Une heure. Plus d’une heure que j’essayais désespérément de l’appeler, Théo.
« Mais
qu’est-ce qu’il fout ? Qu’est-ce qu’il fout ? Faut pas six mois pour
recevoir une fessée quand même !
Iourievna
a suggéré.
‒ Il
est peut-être en train de baiser Léa…
‒ Ah, c’est malin !
‒ Mais
non, oh, je rigole.
Elle
s’était lancée, sans perdre de temps, dans la rédaction du compte-rendu de la
punition que j’avais reçue de la main de maman.
‒ Faut
battre le fer tant qu’il est chaud.
Sollicitait
constamment mon avis.
‒ Tu
crois qu’il faut que je raconte en détail comment tu te trémoussais et que tu
pleurnichais ?
Je
jouais les indifférentes.
‒ Tu
fais bien ce que tu veux. C’est toi que ça regarde.
‒ Je
sais pas. C’est comme Théo. J’en parle là ou pas ? Parce que, vu que maman
lui en a flanqué une ici en même temps qu’à toi et que j’y ai assisté,
normalement je devrais faire un truc à part pour son dossier à lui. Sauf que
Léa me l’a pas demandé. Elle a dû oublier. Faudra que je lui pose la question.
Quoique… c’est pas forcément un bon plan. J’ai pas trop intérêt à attirer
l’attention sur moi en ce moment. Parce que la fessée que j’ai reçue à cause du
dessin de Mylène, elle y a pas fait la moindre allusion. Apparemment qu’elle
était pas au courant. C’est que maman a pas dû la signaler au secrétariat, que
ça lui est sorti de la tête et que, du coup, je vais sûrement passer à travers
les mailles du filet.
La
porte s’est ouverte.
‒ Ne
rêve pas, ma chérie ! Ton tour viendra. Chaque chose en son temps. »
Je
n’ai pas réussi à m’endormir. Aucune nouvelle de Théo. Je tombais
systématiquement sur son répondeur. J’étais morte d’inquiétude. Il se passait
quoi, là, au juste ?
Il
était plus de minuit quand enfin… Mais ce n’était pas son numéro.
« C’est
moi quand même. Je t’appelle avec le portable de ma mère. Le mien, elle en a
retiré la puce. Que je puisse pas te contacter. « Vous seriez bien
capables de nous mijoter encore un petit coup en douce ». Mais comme
maintenant elle dort et que le sien traînait sur la table du salon… Suffira
juste que j’efface les traces et le tour sera joué.
‒ Et
alors, Théo ? Alors ?
‒ Oh,
ben, tu te doutes bien, j’y ai eu droit. Et puis tu sais pas ce qu’elle est
allée imaginer ? Elle a voulu que ce soit Léa qui me la donne.
‒ Léa !
‒ Léa,
oui. Soi-disant que, comme c’est ma déléguée de classe, ça porterait bien
davantage ses fruits.
‒ Et
elle a accepté, elle ?
‒ C’était
à moi de la prendre, la décision. « Ou c’est elle qui te punit et le tarif
sera de quarante. Ou c’est moi et il sera de quatre-vingts. À toi de
choisir. » Il y avait pas à hésiter.
‒ C’est
à la main qu’elle te l’a fait ?
‒ Non.
Non. Au martinet. Pas trop fort au début, ce qui a agacé ma mère au plus haut
point. « Tu le caresses, là. Tu le caresses. Dix coups de
plus ! » Et même qu’elle se soit alors mise à cingler nettement plus
corsé, ça lui a pas été quand même. « Encore dix coups de
plus ! » Si bien qu’elle a fini par y aller à fond, Léa. Pour qu’il
continue pas à s’en rajouter, des coups. Je te dis même pas comment j’ai dégusté.
‒ Mon
pauvre !
‒ Mais
je lui en veux pas. Parce que, si elle l’avait pas fait, c’est ma mère
qu’aurait pris elle-même les choses en mains. Et j’aurais vraiment pas gagné au
change.
On
n’a pas trop prolongé notre conversation.
‒ Parce
que si elle se réveille et qu’elle me tombe dessus…
‒ Oui,
oui. Prends pas de risques, Théo. Surtout prends pas de risques. Bonne nuit. Je
t’aime…
Et
on a raccroché.
Iourievna
ne dormait pas.
‒ Tu
me racontes ?
‒ Il
y a rien à raconter.
‒ C’est
Léa qui l’a corrigé. C’est ça, hein ?
