jeudi 3 septembre 2020

Le journal d'Olga - chapitre 28 - acte 1

 Dès le début du confinement, maman a pris les choses en mains.

« Sainte-Croix est fermée, certes ! Mais ce n’est pas pour autant que vous devez laisser vos études aller à vau-l’eau.

Et elle nous a établi tout un programme à respecter scrupuleusement. Lever à sept heures. Douche. Petit déjeuner. Et au travail ! Jusqu’à midi. Avec, malgré tout, deux petites pauses dans le courant de la matinée. Quant à notre après-midi, on pouvait en faire ce qu’on voulait. À condition, bien entendu, de ne pas quitter la maison.

‒ Et de vous occuper intelligemment. Dans la mesure du possible.

Je commençais par appeler Théo. Il me manquait. Non, mais comment il me manquait ! Et puis mes copines. Les unes après les autres.

Iourievna, elle, passait des heures au téléphone avec Mylène.

‒ Oh, mais c’est le grand amour, dis donc !

Elle haussait furieusement les épaules.

‒ T’as pas d’autres idioties à dire ?

En attendant, il n’était plus question de Mbe. Plus du tout.

‒ Oui, oh, lui !

‒ T’as laissé tomber ?

‒ J’en sais rien. Et j’ai pas envie de me poser la question.

Par la force des choses, on était tout le temps ensemble toutes les deux. Vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Alors on se parlait. On s’était toujours beaucoup parlé. Mais là, plus encore que d’habitude.

Elle était fascinée par ce qu’elle appelait ma petite excursion en prison. Elle revenait sans arrêt là-dessus.

‒ Vas-y ! Raconte !

‒ Encore ! Mais je l’ai déjà fait dix mille fois.

‒ T’as peut-être oublié des trucs… Je sais pas, moi ! Peut-être qu’on te l’a faite finalement, la fouille à corps, histoire de te dégoûter à tout jamais de la prison, mais que t’as pas envie d’avouer que t’as dû subir une chose pareille.

‒ Mais jamais de la vie !

‒ Ce qui peut se comprendre. Parce que comment ça doit être humiliant. Si ça m’arrivait à moi, je sais pas comment je réagirais. Parce que c’est insupportable, l’humiliation, oui, mais parce que c’est insupportable justement, ça a quelque chose de…

‒ De quoi ?

‒ Non, rien. Laisse ! Il y a des moments, je me dis que je suis complètement folle. »

 

De temps en temps, le matin, maman montait voir si tout se passait bien. Elle se penchait sur nos écrans d’ordinateur, corrigeait ici, conseillait là, commentait, encourageait.

Or, ce matin-là…

« Hein ? Mais qu’est-ce que c’est que ça ?

Ça, c’était le dessin que Mylène avait fait d’Iourievna toute nue. Elle l’avait suspendu, dans un cadre, au-dessus de son lit. Dix fois maman était passée devant sans lui avoir jamais prêté la moindre attention. Sauf que là…

‒ Mais qu’est-ce que c’est que ça ? Tu peux me dire ?

Iourievna a bafouillé. Tenté d’expliquer, tant bien que mal, que Mylène était très douée, une véritable artiste, et que, du coup, elle avait pensé que ce serait bien de lui donner l’occasion de se faire un peu plus la main encore…

‒ Ce qui impliquait forcément que tu poses à poil ?

‒ Mais non, mais…

‒ Et que tu accroches ça dans ta chambre ! Non, mais est-ce que tu te rends compte, Iourievna ? Vous y recevez des copains.

‒ Oh, pas tant que ça !

‒ Mais il y en a eu ! Et des copines. Qu’est-ce qu’elles doivent penser de toi, tes copines !

‒ Oh, tu parles !

‒ Sans compter que n’importe qui peut être amené à y entrer dans ta chambre. Pour une raison ou pour une autre. Le plombier. Le chauffagiste. L’électricien.

‒ Oui, oh ben, ils en perdraient pas la vue !

‒ Ah, tu le prends comme ça ! Très bien. Alors tu vas commencer par m’enlever ça de là. Tout de suite. Allez !

Elle a obtempéré. Tout en maugréant, entre ses dents, qu’il y avait pas de quoi fouetter un chat, qu’il fallait vivre avec son temps et qu’on était en 2020…

La réponse ne s’est pas fait attendre.

‒ On est en 2020, oui. Et, en 2020, les gamines insolentes et irresponsables reçoivent la fessée quand elles la méritent.

Et elle s’est assise au bord de son lit.

‒ Viens ici, Iourievna !

Elle est devenue toute blanche.

