinuer dans cette séquence au parfum délibérément russe.
      Amicalement.
      François

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    2. Aps, Oups ! Les chevaux, bien évidemment. Ou avais-je la tête... Sous mes cheveux, naturellement !
      Merci du rectificatif, François.
      Amitiés.
      Elena.

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