Je
l’ai admis. À contre-cœur.
‒ Comment
elle a dû prendre son pied ! Parce que la connaissant… Et lui aussi, si ça
tombe, que ce soit elle qui lui fasse, il a aimé.
‒ N’importe
quoi !
‒ Peut-être
même qu’il a bandé, va savoir ! Oui, sûrement ! Et, au bout du
compte, ça lui aurait fait couler son machin que ça m’étonnerait même pas.
‒ T’as
pas d’autres idioties à dire ?
‒ Mais
ça, c’est le genre de choses qu’il va pas aller te raconter, tu parles !
Pas fou.
‒ Tu
me saoules, Iourievna, tu me saoules vraiment.
‒ En
attendant que, dans la foulée, sûrement qu’elle a pris tout un tas de photos
pour le dossier qu’il va falloir qu’elle constitue sur lui. Toutes fraîches. On
peut pas faire plus frais. Peut-être même qu’elle te les montrera, qui
sait ? »
Je
n’ai pas répondu. Il y avait que ça à faire.
Le
lendemain, Ruxandra nous a appelées. C’est souvent qu’on se téléphone les unes
aux autres avec ce confinement. C’est le seul moyen qu’on ait de se prendre un
peu un bol d’air. Et de savoir ce qui se passe à droite et à gauche. Ruxandra,
c’est une fille de notre classe qui n’a pas sa langue dans sa poche, qui
n’hésite pas à dire les choses telles qu’elles sont et qui adore quand il y a
des fessées à Sainte-Croix. Surtout quand ce sont des filles qui y attrapent.
« Les
garçons, c’est pas mal non plus, non, on peut pas dire. Ça permet de les voir
d’un autre œil. Mais avec les filles moi, je peux m’imaginer que je suis à leur
place sans que ce soit vraiment le cas. J’ai la fessée sans l’avoir. Sans avoir
mal. Vous pigez ?
Très
bien, oui. C’était on ne peut plus clair.
Et
là, elle avait un scoop.
‒ Je
vous le donne en mille.
‒ Comment
veux-tu qu’on sache ? Vas-y ! Raconte !
‒ Oh,
ben, il y a des gendarmes stagiaires, quatre filles, des jeunes, qui sont
venues en renfort dans la région. Et qu’en ont pris tranquillement à leur aise.
‒ Comment
ça ?
‒ Ceux
qu’étaient pas en règle, qu’avaient pas leur dérogation, au lieu de leur coller
l’amende de 135 euros, elles leur demandaient une petite pièce. Et quand je dis
petite… Pour solde de tout compte. Ce qui leur a permis de se constituer un
joli petit pactole avec lequel elles s’offraient de joyeuses soirées bien
arrosées.
Seulement
ce qui devait arriver était arrivé. Le pot-aux-roses avait été découvert. Gros
scandale. Et tout de suite, en haut lieu, on s’était efforcé d’étouffer
l’affaire : pas question de ternir l’image de la gendarmerie. Il avait été
bien évidemment question de les licencier sur-le-champ, mais, suite à un
certain nombre d’interventions sur la nature desquelles il valait mieux éviter
de s’interroger, il avait finalement été décidé de leur accorder une seconde
chance. Mais, par contre, elles seraient punies. Elles l’avaient amplement
mérité.
‒ Vous
imaginez ? Devant toute la caserne au garde-à-vous on leur a annoncé ça.
Qu’elles seraient fessées à la palette, le cul à l’air, le vendredi d’après.
Comment elles devaient être dans leurs petits souliers ! Moi, je l’aurais
été, ce qu’il y a de sûr. Surtout avec tout le temps que ça faisait à attendre
jusque-là. Et à appréhender. Sans compter qu’en plus les gendarmes hommes, à ce
qu’il m’a dit mon cousin qu’est adjudant là-bas, ils se privaient pas de
rigoler chaque fois qu’ils les croisaient dans les couloirs et de leur répéter
encore et encore, en se moquant, qu’ils allaient bien apprécier de les voir se
tortiller à poil sous les claquées. Elles, elles baissaient la tête, elles
rougissaient sans répondre tout honteuses, et elles s’éclipsaient, le plus vite
possible, en rasant les murs. Ça, eux, ils adoraient. Et puis le grand jour est
arrivé… Ça vous dirait ?
‒ Quoi
donc ?
‒ De
voir comment ça s’est passé.
‒ On
pourrait ?