‒ Oh, non, maman ! Non ! S’il te plaît…

‒ Je t’ai dit de venir ici ! Alors un conseil : ne me fais pas perdre mon temps.

Elle s’est approchée. À tout petits pas.

‒ Plus près ! Encore ! Allez !

Elle a tenté, une dernière fois, de l’apitoyer.

‒ Je le ferai plus. Je te promets.

‒ On sait ce qu’elles valent, tes promesses. Non, il y a que ça que tu comprends. Une bonne fessée.

Elle a passé les pouces sous l’élastique de son pantalon de jogging, des deux côtés, et elle le lui a descendu jusque sur les chevilles. La culotte aussi, une petite culotte couleur parme. Elle l’a fait s’allonger en travers de ses genoux, l’a bien calée contre elle et elle a tapé. De grandes claques vigoureuses, lancées de très haut, qui lui rebondissaient sur le derrière, qui y inscrivaient la marque de ses doigts. Ça a duré, mais duré ! Iourievna a gémi, voulu, d’instinct, se protéger.

‒ Enlève ta main ! Enlève ta main tout de suite !

Elle a obéi. Et les claques ont redoublé d’intensité. Elle a crié, cette fois. Imploré.

‒ Assez ! Assez ! S’il te plaît ! S’il te plaît !

Maman n’a tenu aucun compte de ses supplications. Elle ne s’est arrêtée que lorsqu’elle a estimé la punition suffisante.

‒ Là !

Elle l’a laissée se relever.

Ses fesses étaient écarlates. Elle se les est énergiquement frottées. En grimaçant.

‒ Et maintenant tu te remets au travail.

Elle est partie. En emportant le dessin.

‒ Je m’en fiche ! Elle m’en fera un autre, Mylène. »

Et elle lui a téléphoné.

 

Le vendredi après-midi, on était toutes les deux toutes seules à la maison. C’était le jour où les parents allaient faire les courses pour la semaine. Ils se répartissaient la besogne. Papa, la grande surface et maman, les petits commerces.

Ils venaient tout juste de partir, ce vendredi-là, quand on a sonné.

‒ Qui ça peut être ?

J’étais en train de téléphoner à Elena.

C’est Iourievna, du coup, qui est descendue voir. Et qui est remontée avec… Théo.

Théo que j’ai gratifié d’un grand sourire ravi.

‒ Ben, qu’est-ce tu fais là, toi ? Attends, je raccroche. Oui. Elena ? Elena, t’es là ? Je sais pas ce qui se passe. J’entends parler, mais…

Iourievna a suggéré.

‒ Mets le haut-parleur !

Il y a eu toutes sortes de bruits.

‒ Elle l’a pas raccroché, son portable.

Et puis, d’un coup, la voix de sa mère.

‒ Quand tu auras fini de me prendre pour une imbécile… À la maison ! Tout de suite ! Et je peux te dire que tu vas t’en ramasser une. Et une bonne.

Celle d’Elena.

‒ Lâche-moi enfin ! Mais lâche-moi !

‒ Ah, c’est comme ça, ma petite ! Tu veux pas m’obéir ? Tu veux pas rentrer ? Eh bien ici, je vais te la donner. Sur la table de jardin.

Elle a protesté. Sur un ton scandalisé.

‒ Oh, non, hein ! Les voisins…

‒ Ils sont pas là à cette heure-ci, les voisins !

Théo a hoché la tête.

‒ Avec le confinement, tu parles comme ils sont pas là. Ils sont tous chez eux, oui !

Elle s’est débattue. Un bon moment. Et elle a supplié.

‒ Pas la culotte ! Pas la culotte !

Il y a eu le bruit d’une gifle. Et puis, presque aussitôt derrière, celui de tout un tas de claques bien sonores, bien régulières.

Iourievna a constaté.

‒ Ça y est ! Elle y attrape. Et ça fait pas semblant.

Sa mère était furieuse.

‒ J’en ai assez ! Plus qu’assez ! Tous les jours, c’est la même chose. Tu travailles pas. Tu fais semblant. Tu crois que je le vois pas ? Cette fois, ça suffit ! Ça suffit vraiment !

Il y a eu aussi la voix de son père.

‒ On te l’a assez répété, Elena, non ?

‒ Mais oui ! Seulement elle veut rien entendre. Elle fait sa tête de mule. Ah, ça va être beau, les résultats ! Ça va être beau !

Elle gémissait, Elena. Tout bas. En sourdine.

Iourievna a supposé.

‒ Ben, tiens ! Elle veut pas ameuter le quartier.

Qui devait l’être quand même. Parce que rien que le bruit des claques sur son derrière…

Ça a continué encore un bon moment.