‒ Oh,
ben oui, oui. C’est mon cousin qu’a été chargé de filmer. C’est obligatoire,
ça, maintenant pour les archives, à la préfecture. Il a pas le droit,
évidemment, d’en faire des copies, mais bon, comme il m’a dit :
« Avec toi, je suis tranquille. Je sais que t’en parleras pas. À
personne. » Alors ? Ça vous dit ?
Iourievna
s’est précipitée sur l’occasion.
‒ T’as
de ces questions, toi !
‒ Bon,
ben allez ! Je vous envoie ça ! »
Trois
minutes. À peine trois minutes et elle avait tenu sa promesse.
Ça
a commencé par une voix d’homme, une voix manifestement habituée à être
obéie : « Et vous regardez droit devant vous ! » Droit
devant elles, c’étaient leurs collègues qui arboraient des sourires ironiques
et qui se régalaient manifestement du spectacle qui leur était offert. Qui se
repaissaient de leurs corps. Qui plongeaient avec délectation leurs yeux dans
les leurs. Le cousin de Ruxandra a longuement balayé l’assistance, une
quarantaine de gendarmes, hommes et femmes, et puis il s’est lentement tourné
vers les quatre coupables. Il s’est d’abord concentré sur leurs visages,
capturés l’un après l’autre, en gros plan. Il s’y lisait de l’appréhension, de
la peur, du désarroi, de la honte, mais aussi, pour deux d’entre elles, une
certaine forme de résignation. L’une des filles était au bord des larmes. Une
autre avait les lèvres et le menton qui tremblaient. Il s’est ensuite emparé de
leurs seins que les tee-shirts uniformément blancs, tout légers, qu’elles
avaient revêtus ne cachaient pas vraiment. Bien au contraire : ils les
moulaient au plus près et les révélaient par transparence.
Iourievna
a supposé.
« Sûrement
que c’est ce qu’on les a obligées à mettre.
La
première, tout au bout de la rangée, avait une poitrine toute menue qui offrait
un contraste saisissant avec celle, généreuse et opulente, de sa plus proche
voisine.
‒ Eh
ben dis donc moi, j’en aurais une plantureuse comme ça, ça me complexerait
plutôt qu’autre chose.
Les
deux dernières, il les a escamotées. Juste le temps d’apercevoir d’une part
deux aréoles brunes qui s’étendaient au large sur des seins qu’on devinait en
poire, de l’autre deux pointes roses orgueilleusement dressées et il est
descendu.
‒ Ben
tiens, ça le pressait trop d’aller les reluquer en bas.
Il
s’est longuement et complaisamment attardé sur leurs encoches toutes lisses. Il
sautait de l’une à l’autre, revenait en arrière, repartait, recommençait.
‒ Il
prend son pied.
Un
ordre a soudain claqué.
‒ Tournez-vous !
Elles
ont obéi.
Une
voix d’homme, tout à côté du cousin de Ruxandra, a constaté.
‒ Mignons
comme tout, ces petits croupions, il y a pas à dire.
Deux
femmes gendarmes se sont avancées. Elles leur ont lié les mains aux poteaux. À
tour de rôle. En prenant tout leur temps. Et puis elles ont brandi les palettes
de correction.
‒ Par
qui on commence ? Par toi ?
Celle
aux petits seins, tout au bout de la rangée.
‒ Hein ?
Qu’est-ce t’en dis ?
La
fille s’est crispée. Elles lui ont effleuré le derrière. Elle s’est dressée sur
la pointe des pieds avec un gémissement.
‒ Et
puis non. Non. Toi, on va te garder pour la bonne bouche. Non. Une autre.
Et
elles ont remonté toute la rangée, s’arrêtant ici, stationnant là.
‒ Celle-là ?
Elle doit brailler à pleins poumons, je suis sûre.
‒ Ou
celle-là plutôt, non ?
Elles
ont recommencé dans un sens, dans l’autre. Deux fois. Trois fois. En faisant
semblant de ne pas parvenir à se décider. Et puis elles sont finalement
revenues à la toute première. Sur le derrière de laquelle il y en a une qui a
brusquement lancé un grand coup de palette. La fille a hurlé.
‒ Mais
faut pas crier comme ça !
Un
deuxième coup. Un troisième. Elles se sont approprié chacune une fesse et elles
ont tapé en cadence. En alternance. La fille trépignait, tirait sur ses liens,
se distordait dans tous les sens. Et elle criait. Elle criait éperdument. Elle
criait sans discontinuer.
Iourievna
a murmuré.
‒ Comment
j’aimerais pas être à sa place !
Et
elle a ajouté.
‒ Ni
à celle des trois autres d’ailleurs ! C’est peut-être encore pire dans un
sens. Entendre ta copine hurler, entendre les coups tomber dessus et te dire
qu’après ça va être ton tour…
À
vingt-cinq elles se sont arrêtées.
‒ Les
vingt-cinq autres tout à l’heure…
Et
elles sont passées à sa voisine. Sur les fesses de laquelle elles s’en sont
donné à cœur-joie. Qu’elles ont fait chanter. À pleins poumons. Et gigoter tant
et plus.
‒ Elles
prennent leur pied, toutes les deux ! Non, mais regarde comment elles prennent
leur pied.
Et
ça a été au tour de la troisième. Puis de la quatrième. À nouveau la première.
Et puis encore les autres. Une orgie de gémissements, de lamentations, de
supplications. De coups de palettes de punition. De fesses rougies, écarlates,
sur toute leur surface.
Ça
s’est arrêté. On les a détachées. Elles se sont frotté vigoureusement les
fesses. En grimaçant et en sautillant un bon moment sur place. Et puis il leur
a fallu traverser la cour au milieu de collègues hilares entre lesquels elles
avaient tout juste la place de se faufiler. En se dissimulant de leur mieux de
leurs mains et de leurs bras ramenés tant bien que mal devant elles. Sous les
rires et les quolibets.
‒ Pas
la peine de vous cacher ! On a déjà tout vu.
‒ Ah,
oui, alors ! Et bien en détail.
‒ Et
pour en profiter, on en a profité, ça !
‒ En
attendant, faut reconnaître… On se rend pas vraiment compte sous l’uniforme,
mais vous êtes pas si mal fichues que ça, hein, finalement !
‒ En
tout cas, merci. Merci. C’était super, ce petit spectacle. On a bien apprécié.
Ah, si, si !
‒ Et
si vous voulez remettre ça, hésitez pas, hein, surtout ! Ce sera avec
plaisir.
Elles
ont disparu par une porte dans le fond. Et l’écran est devenu tout noir.
Iourievna
s’est relevée. En nage. Les yeux brillants. S’est mise à arpenter la pièce de
long en large.
‒ Non,
mais comment c’était trop ! T’as vu ça ? Non, mais t’as vu ça ?
Ah, pour de la correction, ça, c’est de la correction, on peut pas dire…
La
seule chose qu’elle regrettait.
‒ C’est
qu’il se soit pas attardé un peu plus sur le public, le cousin, pendant que ça
leur tombait sur le derrière. Ou plutôt non. Tu sais ce qu’il aurait
fallu ? C’est qu’il y en ait deux qui filment. Un, les filles punies et
l’autre les spectateurs.
Elle
a soupiré.
‒ Mais
rien peut jamais être parfait.
Ce
qu’elle se demandait aussi, c’est ce qu’il s’était passé après. Juste après. Et
puis aussi les jours suivants.
‒ À
ton avis ? Parce que ça a dû y aller les réflexions. Et puis peut-être
d’autres trucs. Sûrement même… Faudrait qu’on sache.
‒ Le
mieux…
‒ Ce
serait de demander à Ruxandra. Évidemment, oui ! Je l’appelle.
Elle
est tombée sur son répondeur.
Et Iourievna ? On la connait
Il y a un début à cette série
et l'épisode précédent : chapitre 29
Bonjour à tous,
RépondreSupprimerLà, c'est la déléguée de classe, Léa, qui prend les choses en main. C'est un peu normal car elle doit tenir ses camarades pour éviter que les choses ne dégénèrent davantage et c'est Théo qui en a fait les frais, pour le coup.
Et puis en second lieu, la fessée des stagiaire gendarme qui s'amusaient à détourner de l'argent des infraction. Elles s'en sont pris pour leur grade, c'est le cas de le dire...
Amitiés
Elena
Bonjour Elena. Et bonjour à tous.
SupprimerEt Léa prend son travail à cœur, c'est le moins qu'on puisse dire. Et on imagine bien avec quelle jubilation elle doit se multiplier un peu partout. Quand le confinement sera terminé, ses camarades la verront d'un autre œil. Elle aura pris le pas sur eux.
Quant aux quatre stagiaires gendarmes, gageons qu'elles auront compris la leçon. Quoique...
Amicalement.
François