‒ Elle doit l’avoir dans un état !

Quand ça s’est arrêté, elle s’est mise à parler russe, sa mère. Et Théo a voulu savoir.

‒ Qu’est-ce qu’elle dit ?

‒ Qu’elle peut s’estimer heureuse. Parce qu’à la ceinture ça aurait pu être. Et qu’elle perd rien pour attendre. Parce que la prochaine fois…

‒ Ah, oui…

Il avait les yeux brillants et son truc était dressé tout droit dans son pantalon.

Il y a eu des rires dans le lointain. Des gens qui parlaient. Et puis plus rien. Juste le chant des oiseaux. Le bruit des voitures. C’était fini.

‒ Bon, mais et toi, Théo ? Qu’est-ce tu fiches là ? Tu nous as pas dit.

‒ Tu me manquais. J’avais trop envie de te voir.

‒ T’as rempli le papier dérogatoire au moins ?

‒ Ben non ! Qu’est-ce tu voulais que je mette ? Que j’allais voir ma copine ?

‒ Et si tu te fais prendre ?

‒ Je me ferai pas prendre.

‒ Oui, oh, alors ça, t’en sais rien du tout.

‒ Mais non !

Il est allé se planter devant le lit d’Iourievna.

‒ Il est passé où ?

‒ Quoi donc ?

‒ Ben, le dessin, tiens !

Elle a haussé les épaules.

‒ Confisqué ! À ce qu’il paraît que c’est scandaleux de se faire dessiner toute nue par une copine.

‒ Ce qui t’a valu une fessée.

Elle a hésité.

‒ Oui.

‒ Et une bonne ! Parce que rien qu’à ta façon de grimacer et de pas vouloir t’asseoir, tu dois l’avoir sacrément rouge. Non ?

‒ Oui, bon ben ça va ! Tu voudrais pas que je te le montre non plus !

Il a failli dire quelque chose, s’est ravisé, est venu me déposer un petit baiser dans le cou.

‒ En tout cas, moi, le dessin que j’ai d’Olga, il est en lieu sûr.

Il a eu son petit sourire coquin.

‒ Et j’en fais bon usage.

Encore un petit baiser dans le cou.

‒ Ben oui ! Je suis pas de marbre, moi, qu’est-ce que tu veux ! Et comme, avec cette histoire de virus, il y a pas moyen de se voir comme on voudrait, du coup…

Iourievna s’est levée.

‒ Bon, ben je crois que le mieux, ce serait que je vous laisse.

‒ Ce serait pas mal, oui !

Elle n’a pas eu le temps d’arriver jusqu’à la porte. Mon portable a sonné.

‒ C’est Elena, j’parie !

Et elle est revenue sur ses pas.

C’était elle.

‒ Ça va, vous ?

Oh, nous ça allait, oui…

‒ Mais toi ?

‒ Pas trop ! Je viens de me ramasser une de ces fessées !

‒ On sait. On a entendu.

‒ Oui. Mon portable. J’avais pas raccroché, je viens de me rendre compte. Oh, mais je les accumule, moi, aujourd’hui ! Idiotie sur idiotie. Parce que c’était forcé qu’elle allait finir par me tomber dessus, ma mère. Trois jours qu’elle arrêtait pas de me dire qu’il fallait que je bosse au lieu de chercher sans arrêt des prétextes pour glander. Et de passer ma vie au téléphone. Qu’elle allait m’y remettre, elle, au travail. De gré ou de force. Non, mais surtout, ce qu’elle a pas apprécié, c’est que je file en douce au jardin en laissant tourner bien fort le cours d’anglais dans ma chambre pour faire croire que j’étais en plein boulot. Là, c’était sûr que j’allais y avoir droit. Quelle andouille j’ai été, non, mais quelle andouille ! Fallait pas que je lui tienne tête. Fallait que je m’écrase et que je me rapatrie vite fait à la maison quand elle me l’a demandé. On fait de ces trucs des fois ! Parce que c’était couru qu’elle allait me la flanquer dehors, sinon, la fessée ! Je la connais. Oh, la honte ! Non, mais la honte ! Avec tous les voisins qu’on a !

‒ Ils se sont peut-être rendu compte de rien.

‒ Tu parles qu’ils se sont rendu compte de rien ! Je les ai entendus s’appeler d’un balcon à l’autre. Je suis pas sourde. Et quand j’ai levé la tête à la fin…

Elle s’est brusquement interrompue.

‒ Ma mère ! Ma mère ! Si elle me trouve encore au téléphone, ma mère, je suis morte.

Et elle a raccroché.

 

Juste le temps pour Iourievna de nous proposer, une nouvelle fois, de nous laisser tous les deux tout seuls, Théo et moi…

‒ Vu que, sûrement, vous avez des tas de choses à vous dire, surtout maintenant…

Et son portable a sonné.

‒ C’est Grace…

Grace et sa sœur Chelsea sont deux filles de notre classe qui habitent la maison juste en face de celle d’Elena. En vis-à-vis. Tout près. Si près qu’en rigolant, des fois, Elena dit qu’elle pourrait manger dans leurs assiettes. À l’école, elles sont du genre irréprochable. Un comportement exemplaire. Toujours. Partout. Des résultats extrêmement brillants. Jamais le moindre faux pas. Elles font partie des rares élèves de Sainte-Croix à n’avoir jamais reçu de fessée. Par contre, voir les autres s’en prendre, elles adorent. Et elles ne cherchent à dissimuler ni leur excitation ni leur plaisir. Sans compter qu’après, les jours suivants, on peut être tranquilles qu’elles vont épiloguer en long, en large et en travers sur celle qui vient d’avoir lieu. Avec gourmandise. Alors qu’elles nous appellent, ça n’avait rien de vraiment surprenant.

‒ Coucou, les filles ! Ça se passe bien ?

Ça allait, oui.

‒ Nous aussi ! Et puis alors là, on vient d’assister à un truc, mais à un truc ! Elena…

On a joué les innocentes.

‒ Oui. Eh bien quoi, Elena ?

‒ Elle vient de s’en prendre une, et une sévère, les fesses à l’air, dans le jardin, avec tout le monde aux fenêtres et sur les balcons. Et ils se sont bien rincé l’œil, les gens, alors là ! Surtout que, vu comment elle gigotait sous les claquées, ils avaient droit à tout le panorama. Mais alors s’il y en a un qui s’est particulièrement régalé, c’est bien Reece…

Reece, c’est un garçon de notre classe, un Anglais, que leurs parents hébergent pour toute la durée de l’année scolaire.

‒ Comment ça ?

‒ Il avait carrément sorti les jumelles. Et ça y allait sa main dans le pantalon. Il croyait qu’on le voyait pas, planqué derrière le rideau de sa chambre, mais on n’est pas nées de la dernière pluie, nous ! Et on connaît toutes les ficelles de la maison.

Une voiture.

‒ Ça, c’est maman !

J’ai fait signe à Théo.

‒ Vite ! Vite ! Si elle te trouve là…

Je lui ai fait dévaler l’escalier. Il a filé par la buanderie. Et par le portail sur la petite rue derrière. C’était juste. Plus que juste. D’un peu plus… Je n’ai pas eu le temps de remonter. Maman m’a interceptée au passage.

‒ Ah, ben tu tombes bien, toi ! Tu vas m’aider à déballer les courses.



Et Iourievna ? On la connait

Je veux ! Elena nous l'a longuement présentée mais si vous êtes passés à côté,  voici le premier épisode de la série : le chapitre 1

Il y a un début à cette série

Le chapitre 1
et l'épisode précédent : chapitre 27
Mais si vous voulez lire ce récit d'un autre point de vue : les rebelles chapitre 28

Et la suite ?

François nous la prépare pour la semaine prochaine

N'hésitez pas pour les commentaires

Tout le monde les attend : que pensez-vous de cette série croisant l'imaginaire d'Elena et celui de François ?

2 commentaires:

  1. Bonjour François,
    Cet épisode est relatif à l'actualité / confinement. Période à laquelle l'enfermement pesait à certaines personnes qui s'empressaient de transgresser les règles établies. Nos jeunes en font partie et la sanction tombaient aussitôt. Le cadre sanitaire ne doit pas être pris à la légère et une bonne fessée remets les idées en place.
    Le dessin du nu devait être découvert. Là encore, nos personnages en peuvent s'en prendre qu'à eux même.
    Qu'en à Elena, avec une mauvaise manip, elle a été entendue par ses amis. Une grande humiliation, car c'est comme si ses amis étaient présents lorsqu'elle a reçu sa sévère fessée. Après ça, on en mène pas large lorsqu'on s'aperçoit de ce qui s'est passé.
    Amitiés.
    Elena.

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    Réponses
    1. Bonjour, Elena. Et bonjour à tous.
      Effectivement, la période du confinement parle à tout le monde. Tout le monde l'a vécue. Il est donc très aisé pour le lecteur de s'y projeter et de percevoir comment les jeunes ont pu s'efforcer de contourner les règles. Avec toutes les conséquences que cela implique.
      Amicalement. François.

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